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su­jet

« Yosano Akiko (1878-1942) : le séjour à Paris d’une Japonaise en 1912 »

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de « De­puis Pa­ris » (« Pa­rii yori »1) de Yo­sano Akiko. En 1912, lorsqu’elle al­lait s’embarquer pour la France, Akiko était déjà l’auteur de dix re­cueils de poé­sies, dont la sen­sua­lité li­bé­rée de tout be­soin de jus­ti­fi­ca­tion lui avait fait la ré­pu­ta­tion de pion­nière de l’identité fé­mi­nine au Ja­pon. Elle n’avait qu’une seule idée en tête : re­joindre à Pa­ris son époux, Yo­sano Tek­kan. Ce­lui-ci était parti quelques mois au­pa­ra­vant pour réa­li­ser un rêve de tou­jours et ten­ter de dis­si­per une dé­pres­sion ner­veuse qui le me­na­çait. Il avait di­rigé pen­dant huit ans une des re­vues lit­té­raires les plus pres­ti­gieuses de Tô­kyô, « Myôjô »2 (« L’Étoile du ber­ger »3). Puis, il l’avait per­due ; et de­puis ce jour, il er­rait dans la mai­son, tan­tôt mé­lan­co­lique, tan­tôt agres­sif. Akiko était per­sua­dée que ce n’était pas d’un mé­de­cin re­nommé que son mari avait be­soin pour gué­rir, mais d’un voyage en France ; car il rê­vait de­puis long­temps déjà de sé­jour­ner dans ce pays, dont il avait pu­blié les toutes pre­mières tra­duc­tions en langue ja­po­naise. Le pro­jet était fi­nan­ciè­re­ment in­fai­sable, mais fut pour­tant dé­cidé. Pour réunir la somme né­ces­saire au voyage, Akiko cal­li­gra­phia cer­tains poèmes de son re­cueil « Che­veux em­mê­lés » sur une cen­taine de pa­ra­vents en or, qu’elle ven­dit au prix fort. Le reste de l’argent fut fourni par des jour­naux, aux­quels Tek­kan et plus tard Akiko s’engagèrent d’envoyer ré­gu­liè­re­ment des pa­piers une fois sur place. Deux ou­vrages nous ren­seignent sur le sé­jour en France des deux époux : « De­puis Pa­ris », qui re­groupe leurs ar­ticles et leurs im­pres­sions de voyage en­voyés pour être pu­bliés dans les jour­naux ; et « De l’été à l’automne » (« Natsu yori aki e »4), re­cueil de poèmes, où Akiko ra­conte son bon­heur de vi­si­ter la France dans des vers qui mé­ri­te­raient d’être connus des Fran­çais :

« Joli mois de mai
Dans les champs de blé fran­çais
Aux cou­leurs de feu…
Co­que­li­cot mon amant,
Co­que­li­cot moi aussi !
 »

  1. En ja­po­nais « 巴里より ». Par­fois trans­crit « Pari yori ». Haut
  2. En ja­po­nais « 明星 ». Haut
  1. Par­fois tra­duit « L’Étoile du ma­tin ». Haut
  2. En ja­po­nais « 夏より秋へ ». Haut

« Choses dont parle Teika lorsqu’il parle d’amour : une lecture de la “Compétition poétique solitaire en cent tours de l’honorable Teika” »

