Tokutomi, « Plutôt la mort : roman japonais »

éd. L’Action sociale, Québec

éd. L’Action so­ciale, Qué­bec

Il s’agit du ro­man ja­po­nais « Ho­to­to­gisu »1 de To­ku­tomi Roka2, de son vrai nom To­ku­tomi Ken­jirô3. Ayant grandi dans l’ombre de son frère aîné, To­ku­tomi Sohô, di­rec­teur du « Ko­ku­min no Tomo »4 (« L’Ami de la na­tion »5) et du « Ko­ku­min Shim­bun »6 (« Jour­nal de la na­tion »), c’est dans les co­lonnes de ces pé­rio­diques que To­ku­tomi pu­blia ses pre­miers ar­ticles lit­té­raires, qui mirent en vue son pseu­do­nyme de Roka (« fleur de ro­seau »7). En outre, dans les mêmes co­lonnes, pa­rut en feuille­ton entre no­vembre 1898 et mai 1899 son « Ho­to­to­gisu » (« Le Cou­cou »). Réuni en­suite en vo­lume, ce ro­man connut un suc­cès phé­no­mé­nal et fut tra­duit en vingt langues eu­ro­péennes sous les titres les plus di­vers : « Plu­tôt la mort », « Nami-ko », etc. Les évé­ne­ments de ce ro­man rou­laient sur une his­toire vraie, à la­quelle étaient ve­nues s’ajouter les bro­de­ries de To­ku­tomi. Ils se pas­saient dans un Ja­pon aux vic­toires re­ten­tis­santes, où tout ou presque était de­venu oc­ci­den­ta­lisé et mo­derne — ré­seaux té­lé­gra­phiques, che­mins de fer, ar­mée, ma­rine de guerre — tout, à l’exception de la condi­tion de la femme qui res­tait dans beau­coup de cas, en vertu de pré­ju­gés cruels et sur­an­nés, l’esclave de la belle-fa­mille où elle en­trait par le ma­riage. L’héroïne prin­ci­pale de « Ho­to­to­gisu » se nomme Nami-ko. Elle est épou­sée par Ta­keo, jeune lieu­te­nant de vais­seau, qui s’en va com­battre au loin en la lais­sant au pou­voir ter­rible de sa belle-mère. Celle-ci, ap­pre­nant que Nami-ko est phti­sique, dé­cide de la faire ré­pu­dier et oblige le père de la jeune fille, l’illustre gé­né­ral Ka­taoka, à la re­prendre. S’ensuit l’indignation du gé­né­ral qui re­cueille chez lui sa fille, et la construc­tion qu’il fait faire d’un pa­villon, dans un en­droit tran­quille de son parc, pour y soi­gner la phti­sique, la­quelle meurt moins de sa ma­la­die que de ses illu­sions per­dues. Re­venu des ma­nœuvres mi­li­taires, Ta­keo, qui aime Nami-ko, vient pleu­rer sur sa tombe. Il n’a d’autre conso­la­tion que de re­lire la lettre d’adieu qu’elle lui a écrite, et dans la­quelle elle l’assure de son amour : « Mon corps va re­de­ve­nir pous­sière. Quant à mon es­prit, il sera tou­jours au­près de toi ». In­ca­pable de sur­mon­ter sa dou­leur, le mal­heu­reux se tient là, lorsque le vieux gé­né­ral sur­vient. À sa vue, Ta­keo se re­cule : « Mais, à l’instant même, une main fé­brile s’emparait vio­lem­ment de la sienne ; il leva les yeux et vit le gé­né­ral Ka­taoka le vi­sage bai­gné de larmes. Ils se re­gar­dèrent, muets, quelques ins­tants. “Ta­keo-san, moi aussi, j’ai bien souf­fert !” Ils se te­naient l’un près de l’autre, la main dans la main, et leurs larmes à tous deux cou­lèrent sur le bord de la tombe »8. Les deux sol­dats, lais­sant au ci­me­tière l’objet de leurs re­grets, s’en vont en­semble en de­vi­sant ; et c’est un dé­noue­ment tout à fait in­génu, sub­til et pro­fond.

