Il s’agit d’une anthologie de poèmes bouddhiques de la Corée (XIIIe-XVIe siècle). « Écrire un poème fut une des façons de pratiquer la méditation. Écrire “sans paroles et sans pensées” 1 est le principe de cette poésie bouddhique », dit Mme Ok-sung Ann-Baron 2. « De nombreux moines-poètes écrivaient dans cet esprit avec une grande sobriété de moyens. C’est ce ton sobre, brut qui donne cette atmosphère si particulière à cette poésie — celui d’un monolithe sculpté avec des outils rudimentaires. » Les moines bouddhistes coréens écartent tout raffinement de leur poésie. Ils ne prennent pour modèle que la nature, éternelle compagne de leur solitude. Hommes peu expansifs, ils sentent pourtant avec beaucoup de profondeur ; car plus le sentiment est profond, moins il tend à s’exprimer. Cette timidité apparente, qu’on prend souvent pour de la froideur, tient à leur pudeur intérieure, qui leur fait croire qu’un cœur ne doit se confier qu’à lui-même. De là, cette exquise réserve, ce quelque chose de voilé, de discret — aussi éloigné de la rhétorique de la passion, trop commune aux poésies profanes, que celle de la religion. « Le lecteur occidental y goûtera le charme des évocations bucoliques, la beauté des ermitages ou l’atmosphère toute de paix et de puissante beauté qui émane [des] vers », dit M. Tanguy L’Aminot 3. Les divers genres de poèmes bouddhiques de la Corée sont : 1º « Odosi » 4, composés à la suite de l’Éveil ; 2º « Sŏllisi » 5, qui expriment la contemplation ; 3º « Sangŏsi » 6, qui chantent la vie dans la montagne ; 4º « Imjongsi » 7, écrits à la veille de la mort ; enfin 5º « Sŏnchwisi » 8, qui reflètent la méditation.
Ils ne prennent pour modèle que la nature, éternelle compagne de leur solitude
Voici un passage qui donnera une idée du style des poèmes bouddhiques de la Corée :
« Les couleurs de la montagne se reflètent sur le vêtement,
La lumière d’automne raccompagne l’éclat du couchant.
Vent pur, le pin de lui-même bruit,
Aux gelées, les oies sauvages commencent à migrer.
Soies multicolores entassées sur les berges aux érables,
Brumes et nuées du couchant abondent au versant du mont bleu.
Errant çà et là, on fredonne seul en les contemplant,
Au crépuscule, on pousse la porte de branchages » 9.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Tanguy L’Aminot, « Compte rendu sur “Ivresse de brumes, griserie de nuages” » dans « Études Jean-Jacques Rousseau », vol. 16, p. 460-461.