Yun Sŏndo, « Almanach du pêcheur, “Ŏpu sasi-sa” »

dans « Érables rougis » (éd. Pour l’analyse du folklore, Paris)

dans « Érables rou­gis » (éd. Pour l’analyse du folk­lore, Pa­ris)

Il s’agit de l’« Al­ma­nach du pê­cheur » (« Ŏbu sa­sisa »1) de Yun Sŏndo2, sé­rie de qua­rante chan­sons, où le sen­ti­ment de la na­ture est pro­fon­dé­ment ex­primé, sou­vent avec dou­ceur, et qui consti­tuent le som­met de la poé­sie co­réenne. Je ne les ai ja­mais ou­verts sans être sé­duit par cette sim­pli­cité du style, par ce charme qui se rat­tache aux images de la vie rus­tique, par cette sen­si­bi­lité si tou­chante qu’on la di­rait l’expression d’un cœur exempt de toute tache. Quelles ré­flexions sur le bon­heur des pê­cheurs ! Quelle ori­gi­na­lité que celle du vers « Ji­guk­chong ji­guk­chong ŏsawa »3, qui n’est qu’une ono­ma­to­pée du bruit des rames ! On croi­rait presque être trans­porté dans un autre monde et voir la barque de ces hommes for­tu­nés, sous un ciel plus pur, sur des eaux plus cris­tal­lines :

« Le givre em­pèse les vê­te­ments,
Mais le froid ne se fait pas sen­tir.
Dé­monte la voile, dé­monte la voile !
Si exigüe soit-elle, ma barque de pêche,
N’y suis-je pas mieux que dans ce monde chan­geant ?
“Ji­guk­chong ji­guk­chong ŏsawa” !
Fai­sons la même chose de­main,
Et en­core après-de­main !
 »4

sen­si­bi­lité si tou­chante qu’on la di­rait l’expression d’un cœur exempt de toute tache

Le poète dit lui-même com­ment il fut amené à com­po­ser ces chan­sons : « De­puis l’Antiquité, nous avons les “Élé­gies de Chu” de Qu Yuan. Dès que nous chan­tons ces poèmes, la ri­vière qui ser­pente et les gouttes de pluie qui tombent dans la mer viennent se po­ser aux lèvres et nous in­citent à quit­ter le monde pro­fane pour al­ler vivre seuls. Mais la so­no­rité et le sens des mots de la langue dans la­quelle ils sont écrits sont dif­fé­rents de ceux de la nôtre. C’est pour­quoi j’ai uti­lisé notre propre langue pour com­po­ser une nou­velle ver­sion des “Élé­gies de Chu”. Il se­rait agréable de chan­ter ces poèmes en­semble lorsqu’on se di­ver­tit au bord d’un ba­teau dans un vaste lac. Et si un let­tré vi­vant dans la so­li­tude re­con­naît un jour mon in­ten­tion, cela fera preuve de notre em­pa­thie ».

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  1. En co­réen « 어부사시사 ». Par­fois trans­crit « Ŏpu sasi-sa » ou « Eobu sasi sa ». Haut
  2. En co­réen 윤선도. Par­fois trans­crit Yun Sŏn-to, Yoon Sundo ou Yun Seon-do. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Ko­san (고산). Par­fois trans­crit Go­san. Haut
  1. En co­réen « 지국총 지국총 어사와 ». Par­fois trans­crit « Ji­guk­chong ji­guk­chong eo­sawa ». Haut
  2. p. 70. Haut