« Mon corps va re­de­ve­nir pous­sière. Quant à mon es­prit, il sera tou­jours au­près de toi »

« Parmi les femmes qui ont lu ce livre, je gage qu’il n’y en a pas une seule qui n’ait pleuré. Des hommes aussi ont pleuré ; et pour­quoi ne pas l’avouer, je suis de ce nombre », dit Ichi­tarô Hi­tomi9. « “Plu­tôt la mort” est en même temps qu’une idylle tra­gique une pein­ture mi­nu­tieuse de la so­ciété nip­ponne. Le livre est ins­truc­tif et amu­sant. Le fait qu’il ait paru dans un jour­nal de Tô­kyô… lui donne la por­tée d’un do­cu­ment. M. To­ku­tomi Ken­jirô pos­sède… toutes les res­sources et toutes les ruses d’un vieux fa­bri­cant de contes eu­ro­péens. Le Ja­pon, qui avait déjà pris nos ca­nons et nos re­din­gotes, est en train de conqué­rir notre ro­man-feuille­ton », conclut Fran­cis Che­vassu10.

Il n’existe pas moins de deux tra­duc­tions fran­çaises de « Ho­to­to­gisu », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle d’Olivier le Pa­la­din.

「母は煙管をさしおきて,少し膝をすすめ,黙して聞きおれる武男の横顔をのぞきつつ
『実はの,わたしもこの間から相談したいしたい思っ居い申したが――』
 少し言いよどんで,武男の顔しげしげとみつめ,
『浪じゃがの――』
『はあ?』
 武男は顔をあげたり.
『浪を――引き取ってもろちゃどうじゃろの?』
『引き取る? どう引き取るのですか』
 母は武男の顔より目をはなさず,『実家によ』」

— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« La mère laissa sa pipe de côté. Elle se rap­pro­cha de Ta­keo et re­garda à la dé­ro­bée le pro­fil de son fils qui l’écoutait sans mot dire.
— Je ne te ca­che­rai pas, conti­nua-t-elle en bal­bu­tiant, que… de­puis quelques jours, j’avais… je vou­lais te par­ler.
Elle fixa Ta­keo.
— Nami, tu sais…
Ta­keo leva la tête.
— Nami, si on de­man­dait de la re­prendre ?
— La re­prendre ? Com­ment “la re­prendre” ?
La mère ne lâ­chait pas son fils des yeux.
— Eh bien ! oui, si on de­man­dait à sa fa­mille… »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion d’Olivier le Pa­la­din

« La veuve, lais­sant de côté sa pipe, se pen­cha, et re­gar­dant de côté la fi­gure de Ta­keo qui écou­tait en si­lence, elle conti­nua :
— Il y a quelque chose que je dé­sire vous dire.
Elle hé­sita un mo­ment et fixa les yeux sur Ta­keo :
— Nami, vous sa­vez.
— Quoi ?
Ta­keo leva la tête.
— Que pen­se­riez-vous [de] faire rap­pe­ler Nami ?
— Rap­pe­ler ? Que vou­lez-vous dire par “la rap­pe­ler” ?
La veuve, sans quit­ter des yeux la fi­gure de Ta­keo, dit :
— La faire rap­pe­ler par ses pa­rents. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion in­di­recte d’Henri Bo­ni­fas (« Nami-ko » dans « Foi et Vie », vol. 10, no 4, p. 99-103)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

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  1. En ja­po­nais « 不如帰 ». Au­tre­fois trans­crit « Fu­joki », « Ho­to­to­jisu » ou « Ho­to­to­ghi­çou ». Haut
  2. En ja­po­nais 徳富蘆花. Au­tre­fois trans­crit To­ku­tomi Rokwa. Haut
  3. En ja­po­nais 徳富健次郎. Au­tre­fois trans­crit To­kou­tomi Kenn­jirô. Haut
  4. En ja­po­nais « 国民之友 ». Haut
  5. Par­fois tra­duit « Les Amis du peuple na­tio­nal » ou « L’Ami du peuple ». Haut
  1. En ja­po­nais « 國民新聞 ». Par­fois trans­crit « Ko­ku­min Shin­bun ». Haut
  2. Au­tre­fois tra­duit « fleur de ronce ». Haut
  3. p. 281. Haut
  4. « Le Ro­man ja­po­nais en 1900 et 1901 », p. 463. Haut
  5. « La Vie lit­té­raire ». Haut