Il s’agit des « Mille et une Nuits » (« Alf layla wa-layla » 1), contes arabes. Rarement, la richesse de la narration et les trésors de l’imagination ont été dépensés dans une œuvre avec plus de prodigalité ; et rarement, une œuvre a eu une réussite plus éclatante que celle des « Mille et une Nuits » depuis qu’elle a été transportée en France par l’orientaliste Antoine Galland au commencement du XVIIIe siècle. De là, elle a immédiatement rempli le monde de sa renommée, et depuis, son succès n’a fait que croître de jour en jour, sans souffrir ni des caprices de la mode ni du changement des goûts. Quelle extraordinaire fécondité dans ces contes ! Quelle variété ! Avec quel inépuisable intérêt on suit les aventures enchanteresses de Sindbad le Marin ou les merveilles opérées par la lampe d’Aladdin : « C’est dans l’Orient même que l’enfance du genre humain se montre avec toute sa grâce et toute sa naïveté », dit Édouard Gauttier d’Arc 2. « On y chercherait en vain ou ces teintes mélancoliques du Nord, ou ces allusions sérieuses et profondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plaisirs… Ces génies qu’elle a produits, vont répandant partout les perles, l’or, les diamants ; ils élèvent en un instant des palais superbes ; ils livrent à celui qu’ils favorisent, des houris 3 enchanteresses ; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouissances, sans qu’il se donne aucune peine pour les acquérir. Il faut aux Orientaux un bonheur facile et complet ; ils le veulent sans nuages, comme le soleil qui les éclaire. »
Égypte
Ibn al Fâridh, « Extraits du Divan »
dans « Anthologie arabe, ou Choix de poésies arabes inédites », XIXe siècle
Il s’agit d’une traduction partielle du Divan (Recueil de poésies) de ‘Omar ibn al Fâridh 1, poète et mystique arabe, que ses admirateurs surnomment le « sultan des deux amours » ou le « sultan des amoureux » en référence à l’amour divin et à l’amour humain. Le soufisme, auquel on applique, par abus, le nom de mysticisme arabe, a eu peu de racines dans la péninsule arabique et en Afrique. Son apparition a été même décrite comme une réaction du génie asiatique contre le génie arabe. Il arrive que ce mysticisme s’exprime en arabe : voilà tout. Il est persan de tendance et d’esprit. Parmi les rares exceptions à cette règle, il faut compter le poète Ibn al Fâridh, né au Caire l’an 1181 et mort dans la même ville l’an 1235 apr. J.-C. Dans une préface placée à la tête de ses poésies, ‘Ali, petit-fils de ce poète, rapporte sur lui des choses étonnantes, auxquelles on est peu disposé à croire. Il dit qu’Ibn al Fâridh tombait quelquefois en de si violentes convulsions, que la sueur sortait abondamment de tout son corps en coulant jusqu’à ses pieds, et qu’ensuite, frappé de stupeur, le regard fixe, il n’entendait ni ne voyait ceux qui lui parlaient : l’usage de ses sens était complètement suspendu. Il gisait renversé sur le dos, enveloppé comme un mort dans son drap. Il restait plusieurs jours dans cette position, et pendant ce temps, il ne prenait aucune nourriture, ne proférait aucune parole et ne faisait aucun mouvement. Lorsque, sorti de cet étrange état, il pouvait de nouveau converser avec ses amis, il leur expliquait que, tandis qu’ils le voyaient hors de lui-même et comme privé de la raison, il s’entretenait avec Dieu et en recevait les plus grandes inspirations poétiques.