Icône Mot-clefJacques Reclus

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

Shen Fu, « Récits d’une vie fugitive : mémoires d’un lettré pauvre »

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit des «Six Ré­cits au fil in­cons­tant des jours» 1 sheng liu ji» 2) de Shen Fu 3. Ces six ré­cits — qui, en , ne sont que quatre, les deux der­niers n’étant pas jusqu’à nous — consti­tuent un mo­nu­ment élevé par Shen Fu à la de Yun, son épouse dé­funte. «C’était le 30 mars 1803», dit-il 4. «Sa main agrip­pant la mienne, Yun vou­lut par­ler…; mais, sans forces, elle ne put que ré­pé­ter dans un souffle : “lai shi, lai shi”… “l’ fu­ture”… 5 Sou­dain, elle ha­leta, sa mâ­choire se rai­dit et son di­laté prit une fixité sai­sis­sante. Je l’appelai et l’appelai de nou­veau et en­core; mais en vain. Elle ne pou­vait plus pro­fé­rer une . Deux ruis­seaux de larmes conti­nuèrent à cou­ler le long de ses joues. Bien­tôt, son souffle s’affaiblit, ses larmes se ta­rirent et en­fin son s’éteignit.» Ce sont des ré­cits uniques jusque-là dans la par leurs pe­tits faits exacts et par leurs dé­tails fa­mi­liers sur la conju­gale. Nous nous trou­vons in­tro­duits, sans pré­ten­tion et en toute sim­pli­cité, dans l’intimité d’un pauvre let­tré qui ma­nie la clas­sique d’une ma­nière certes mal­ha­bile, mais dont l’austère sin­cé­rité nous émeut par­fois : «Mon re­gret», dit-il 6, «est de n’avoir reçu, étant en­fant, qu’une ins­truc­tion in­com­plète et d’être borné dans mes connais­sances. Aussi, ne re­la­te­rai-je, sans or­ne­ment, que des vrais et des faits réels. Re­cher­cher le dans ce que j’écris se­rait comme exi­ger l’éclat d’un non poli». Pa­ra­doxa­le­ment, c’est ce ca­rac­tère or­di­naire de Shen Fu qui fait son ex­tra­or­di­naire et qui est la ma­jeure du que connut son ou­vrage de­puis qu’il a été trouvé sur l’étal d’un bro­can­teur en 1849.

  1. Au­tre­fois tra­duit «Six Cha­pitres d’une vie flot­tante» ou «Six Mé­moires sur une vie flot­tante». Icône Haut
  2. En «浮生六記». Au­tre­fois trans­crit «Fou-cheng lieou-ki» ou «Fou­sheng liuji». Titre em­prunté au poème «Chun ye yan li yuan xu» («春夜宴桃李園序») de Li Po : «L’univers n’est que [la halte] des créa­tures, et le — l’hôte pro­vi­soire de l’éternité; “au fil in­cons­tant des jours”, notre vie n’est qu’un songe», etc. Icône Haut
  3. En chi­nois 沈復. Au­tre­fois trans­crit Chen Fou. Icône Haut
  1. p. 98. Icône Haut
  2. En chi­nois 來世. C’est, se­lon les croyances boud­dhiques, l’existence qui vient im­mé­dia­te­ment après l’existence ac­tuelle. Icône Haut
  3. p. 21. Icône Haut