Photius, « Maximes pour la conduite du prince Michel, roi de Bulgarie »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de la « Lettre à Mi­chel, roi de Bul­ga­rie » (« Epis­tolê pros Mi­chaêl ton ar­chonta Boul­ga­rias »1) de Pho­tius2, pa­triarche de Constan­ti­nople (IXe siècle apr. J.-C.). Du temps de Pho­tius, les Bul­gares, voi­sins re­dou­tables par leurs guerres sou­vent heu­reuses, don­naient beau­coup de mal à l’Empereur de Constan­ti­nople. Tan­tôt al­liés et tan­tôt op­po­sés aux di­verses tri­bus des Bal­kans, ils avaient conquis sur les Grecs d’importantes pro­vinces et s’étaient avan­cés même jusqu’au Pé­lo­pon­nèse, en ré­pan­dant la langue slave, qui était de­ve­nue la leur, dans les ter­ri­toires qu’ils oc­cu­paient, et où on la parle en­core de nos jours. Ils avaient trouvé sur ces ter­ri­toires des prêtres grecs, des­quels ils avaient reçu les pre­mières lu­mières de la re­li­gion, quoiqu’il y ait lieu de dou­ter, avec Vol­taire3, que « ces Bul­gares, qui bu­vaient dans le crâne de leurs en­ne­mis, fussent d’excellents théo­lo­giens ». Pho­tius, ha­bile po­li­ti­cien, voyait que, s’il y avait quelque es­poir d’amadouer ces hommes fé­roces, c’était par la confor­mité d’un même culte et d’une même foi, plu­tôt que par la force des armes. Il n’attendait qu’une oc­ca­sion et il crut qu’elle s’offrait à lui : car Bo­ris4, roi de Bul­ga­rie, ve­nait de se conver­tir sous le nom chré­tien de Mi­chel. Pho­tius, per­suadé que la re­li­gion rap­pro­che­rait les deux peuples, es­saya de la faire ser­vir aux in­té­rêts de l’État, en sou­met­tant cette Église nais­sante à celle de Constan­ti­nople. Pour cela, il fal­lait s’insinuer dans l’esprit du roi bul­gare ; et ce fut dans ce but qu’il en­voya une « Lettre à Mi­chel, roi de Bul­ga­rie » pour lui don­ner des ins­truc­tions, tant sur les de­voirs d’un chré­tien, que sur ceux d’un bon prince. Clas­ser cette lettre parmi les « plus beaux mo­nu­ments de l’Antiquité »5, c’est lui faire un hon­neur qu’elle ne mé­rite pas ; mais il faut avouer qu’elle est ce que Pho­tius a écrit de plus agréable et de plus pro­fi­table dans sa cor­res­pon­dance : car les maximes et les règles de conduite s’y placent tout na­tu­rel­le­ment, sans pé­dan­tisme, et l’on se sent en pré­sence d’un pa­triarche qui n’est pas moins im­pré­gné de sa­gesse païenne, que de mo­ra­lité chré­tienne.

un pa­triarche qui n’est pas moins im­pré­gné de sa­gesse païenne, que de mo­ra­lité chré­tienne

« Dans presque toutes les pres­crip­tions, don­nées dans cette épître », dit un his­to­rien6, « il y a des em­prunts à Iso­crate ou à Aga­pet : le prince doit ac­cep­ter les lois les plus sé­vères, mais gou­ver­ner ses su­jets d’après des lois plus hu­maines (§42)… Pho­tius lui conseille de ne com­mettre rien qui soit contraire à la loi (§79), et de ne pas louer de pa­reils man­que­ments com­mis par au­trui (§46). En outre, il parle des qua­li­tés d’un bon juge (§54), et lui dit com­ment lui-même pour­rait de­ve­nir un bon juge (§59). En ayant à sa dis­po­si­tion un grand pou­voir, le prince ne doit pas en abu­ser (§39)… Quant à la conduite du sou­ve­rain en­vers ses su­jets, Pho­tius lui conseille de ne pas les gou­ver­ner par la vio­lence, mais en se confiant à leur bien­veillance, parce que cette der­nière consti­tue une base meilleure et plus sûre du pou­voir que la peur (§41)… Si [le prince] doit sup­por­ter ses propres mal­heurs avec tran­quillité et vaillance, il doit com­pa­tir aux mal­heurs de ses su­jets avec hu­ma­nité (§74). Il ne faut ame­ner per­sonne au déses­poir, étant donné que le déses­poir est [un en­nemi] in­vin­cible (§96). Mais en même temps, il ne faut pas par­ler pour plaire à la mul­ti­tude, comme il ne faut pas se don­ner l’air d’un homme hau­tain et su­perbe (§67). En­fin, Pho­tius ajoute un cri­té­rium gé­né­ral : le bien-être des su­jets prouve que l’autorité est très rai­son­nable et très juste (§112). »

« Ἄρχοντος μέν τινες ἔφασαν ἀρετὴν ἐκ μικρᾶς μεγάλην πόλιν ποιῆσαι· ἐγὼ δὲ μᾶλλον ἂν φαίην τὸ ἐκ φαύλης σπουδαίαν παρασκευάσαι. »
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Com­bien d’adulateurs, flat­tant l’orgueil des princes,
Vou­draient du monde en­tier leur ou­vrir les pro­vinces
Et mettent la vertu des pe­tits po­ten­tats
À se faire plus grands par de plus grands États !
Ou je suis dans l’erreur, ou le de­voir ins­pire
De ré­for­mer, plu­tôt que d’étendre l’Empire. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de dom Ber­nard de Va­rennes

« Sunt qui pro­nun­tiant ad of­fi­cium re­gis im­pri­mis per­ti­nere, rem­pu­bli­cam e parva ma­gnam fa­cere : mihi po­tius vi­de­tur, ex im­proba pro­bam consti­tuere. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine de Ri­chard de Mon­taigu (XVIIe siècle)

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • dom Noël d’Argonne, « His­toire de la théo­lo­gie : ou­vrage post­hume. Tome I » (XVIIIe siècle) [Source : Google Livres]
  • Ivan Du­jčev, « L’Épître de Pho­tius au len­de­main de la conver­sion du peuple bul­gare » dans « Mé­langes de science re­li­gieuse », vol. 8, p. 211-226
  • Raïa Zaï­mova, « L’Adaptation fran­çaise (1718) de l’épître du pa­triarche Pho­tius dans l’éducation du jeune Louis XV » dans « L’Institution du prince au XVIIIe siècle » (éd. Centre in­ter­na­tio­nal d’étude du XVIIIe siècle, Fer­ney-Vol­taire), p. 145-151.
  1. En grec « Ἐπιστολὴ πρὸς Μιχαὴλ τὸν ἄρχοντα Βουλγαρίας ». Haut
  2. En grec Φώτιος. Par­fois trans­crit Phô­tios. Haut
  3. « Bul­gares » dans « Dic­tion­naire phi­lo­so­phique ». Haut
  1. En bul­gare Борис. Éga­le­ment connu sous le nom de Bo­go­ris (Богорис). Haut
  2. p. 9. Haut
  3. M. Ivan Du­jčev. Haut