« La forêt se mit à pleurer : chansons populaires bulgares »
Il s’agit d’une anthologie des chansons traditionnelles de la Bulgarie, chansons qui restent encore de nos jours — malgré la modernisation à marche forcée — une réalité musicale vivante dans ce pays, une part sacrée de la vie quotidienne du peuple. Humbles comme la plaine du Danube, massives comme les Rhodopes ou comme le Balkan et durables comme eux, ces chansons ont habillé et habillent encore la parole de l’homme bulgare, afin qu’elle soit préservée à travers les âges, afin que pas un mot ne soit perdu. Les enfants les entonnent tout comme leurs mères ; les aînés tout comme leurs petits-enfants, avec la voix unie du peuple. Dans ce chant pur, dans cette parole sage, joies et douleurs nationales, confessions et espérances populaires se réunissent en une seule, pareilles aux ruisseaux et aux rivières qui se fondent dans la mer. C’est pourquoi les chanteurs et chanteuses chantent avec révérence et simplicité, insistant sur chaque vers, moins pour se divertir et divertir les autres, que pour exprimer le respect et la gratitude du peuple entier. Seul un fils ingrat, seul un homme sans pitié peut détourner ses oreilles, son cœur et son esprit des chansons traditionnelles, attendu qu’elles sont une source parfaite non seulement de musicalité, mais également d’exigence morale et d’intégrité. « Avec un mot méchant, on ne fait pas de chansons ! » (« Ot locha douma pessen né stava ! »*). Voilà la maxime morale et l’intégrité d’esprit avec lesquelles le peuple a défini ces chansons, qu’il a conservées avec tant de soin et tant de tendresse. Elles témoignent, ces chansons, d’un travail artistique ininterrompu, poursuivi à travers de longs siècles ; d’un génie collectif toujours fécond et étonnamment puissant ; de dons manifestes, même aux heures les plus sombres des oppressions turque et grecque qui pesaient sur les Bulgares — l’une, la turque, s’attaquant « à leur vie, à l’honneur de leurs femmes, à leurs biens », l’autre, la grecque, s’en prenant « à leur langue, à leur école, à leur Église, à leur nationalité »