Mot-clefmiracles (surnaturel)

su­jet

« Le Livre des derviches bektashi, “Villayet name” • Les Dits des bektashi »

éd. Le Bois d’Orion, L’Isle-sur-la-Sorgue

éd. Le Bois d’Orion, L’Isle-sur-la-Sorgue

Il s’agit des bek­ta­chi, der­viches turcs, fort hé­ré­tiques par rap­port aux lois de l’islam, mais consi­dé­rés comme fai­seurs de mi­racles par le peuple qui les croyait in­ves­tis de pou­voirs ex­tra­or­di­naires, comme de pré­dire l’avenir, de gué­rir les ma­lades ou de frap­per au loin les en­ne­mis (XIIIe-XIXe siècle). Ils n’étaient pas, à pro­pre­ment par­ler, un ordre re­li­gieux, mais une es­pèce de congré­ga­tion de mys­tiques et de franc-ma­çons, très in­dé­pen­dants du pou­voir, très ja­loux de leur li­berté, par ailleurs dés­in­té­res­sés et phi­lan­thropes. Ils se di­vi­saient en deux classes : les uns vi­vaient dans des « tek­kés », des cou­vents sou­vent ni­chés dans l’ombre d’un ver­ger qui s’étendait jusqu’aux murs de l’enceinte ; les autres res­taient dans leur fa­mille et sui­vaient en se­cret les exer­cices de leur confré­rie. Ils af­fec­taient en pu­blic une foi vive, un is­lam fervent, mais à peine avaient-ils fran­chi les murs et le ver­ger qui les dé­ro­baient à la cu­rio­sité hos­tile des théo­lo­giens, que leur pro­fes­sion de foi de­ve­nait tout autre. Dans les loges en­fu­mées de leurs « tek­kés », vé­ri­tables bou­doirs, leur oc­cu­pa­tion or­di­naire était de se li­vrer à une es­pèce de rê­ve­rie ou de vi­sion ini­tia­tique qui dé­gé­né­rait sou­vent en hal­lu­ci­na­tion ; c’est aux sub­stances en­ivrantes, mais sur­tout à l’opium qu’elle em­prun­tait ce der­nier ca­rac­tère. Leur congré­ga­tion avait pour fon­da­teur le cheikh Hadji Bek­tach1, venu d’Asie cen­trale en Ana­to­lie à la même époque que Roûmî, et dont les mi­racles et pro­phé­ties étaient re­la­tés dans « Le Livre des der­viches bek­ta­chi » (« Vi­lâyet­nâme »2) et « Les Dits » (« Ma­kâ­lat »3). Ce Hadji Bek­tach avait béni la mi­lice nais­sante des ja­nis­saires ; et de­puis lors, la congré­ga­tion et la mi­lice vi­vaient dans le plus par­fait ac­cord, me­nant une exis­tence pa­ral­lèle ; la des­truc­tion des uns était la ruine des autres. « Le ja­nis­sa­riat ayant été aboli par l’extermination de la mi­lice le 16 juin 1826 sur la place de l’At-meïdan (Hip­po­drome), la sup­pres­sion des der­viches bek­ta­chi sui­vit de près celle des ja­nis­saires », dit un théo­lo­gien4. « Sur l’avis du mufti et des prin­ci­paux ulé­mas, les trois chefs de la congré­ga­tion furent exé­cu­tés pu­bli­que­ment le 10 juillet 1826 ; par ordre du sul­tan Mah­moud, l’ordre en­tier fut aboli, les “tek­kés” furent ra­sés, la plu­part des der­viches bek­ta­chi exi­lés, et ceux qui ob­tinrent, par grâce, de res­ter à Constan­ti­nople durent quit­ter leur cos­tume dis­tinc­tif ; ils obéirent et “res­tèrent”, comme dit un his­to­rien, “ados­sés au mur de la stu­pé­fac­tion”. »

  1. En turc Hacı Bek­taş. Par­fois trans­crit Had­jdji Bak­tasch, Ḥāji Baktāsh, Hâ­jjî Bek­tash, Haggi Bek­tasch, Had­schi Bek­tash, Hadsch Bek­tasch ou Hadj Bek­tash. Haut
  2. Par­fois trans­crit « Ve­lâyet-nâme » ou « Vil­layet name ». Haut
  1. Par­fois trans­crit « Ma­qa­lat ». Haut
  2. … Gre­nier de Fa­jal. Haut