Il s’agit de l’« Histoire du chevalier Paris et de la belle Vienne », roman en prose composé en 1432 apr. J.-C. par Pierre de La Cépède 1. Commençons par dire que ce vieux roman a reçu un accueil remarquable au XVe et XVIe siècle. Il n’en existe pas moins de huit manuscrits, suivis d’une douzaine d’éditions et de multiples traductions — pour la plupart anonymes — en italien, en allemand, en espagnol, en catalan, en flamand, etc. Sa fortune en Italie a dépassé même celle dans sa France natale, comme en témoignent les nombreuses versions en vers et en prose, tant à Milan et Vérone, qu’à Venise et Trévise. Ces versions italiennes constituent la source de traductions en yiddish, en arménien, etc., mais surtout elles sont à l’origine du chef-d’œuvre des lettres crétoises, l’« Érotocritos », traduit à son tour en roumain. L’œuvre originale a été écrite par le Marseillais Pierre de La Cépède, qui prétend remanier un « livre écrit en langue provençale » lui-même venu d’un « autre livre écrit en langue catalane ». La Cépède invoque souvent cette source, mais d’une façon toujours vague, sans qu’on puisse savoir si c’est là une rouerie d’auteur ou la réalité. À plusieurs reprises, on trouve comme une sorte de transition : « En cette partie dit le conte » 2 ; « Ici endroit dit le conte, et la vraie histoire nous témoigne » 3 ; « La vraie histoire nous raconte » 4, etc. Ce n’est pas sans une certaine ironie que le prologue cite, en guise d’épigraphe, cette pensée d’Alain de Lille : « Hoc crede quod tibi verum esse videtur », c’est-à-dire « Tu croiras les choses qui te sembleront être vraies ». En tout cas, adaptation du provençal ou œuvre originale, l’« Histoire du chevalier Paris et de la belle Vienne » est liée pour toujours au nom de La Cépède. Elle se distingue des autres productions de la même époque par un style simple et naïf, une facilité assez heureuse, une certaine chaleur dans l’expression de la passion : « Les personnages du Dauphin et de sa fille ont un assez puissant relief, Vienne surtout dans sa résistance obstinée à la volonté de son père. Paris est plus banal, plus conventionnel dans sa fidélité », dit Alfred Coville 5.
ce vieux roman a reçu un accueil remarquable au XVe et XVIe siècle
Voici un passage qui donnera une idée du style de l’« Histoire du chevalier Paris et de la belle Vienne » : « Vienne commença à croître en très grande beauté et en très grande science, et toujours lisait livres et romans de belles histoires, et d’autre part apprenait à danser, à chanter et à sonner instruments de toutes manières, et en tous ses faits était gracieuse et plaisante. Cette Vienne croissait et multipliait de jour en jour tant qu’elle 6 eut onze ans ; et lors, non tant seulement au Dauphiné, mais par toute France, était renommée de sa merveilleuse beauté et de ses vertus, si [bien] qu’elle était requise à femme 7 de plusieurs barons et autres seigneurs du royaume de France et en autres terres » 8.
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- Édition de 1835 [Source : Google Livres]
- Édition de 1835 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1835 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 16… [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition de 15… [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition de 1487 [Source : Bibliothèque nationale de France].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Anna Maria Babbi, « Destins d’amants : la réception de “Paris et Vienne” et “Pierre de Provence et la Belle Maguelonne” dans la littérature européenne » dans « Le Récit idyllique : aux sources du roman moderne » (éd. Classiques Garnier, coll. Recherches littéraires médiévales, Paris), p. 153-163
- Alfred Coville, « La Vie intellectuelle dans les domaines d’Anjou-Provence de 1380 à 1435 » (éd. Droz, Paris)
- Jean-Jacques Vincensini, « Désordre de l’abjection et Ordre de la courtoisie : le corps abject dans “Paris et Vienne” de Pierre de La Cépède » dans « Medium Ævum », vol. 68, p. 292-304.