Il s’agit du recueil « Kinkai-waka-shû » 1, également connu sous le titre abrégé de « Kinkai-shû » 2 du shôgun Minamoto no Sanetomo 3 (XII-XIIIe siècle). Ce grand poète du Japon médiéval, fils du shôgun Minamoto no Yoritomo, devint en 1203 apr. J.-C. l’héritier du trône, mais d’une manière nominale seulement. Prisonnier dans son palais de Kamakura, il ne put exercer aucun pouvoir réel et il coula sa courte vie dans la société de savants et de lettrés, essayant d’oublier le passé, les haines de famille et les vengeances héréditaires, buvant du saké, se couronnant de fleurs et s’adonnant tout entier à son talent pour les poèmes — talent sans lequel il n’aurait peut-être pas laissé de trace dans les annales. Hélas ! notre shôgun achevait sa vingt-huitième année le jour où il périt par le poignard d’un neveu. Ce malheur se produisit en 1219. Au retour d’une cérémonie, il descendait le haut escalier de pierre du temple de Hachiman 4, quand son neveu Kugyô, dissimulé jusque-là par le feuillage touffu d’un grand arbre près des marches, le saisit à la gorge, l’abattit en un clin d’œil et lui trancha la tête ; puis s’enfuit, tenant encore dans sa main le sanglant trophée qu’il contemplait avec transport. Tout ceci se fit si aisément, si rapidement qu’au milieu de la foule réunie et de la nuit tombée, personne n’aurait pu dire ni comment ni par qui le crime avait été commis, jusqu’à ce qu’une voix triomphante, s’élevant dans les ténèbres, s’écriât : « C’est moi ! Je suis Kugyô » 5. À quelques pas de là, le meurtrier eut l’audace de s’arrêter quelques instants et se fit servir à souper, ayant grand soin, nous dit la légende, de ne point ouvrir, pendant tout son repas, sa main qui retenait par les cheveux la tête du malheureux Sanetomo. « 1192-1219. Entre ces deux dates, la destinée shakespearienne de cet Hamlet de Kamakura, dérisoire shôgun qui de sa vie ne commanda une armée, qui rêva d’aller en Chine et ne put seulement voir la capitale de son Empire, qui ne fut rien de plus que la pièce maîtresse du jeu subtil et brutal que menaient son aïeul, son oncle et sa mère, et que la dague d’un neveu élimina de l’échiquier politique », explique M. René Sieffert 6.
Genji (clan)
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