Il s’agit de Casimir Zoba, chanteur et auteur-compositeur congolais, plus connu sous le surnom de Zao. Les hommes vivent au milieu de la faim, de la faiblesse, de la mort. Heureux encore s’ils n’employaient pas à se combattre et s’entretuer mutuellement le peu de jours qu’ils ont à passer ensemble ! Quelles sont les premières marques du passage humain que l’on ait retrouvées sous les cendres éteintes du Vésuve ? Des armes, des instruments de torture, des corps enchaînés. « Il y a un sage qui disait : “Tant que l’humanité ne tuait pas la guerre, la guerre tuait l’humanité”. Alors, moi », dit Zao1, « je me suis mis à la place d’un ancien combattant qui a fait les deux grandes guerres et qui dénonce ce qu’il a vécu, et j’en appelle à la paix. Je le fais parler dans le mauvais français qui était le sien ». Zao a d’abord été instituteur avant d’embrasser une carrière musicale. À cette époque, il y avait l’Angola, proche de son Congo-Brazzaville natal, qui était en guerre. À l’école, il retraçait aux enfants les conflits auxquels l’Afrique noire avait pris part. Alors, il a enregistré « Ancien Combattant » pour crier à la bêtise humaine. Sous le déguisement d’un troubadour au rire débonnaire, aux yeux qui tourneboulent, au parler burlesque, il cachait une réelle profondeur : « Zao [construit] à travers l’épopée de l’ancien combattant le prototype du résistant à la sous-humanisation. Déraciné et mobilisé pour aller affronter, contre son gré, l’horreur de la guerre, l’ancien combattant est… un sujet réélaborateur de sens. Son refus de tout anéantissement s’exprime par la création d’une langue bâtarde : le petit-nègre. Comme les parlers créolisants connus dans l’histoire, le petit-nègre obéit à une [triple] fonctionnalité : il est à la fois espace de repli, réappropriation d’une identité diluée et subversion à l’égard des [lois] syntaxiques… Zao précisément fait intervenir un nouveau tournant dans la musique congolo-zaïroise par ce [triple] mouvement. Loin des modes passagères et de la recherche du succès éphémère, il comble un horizon d’attente, dans une Afrique qui reçoit sa musique comme une parole révélée », dit M. Grégoire Ndaki2.
« je me suis mis à la place d’un ancien combattant qui a fait les deux grandes guerres et qui dénonce ce qu’il a vécu »
Voici un passage qui donnera une idée de la manière de Zao :
« Marque le pas ! un, deux ! ancien combattant Mundasukiri
La guerre “mondiaux”, ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
Quand viendra la guerre “mondiaux”, tout le monde “cadavré”
Quand la balle siffle, il n’y a pas de choisi…
Marque le pas ! un, deux ! ancien combattant Mundasukiri
Pourquoi la guerre, pourquoi la guerre, pourquoi la guerre
La guerre ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
Quand viendra la guerre, tout le monde affamé, oh
Le coq ne va plus “coquer”, cocorico, oh
La poule ne va plus “pouler”, “pouler” les œufs
Le footballeur ne va plus “footer”, pousser le ballon
Les joueurs “cadavrés”, les arbitres “cadavrés”, le sifflet “cadavré”, même le ballon “cadavré”…
La bombe ce n’est pas bon, ce n’est pas bon…
Les Pershing3 ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
SS-204 ce n’est pas bon, ce n’est pas bon
Quand viendra la bombe, tout le monde “bombé”, oh
Ton pays “bombé”, l’U.R.S.S. “bombée”, les États-Unis “bombés”, la France “bombée”, l’Italie “bombée”…
Mon chien “bombé”, les écoles “bombées”, ma poitrine “bombée”, tout le monde bombardé
Semez l’amour et non la guerre, mes amis, tenons-nous la main dans la main
Jetez vos armes, jetez vos armes, jetez vos armes
Tenons-nous la main dans la main »5.
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- « Ancien Combattant » (2004) [Source : Institut français].
Téléchargez ces enregistrements sonores au format M4A
- Entretien avec Zao [Source : Radio France Internationale (RFI)]
- Loïcia Martial évoquant Zao [Source : Radio France Internationale (RFI)].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Soeuf Elbadawi, « Le Sage et le Protecteur » dans « Africultures », no 25, p. 62-64.
- Grégoire Ndaki, « Crises, Mutations et Conflits politiques au Congo-Brazzaville » (éd. L’Harmattan, coll. Études africaines, Paris-Montréal)
- Frank Tenaille, « Les Voix de l’Afrique » dans « Le Monde de la musique-Télérama », vol. 74, p. 81-85.