Il s’agit d’« Et l’acier fut trempé »1 (« Kak zakalialas stal »2), roman d’idéalisation soviétique, écrit pour la jeunesse par Nicolaï Alexeïevitch Ostrovski3. La richesse et la diversité de l’art russe ne purent survivre à l’avènement du régime communiste. L’éventail des points de vue et des techniques artistiques se rétrécit rapidement sous la pression des groupes prolétariens, devenus de plus en plus inflexibles à mesure que l’appareil d’État lui-même devenait plus rigide et plus intransigeant. En avril 1932, par décret du Comité central du Parti communiste, tous les cercles littéraires de l’U.R.S.S. furent dissous, et l’ensemble des écrivains invités à rejoindre l’Union des écrivains soviétiques (Soïouz pissatéleï S.S.S.R.4). Sorte de Politburo littéraire œuvrant pour l’« unité fondamentale de la littérature soviétique », cette Union était dirigée par de hauts cadres qui recevaient leurs ordres du Parti et de Staline lui-même. On vit alors apparaître une conception dictatoriale des arts, connue sous le nom de « soc-réalisme » (« sotsrealizm »5) ou « réalisme socialiste », et destinée à imposer des titres préparés à l’avance et des sujets convenus : la religion du travail et de l’effort ; la naissance d’un ouvrier ou d’une usine ; l’avènement de l’homme nouveau dans une société nouvelle ; le rôle du Parti dans ce grand bouleversement. Écrits dans un but de glorification et propagande, les romans du « soc-réalisme » étaient imprimés à des centaines de milliers d’exemplaires et proposés comme référence aux jeunes générations. Au reste, c’étaient des romans très faiblement et très défectueusement construits, dépourvus de tout génie, fortement influencés par la prose médiocre de Gorki. Quelquefois, il est vrai, des lueurs de sincérité révolutionnaire et de pureté de conviction perçaient malgré la monotonie du sujet et l’insuffisance du talent : c’était le cas de l’œuvre d’Ostrovski qui, quoique limitée à deux romans — « Et l’acier fut trempé » et « Enfantés par la tempête » (inachevé du fait de la mort de l’auteur) — n’en a pas moins laissé un vif souvenir chez ses lecteurs.
- Parfois traduit « Comment l’acier fut trempé ».
- En russe « Как закалялась сталь ».
- En russe Николай Алексеевич Островский. Parfois transcrit Nikolai Ostrowski, Nikolaj Ostrovskij, Nicolas Ostrovski ou Nikolay Ostrovsky. À ne pas confondre avec Alexandre Nikolaïevitch Ostrovski, auteur dramatique, qui vécut un siècle plus tôt.