Mot-clefCongo-Brazzaville

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Zao, «Ancien Combattant»

dans « Notre Librairie : revue des littératures du Sud », nº 154, p. 76-77

dans «Notre Li­brai­rie : re­vue des lit­té­ra­tures du Sud», nº 154, p. 76-77

Il s’agit de Ca­si­mir Zoba, chan­teur et au­teur-com­po­si­teur congo­lais, plus connu sous le sur­nom de Zao. Les hommes vivent au mi­lieu de la faim, de la fai­blesse, de la mort. Heu­reux en­core s’ils n’employaient pas à se com­battre et s’entretuer mu­tuel­le­ment le peu de jours qu’ils ont à pas­ser en­semble! Quelles sont les pre­mières marques du pas­sage hu­main que l’on ait re­trou­vées sous les cendres éteintes du Vé­suve? Des armes, des ins­tru­ments de tor­ture, des corps en­chaî­nés. «Il y a un sage qui di­sait : “Tant que l’humanité ne tuait pas la guerre, la guerre tuait l’humanité”. Alors, moi», dit Zao 1, «je me suis mis à la place d’un an­cien com­bat­tant qui a fait les deux grandes guerres et qui dé­nonce ce qu’il a vécu, et j’en ap­pelle à la paix. Je le fais par­ler dans le mau­vais fran­çais qui était le sien». Zao a d’abord été ins­ti­tu­teur avant d’embrasser une car­rière mu­si­cale. À cette époque, il y avait l’Angola, proche de son Congo-Braz­za­ville na­tal, qui était en guerre. À l’école, il re­tra­çait aux en­fants les conflits aux­quels l’Afrique noire avait pris part. Alors, il a en­re­gis­tré «An­cien Com­bat­tant» pour crier à la bê­tise hu­maine. Sous le dé­gui­se­ment d’un trou­ba­dour au rire dé­bon­naire, aux yeux qui tour­ne­boulent, au par­ler bur­lesque, il ca­chait une réelle pro­fon­deur : «Zao [construit] à tra­vers l’épopée de l’ancien com­bat­tant le pro­to­type du ré­sis­tant à la sous-hu­ma­ni­sa­tion. Dé­ra­ciné et mo­bi­lisé pour al­ler af­fron­ter, contre son gré, l’horreur de la guerre, l’ancien com­bat­tant est… un su­jet ré­éla­bo­ra­teur de sens. Son re­fus de tout anéan­tis­se­ment s’exprime par la créa­tion d’une langue bâ­tarde : le pe­tit-nègre. Comme les par­lers créo­li­sants connus dans l’histoire, le pe­tit-nègre obéit à une [triple] fonc­tion­na­lité : il est à la fois es­pace de re­pli, ré­ap­pro­pria­tion d’une iden­tité di­luée et sub­ver­sion à l’égard des [lois] syn­taxiques… Zao pré­ci­sé­ment fait in­ter­ve­nir un nou­veau tour­nant dans la mu­sique congolo-zaï­roise par ce [triple] mou­ve­ment. Loin des modes pas­sa­gères et de la re­cherche du suc­cès éphé­mère, il comble un ho­ri­zon d’attente, dans une Afrique qui re­çoit sa mu­sique comme une pa­role ré­vé­lée», dit M. Gré­goire Ndaki

  1. Dans «Les Voix de l’Afrique», p. 85. Haut