Il s’agit des « Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots » (« Doupeng xianhua » 1), la dernière des grandes collections de contes chinois (XVIIe siècle apr. J.-C.). La principale originalité des « Propos oisifs » n’est pas tant dans les contes eux-mêmes, que dans la manière soignée dont ils sont présentés et reliés entre eux. « C’est à notre connaissance », dit M. André Lévy 2, « la seule œuvre chinoise qui fasse usage du cadre cyclique ». Cette œuvre se divise, en effet, en douze chapitres correspondant à douze journées, un peu à la façon du « Décaméron ». Le cadre du récit est une tonnelle où grimpent des plants de haricots, et sous laquelle des villageois viennent se retrouver tous les jours, pour profiter de la fraîcheur et pour bavarder. « Il y a là des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes », disent les « Propos oisifs » 3. « Certains apportent un tabouret, un petit banc tressé, ou bien étalent une natte à même le sol ; chacun se fait une place comme il peut ». Ce cadre rural permet à l’auteur de mettre les contes dans la bouche des personnages réunis sous la tonnelle, et de rejeter sur eux la responsabilité de ses paroles. Lui-même se cache sous le pseudonyme d’Aina jushi 4 (« Aina, lettré retiré »), et malgré les efforts des chercheurs, son nom véritable est inconnu. Dans son prologue, il évoque un poète du canton, oublié et peut-être fictif, Xu Jutan 5, qui aurait composé une « Chanson de la tonnelle aux haricots ». Comme ce poète, Aina « a disparu dans la brume, et l’on ne sait rien de lui » (« yan mo wu chuan » 6) ; et c’est en fin de compte sous la tonnelle elle-même que nous pouvons le retrouver, puisque c’est la place qu’il a choisie pour y déposer le témoignage de sa vie entière.
Aina jushi
auteur