Il s’agit de l’« Almanach du pêcheur » (« Ŏbu sasisa »1) de Yun Sŏndo2, série de quarante chansons, où le sentiment de la nature est profondément exprimé, souvent avec douceur, et qui constituent le sommet de la poésie coréenne. Je ne les ai jamais ouverts sans être séduit par cette simplicité du style, par ce charme qui se rattache aux images de la vie rustique, par cette sensibilité si touchante qu’on la dirait l’expression d’un cœur exempt de toute tache. Quelles réflexions sur le bonheur des pêcheurs ! Quelle originalité que celle du vers « Jigukchong jigukchong ŏsawa »3, qui n’est qu’une onomatopée du bruit des rames ! On croirait presque être transporté dans un autre monde et voir la barque de ces hommes fortunés, sous un ciel plus pur, sur des eaux plus cristallines :
« Le givre empèse les vêtements,
Mais le froid ne se fait pas sentir.
Démonte la voile, démonte la voile !
Si exigüe soit-elle, ma barque de pêche,
N’y suis-je pas mieux que dans ce monde changeant ?
“Jigukchong jigukchong ŏsawa” !
Faisons la même chose demain,
Et encore après-demain ! »