Mot-clefDenis Kohler

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

Cornaros, «Érotocritos»

éd. Zoé, coll. Les Classiques du monde, Carouge-Genève

éd. Zoé, coll. Les Clas­siques du monde, Ca­rouge-Ge­nève

Il s’agit de l’«Éro­to­cri­tos» 1, poème de ga­lan­te­rie che­va­le­resque en langue grecque, écrit à la fin du XVIe ou au dé­but du XVIIe siècle par Vit­sent­zos Cor­na­ros 2, un aris­to­crate cré­tois d’origine vé­ni­tienne. La chute de Constan­ti­nople avait brisé les Grecs et les avait plon­gés dans une mi­sère, une op­pres­sion, une ruine qui, du­rant quatre siècles, leur in­ter­dit toute créa­tion lit­té­raire. Seule la Crète de­meura, si l’on peut dire, pri­vi­lé­giée. La do­mi­na­tion vé­ni­tienne, moins ob­tuse et plus ci­vi­li­sée que celle des Turcs, n’y brima point les arts et les lettres. «C’est donc de cette seule île que l’hellénisme [eut] la pos­si­bi­lité de faire en­core en­tendre sa voix. Aussi, lorsqu’en ces siècles la Crète parle, elle le fait au nom de tout ce qui est grec», dit un cri­tique 3. Un peuple, quelque abaissé qu’il soit, ne peut se pas­ser de poé­sie. C’est ainsi que se dé­ve­loppa une lit­té­ra­ture lo­cale qui resta pro­fon­dé­ment cré­toise en dé­pit d’emprunts à l’Italie. Elle mon­tra ce que la Grèce pou­vait ac­com­plir quand elle jouis­sait d’un ré­pit re­la­tif. Re­gardé comme l’œuvre maî­tresse de cette pé­riode, l’«Éro­to­cri­tos» com­prend plus de dix mille vers d’une mé­trique ir­ré­pro­chable. Il re­late le thème éter­nel des amants sé­pa­rés, que la force de leur amour réunit après bien des épreuves. Éro­to­cri­tos («le Tour­menté d’amour») aime Aré­tousa («la Ver­tueuse»), fille du roi Hé­ra­clès, qui n’est pas moins amou­reuse de lui. Toutes les nuits, l’amant prend son luth et en joue de­vant le pa­lais. Sa voix est comme celle du ros­si­gnol et at­ten­drit les cœurs. Le roi en­voie des sol­dats ar­més, char­gés de s’emparer du chan­teur noc­turne. Éro­to­cri­tos, avec l’aide d’un ami, en tue deux et en blesse huit autres. Le len­de­main, Aré­tousa, n’entendant plus les sons du luth, dé­pé­rit de cha­grin. Le roi, pour la dis­traire, se dé­cide à don­ner un grand tour­noi, dont Éro­to­cri­tos sort vain­queur. Ce­pen­dant, dès que ce­lui-ci fait de­man­der par son père la main d’Arétousa, il est exilé par le roi. Un sort plus triste en­core at­tend la jeune fille, qui est je­tée dans un ca­chot. Sur ces en­tre­faites, la guerre éclate entre le royaume des Grecs et ce­lui des Va­laques, et Éro­to­cri­tos re­vient, dé­guisé en Maure, pour sau­ver la vie au roi.

  1. En grec «Ἐρωτόκριτος». Par­fois trans­crit «Éro­to­kri­tos». On ren­contre aussi la gra­phie «Ρωτόκριτος» («Rô­to­kri­tos»). Haut
  2. En grec Βιτσέντζος Κορνάρος. Par­fois trans­crit Vincent Cor­naro, Vin­cenzo Kor­naro, Vi­cenzo Cor­naro, Vi­cen­zos Cor­na­ros, Vin­cen­zos Cor­na­ros, Vi­ken­tios Kor­na­ros ou Vit­zent­zos Cor­na­ros. Haut
  1. Alexandre Em­bi­ri­cos. Haut