« Le Voyage de Lapérouse (1785-1788). Tome I. [Mémoire du roi pour servir d’instruction particulière au sieur de Lapérouse] »
Il s’agit de la grande expédition confiée à La Pérouse*. En 1783, Louis XVI voulut voir la France prendre toute sa place dans l’achèvement de la reconnaissance du globe, jaloux des succès acquis sur ce terrain par sa perpétuelle rivale — l’Angleterre. Il choisit pour ce but une âme expérimentée qui, endurcie par le genre de vie difficile des marins, la rendrait capable de conduire avec succès une grande expédition rassemblant en un seul les trois voyages de Cook. Cette âme, c’était La Pérouse**. Les instructions pour ce voyage, que La Pérouse était autorisé à modifier s’il le jugeait convenable, furent dictées par Louis XVI lui-même et mises au propre par Charles-Pierre Claret, comte de Fleurieu, futur ministre de la Marine et des Colonies. Elles sont regardées comme un modèle de ce genre. Je ne peux m’empêcher d’en citer quelques lignes qui ne caractérisent pas moins le plan du roi que la largeur de ses vues sur l’action que la France est appelée à exercer à l’étranger : « Le sieur de La Pérouse », dit le « Mémoire du roi », « dans toutes les occasions en usera avec beaucoup de douceur et d’humanité envers les différents peuples qu’il visitera dans le cours de son voyage. Il s’occupera avec zèle et intérêt de tous les moyens qui peuvent améliorer leur condition, en procurant à leur pays les… arbres utiles d’Europe, en leur enseignant la manière de les semer et de les cultiver… Si des circonstances impérieuses, qu’il est de la prudence de prévoir… obligeaient jamais le sieur de La Pérouse à faire usage de la supériorité de ses armes sur celles des peuples sauvages… il n’userait de sa force qu’avec la plus grande modération… Sa Majesté regarderait comme un des succès les plus heureux de l’expédition qu’elle pût être terminée sans qu’il en eût coûté la vie à un seul homme ». On prépara les deux navires, la Boussole et l’Astrolabe. On plaça à bord une gravure figurant la mort de Cook. Et la vue de cette image avivait l’ardeur des navigateurs, qui disaient souvent : « Voici la mort que doivent envier les gens de notre métier ! »*** Pauvres hommes, ils ne croyaient pas si bien dire.