Mot-clefCharles Le Blanc

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

«Philosophes taoïstes. Tome II. “Huainan zi”»

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit du «Huai­nan hon­glie» 1Grande Lu­mière de Huai­nan»), plus connu sous le titre de «Huai­nan zi» 2[Livre du] maître de Huai­nan»), ou­vrage qui, sous des al­lures d’encyclopédie phi­lo­so­phique, cache un vé­ri­table plai­doyer po­li­tique. Le Maître de Huai­nan avait pour nom per­son­nel Liu An 3 (IIe siècle av. J.-C.). C’était un homme «cu­rieux», dans toutes les ac­cep­tions de ce mot, ai­mant la com­pa­gnie des éru­dits ac­cou­rus des quatre coins de la Chine; cu­rieux aussi par l’étonnement que sa vie ins­pire, car il était pe­tit-fils de l’Empereur et d’une fille du pa­lais au ser­vice du roi de Zhao. On ra­conte qu’en la sep­tième an­née de son règne, l’Empereur était passé par le pays de Zhao et s’était mon­tré échauffé et ir­rité contre le roi. Ce­lui-ci, pour l’apaiser, lui avait of­fert une fille du pa­lais — la grand-mère de notre au­teur. Elle re­çut la fa­veur im­pé­riale et se trouva en­ceinte. Le roi de Zhao, n’osant plus la gar­der au pa­lais, lui fit bâ­tir à l’extérieur un pe­tit lo­gis. Ce­pen­dant, l’Empereur s’en dés­in­té­ressa, et l’Impératrice, de son côté, prit des dis­po­si­tions pour que l’affaire ne fût pas ébrui­tée. Dans le dé­nue­ment le plus com­plet, la fille du pa­lais mit au monde un fils — le père de notre au­teur — et se donna la mort en ma­nière de pro­tes­ta­tion. Un of­fi­cier prit res­pec­tueu­se­ment l’enfant et l’apporta à l’Empereur. L’enfant, qui fut pro­clamé prince de Huai­nan, eut maille à par­tir avec ses frères, nés de l’Impératrice, qui, une fois ar­ri­vés au pou­voir, trou­vèrent un pré­texte pour le faire condam­ner. Il mou­rut de faim sur la route de l’exil, en lais­sant le titre prin­cier à son fils, Liu An — notre au­teur. Liu An se mon­tra un es­prit pas­sionné pour les sciences po­li­tiques et les belles-lettres. Il conçut l’idée d’une somme phi­lo­so­phique d’inspiration taoïste, où se ver­raient concen­trés tous les sa­voirs de son temps, et qui ren­fer­me­rait, par la même oc­ca­sion, les meilleurs pré­ceptes sur la ma­nière dont un Em­pire de­vrait être conduit et di­rigé. Pour réa­li­ser son pro­jet am­bi­tieux, il at­tira à sa Cour un grand nombre de let­trés — jusqu’à mille! Il leur pré­senta un amas consi­dé­rable d’argent et de vivres et leur dit qu’il voyait bien que l’Empereur ne re­con­nais­sait pas leur ta­lent et leur zèle; «que leurs lu­mières étaient [pour­tant] bien su­pé­rieures à celles des mi­nistres de la Cour im­pé­riale; et qu’il ne dou­tait pas qu’aidé de leurs conseils, il ne fût en état de ten­ter [son] des­sein» 4. Les uns eurent pour tâche de gla­ner, dans les écrits des An­ciens, tout ce qui sem­blait d’un cer­tain in­té­rêt; les autres par­ti­ci­pèrent à de brillantes dis­cus­sions pré­si­dées par Liu An en per­sonne. Quant à la pa­ter­nité du livre qui en ré­sulta, le «Huai­nan zi», il se­rait in­juste de com­pa­rer le rôle que Liu An a dû jouer à ce­lui de Lü Bu­wei, dont le nom est rat­ta­ché aux «Prin­temps et Au­tomnes du sieur Lü», alors qu’il n’en a été que le mé­cène. Si l’on ad­met, comme le font les sa­vants, l’unité du «Huai­nan zi», il n’y a pas de rai­son d’en re­fu­ser le mé­rite es­sen­tiel à Liu An.

  1. En chi­nois «淮南鴻烈». Au­tre­fois trans­crit «Houai-nan hong-lie». Haut
  2. En chi­nois «淮南子». Au­tre­fois trans­crit «Houai Nan-tseu», «Hoai-nan-tse», «Hoay-nan-tse» ou «Huai-nan-tzu». Haut
  1. En chi­nois 劉安. Par­fois trans­crit Lieou Ngan ou Lieau An. Haut
  2. «His­toire gé­né­rale de la Chine, ou An­nales de cet Em­pire, tra­duites du “Tong-kien-kang-mou”. Tome III». Haut