« Le Saule aux dix mille rameaux : anthologie de la poésie coréenne médiévale et classique »

éd. UNESCO-Langues & Mondes, coll. Bilingues L & M, Paris

éd. UNESCO-Langues & Mondes, coll. Bi­lingues L & M, Pa­ris

Il s’agit de Pak Il-lo1, Chŏng Ch’ŏl2 et autres poètes clas­siques de la Co­rée (VIIe-XIXe siècle). Ja­dis, pour les Co­réens, les pré­ceptes de la mo­rale chi­noise — piété fi­liale, fi­dé­lité au su­ze­rain, mo­dé­ra­tion — consti­tuaient la prin­ci­pale source de l’art d’écrire. Le style, la va­leur lit­té­raire étaient su­bor­don­nés à l’orthodoxie de la pen­sée. Un au­teur sou­cieux des mœurs ac­quises, de l’ordre figé était tou­jours mis au-des­sus d’un au­teur brillant. Le fonc­tion­naire-let­tré digne de ce nom se de­vait d’ignorer ou de désa­vouer ce qui ne ve­nait pas des An­ciens. L’originalité était condam­nable, l’initiative — sus­pecte : il ne fal­lait ni idées neuves ni re­cherches in­édites. « Il en ré­sul­tait que, dès qu’un écri­vain trou­vait dans un ou­vrage clas­sique un pas­sage ou une phrase cor­res­pon­dant à l’idée qu’il avait dans l’esprit, il n’avait garde de cher­cher une fa­çon de dire per­son­nelle : il trans­cri­vait le pas­sage ou la phrase, joyeux de se cou­vrir de l’autorité d’un An­cien »3. Sauf ex­cep­tion, la poé­sie co­réenne pa­raît donc peu ori­gi­nale, tou­jours im­bue de l’esprit chi­nois, sou­vent une simple imi­ta­tion. Telle qu’elle est ce­pen­dant, bien in­fé­rieure aux poé­sies ja­po­naise et viet­na­mienne qui ont su se mé­na­ger une part de fan­tai­sie mal­gré les em­prunts faits à l’étranger, elle l’emporte de beau­coup sur ce qu’ont pro­duit les Mon­gols, les Mand­chous et les autres élèves de la Chine. Voici les prin­ci­paux genres de la poé­sie co­réenne : 1o « Hyangga »4 (« chants du ter­roir ») conser­vés dans le re­cueil « Choses qui nous sont par­ve­nues de l’époque des Trois Royaumes » (« Sam­guk Yusa »5) et qui re­pré­sentent les pre­mières œuvres ré­di­gées en co­réen ; 2o « Changga »6 (« chan­sons longues ») re­mon­tant à la dy­nas­tie de Ko­ryŏ ; 3o « Sijo »7 (« airs po­pu­laires »), brefs poèmes de trois vers, la forme la plus em­blé­ma­tique de la poé­sie co­réenne ; 4o « Kasa »8 (« chants ryth­més »), sorte de prose ryth­mée ; en­fin 5o « Hansi »9 (« poèmes en chi­nois »).

Il n’existe pas moins de cinq tra­duc­tions fran­çaises des poèmes de Pak Il-lo, mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de Mme Ok-sung Ann-Ba­ron.

« 盤中 早紅감이 고와도 보이나다.
柚子(유자) 아니라도 품엄 즉도 하다마난
품어가 반기리 업슬새 글로 설워 하나이다.
 »
— Poème dans la langue ori­gi­nale

« Les pre­miers ka­kis rouges sur un pla­teau semblent si beaux !
S’ils ne valent pas les ci­trons de [Lou Tsi]10, ils mé­ritent qu’on les serre contre soi !
Les ser­rer contre soi, sans per­sonne qui vous ac­cueille avec joie — quel cha­grin ! »
— Poème dans la tra­duc­tion de Mme Ann-Ba­ron

« Que c’est beau, les ka­kis rouges
Sur un pla­teau !
Bien que ce ne soient pas ceux de [Lou Tsi],
J’ai en­vie de les dis­si­mu­ler,
Mais ce qui m’attriste, c’est de ne pas avoir
Une mère pour s’en ré­jouir ! »
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Li Jin-mieung (dans « Érables rou­gis », éd. Pour l’analyse du folk­lore, Pa­ris)

« Les pla­que­mines rouges sur le plat
Sont bien belles
Moins grosses que les pam­ple­mousses
Je vais les em­po­cher
Mais je n’ai per­sonne à la mai­son
Avec qui les par­ta­ger
Et cela me cha­grine »
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Mau­rice Coyaud (dans « Chants des sai­sons : an­tho­lo­gie bi­lingue de la poé­sie co­réenne », éd. Les Belles Lettres, coll. Ar­chi­tec­ture du verbe, Pa­ris)

« Des ka­kis rouges sur un plat,
Cela est vrai­ment beau.
Bien qu’ils ne soient pas des “yuja”,
Je vou­drais bien les em­por­ter ;
Mais ce qui m’attriste,
C’est que je n’ai per­sonne à qui les don­ner. »
— Poème dans la tra­duc­tion de Mme Lee Byoung-Jou (dans « An­tho­lo­gie de la poé­sie co­réenne du XVIe siècle », éd. Mé­moire vi­vante, Pa­ris)

« Les pla­que­mines bien rouges dans la cor­beille m’ont l’air dé­li­cieuses.
Bien que ce ne soit pas des cé­drats, je vou­drais bien les mettre de côté.
Mais je suis triste, n’ayant per­sonne qui au­rait plai­sir à les re­ce­voir. »
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Yi Hŭi-dǒk (« Quatre Si-djo sur la piété fi­liale » dans « Re­vue de Co­rée », vol. 5, no 2, p. 24-25)

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En co­réen 박인로. Par­fois trans­crit Pak In-no, Pak In-lo, Bak In-no ou Park In-ro. Haut
  2. En co­réen 정철. Par­fois trans­crit Jeong Cheol ou Chung Chol. Haut
  3. Mau­rice Cou­rant, « Bi­blio­gra­phie co­réenne ». Haut
  4. En co­réen 향가. Haut
  5. En co­réen « 삼국유사 ». Haut
  1. En co­réen 창가. Haut
  2. En co­réen 시조. Par­fois trans­crit « si-djo ». Haut
  3. En co­réen 가사. Par­fois trans­crit « gasa ». Haut
  4. En co­réen 한시. Haut
  5. Ré­fé­rence aux « Vingt-quatre Mo­dèles de piété fi­liale » (« 二十四孝 ») : Lou Tsi fut in­vité à l’âge de six ans chez un no­table. À la fin du ban­quet et au mo­ment de prendre congé, il laissa tom­ber par in­ad­ver­tance les deux man­da­rines qu’il avait ca­chées dans ses vê­te­ments. Lorsqu’on lui de­manda la rai­son de ce lar­cin, il dé­clara qu’il avait songé à les gar­der pour sa mère qui ado­rait ces fruits. Haut