dans « Ebisu », nº 25, p. 91-151

dans « Ebisu », no 25, p. 91-151

Il s’agit de l’aristocrate ja­po­nais Fu­ji­wara no Teika1 (XIIe-XIIIe siècle), non seule­ment poète très fé­cond, en­censé ou blâmé par ses contem­po­rains pour son ori­gi­na­lité ; mais aussi cri­tique aux ju­ge­ments du­quel on s’en rap­por­tait constam­ment, théo­ri­cien, édi­teur d’œuvres an­ciennes, com­pi­la­teur d’anthologies, au­teur d’un jour­nal tenu tout au long de sa vie dès sa dix-neu­vième an­née — le « Mei­getsu-ki » (« Jour­nal de la lune claire »). Fils du poète Fu­ji­wara no Shun­zei2, hé­ri­tier im­por­tant d’une li­gnée d’érudits, Teika ser­vit plu­sieurs Em­pe­reurs, et no­tam­ment Go-Toba Tennô, le­quel le ré­com­pensa de son at­ta­che­ment en le met­tant au nombre des com­pi­la­teurs du « Nou­veau Re­cueil de poé­sies de ja­dis et na­guère » (« Shin­ko­kin wa­ka­shû »). À cette époque, il avait déjà la ré­pu­ta­tion d’un poète très doué, mais pra­ti­quant un style dé­con­cer­tant : « J’ai été quel­que­fois re­connu et quel­que­fois cri­ti­qué », re­con­naît-il lui-même3, « mais, de­puis le dé­but, j’ai man­qué de goût pour [les règles] et n’ai ap­pris qu’à pro­duire des choses que les autres n’acceptaient pas. L’enseignement de mon re­gretté père se li­mi­tait à : “La [règle] de la poé­sie ne se cherche pas dans un vaste sa­voir ou en­core en re­mon­tant à un loin­tain passé : elle jaillit de notre propre cœur, et c’est par soi-même qu’on la com­prend” ». En l’an 1209, le shô­gun Sa­ne­tomo, âgé de dix-sept ans, de­manda à Teika de cor­ri­ger quelques poèmes qu’il lui avait en­voyés. Teika fit ac­com­pa­gner la cor­rec­tion d’un traité pé­da­go­gique, « Poèmes ex­cel­lents de notre temps » (« Kin­dai shûka »4), le pre­mier d’une sé­rie de trai­tés qui al­laient im­po­ser ses vues poé­tiques pour des dé­cen­nies au moins. On y ap­prend que la vraie poé­sie, c’est celle qui, tout en ne quit­tant pas les li­mites de la rai­son, s’affranchit des che­mins bat­tus : « Le style ex­cellent en poé­sie », dit-il5, « c’est le style de poème qui, ayant trans­cendé les dif­fé­rents élé­ments du su­jet, n’insiste sur au­cun ; qui, bien que ne sem­blant ap­par­te­nir à au­cun des dix styles en par­ti­cu­lier, nous fasse l’effet de les conte­nir tous ». In­fa­ti­gable en dé­pit d’une santé sans cesse chan­ce­lante, Teika se mon­tra, par ailleurs, un très grand phi­lo­logue. Les meilleures édi­tions conser­vées, et quel­que­fois les plus an­ciennes, des clas­siques de la lit­té­ra­ture ja­po­naise sont des co­pies de sa main6. Pour­tant, à tort ou à rai­son, ce qui a le plus contri­bué à le rendre illustre, c’est une pe­tite an­tho­lo­gie connue sous le nom de « De cent poètes un poème », que tout Ja­po­nais sait par cœur pour avoir joué, dès sa tendre en­fance, avec le jeu de cartes qui en est ins­piré.

  1. En ja­po­nais 藤原定家. Par­fois trans­crit Fou­ji­wara no Sa­daïé. Haut
  2. En ja­po­nais 藤原俊成. Par­fois trans­crit To­shi­nari. Haut
  3. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 70. Haut
  1. En ja­po­nais « 近代秀歌 ». Haut
  2. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 249. Haut
  3. C’est le cas en par­ti­cu­lier du « Dit du genji », de l’« Ise mo­no­ga­tari », du « Ko­kin-shû », dont il col­li­gea les di­vers ma­nus­crits, et qu’il com­menta en pro­fon­deur. Haut

« Fujiwara no Teika (1162-1241) et la Notion d’excellence en poésie »

éd. Collège de France-Institut des hautes études japonaises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris

éd. Col­lège de France-Ins­ti­tut des hautes études ja­po­naises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris

Il s’agit de l’aristocrate ja­po­nais Fu­ji­wara no Teika1 (XIIe-XIIIe siècle), non seule­ment poète très fé­cond, en­censé ou blâmé par ses contem­po­rains pour son ori­gi­na­lité ; mais aussi cri­tique aux ju­ge­ments du­quel on s’en rap­por­tait constam­ment, théo­ri­cien, édi­teur d’œuvres an­ciennes, com­pi­la­teur d’anthologies, au­teur d’un jour­nal tenu tout au long de sa vie dès sa dix-neu­vième an­née — le « Mei­getsu-ki » (« Jour­nal de la lune claire »). Fils du poète Fu­ji­wara no Shun­zei2, hé­ri­tier im­por­tant d’une li­gnée d’érudits, Teika ser­vit plu­sieurs Em­pe­reurs, et no­tam­ment Go-Toba Tennô, le­quel le ré­com­pensa de son at­ta­che­ment en le met­tant au nombre des com­pi­la­teurs du « Nou­veau Re­cueil de poé­sies de ja­dis et na­guère » (« Shin­ko­kin wa­ka­shû »). À cette époque, il avait déjà la ré­pu­ta­tion d’un poète très doué, mais pra­ti­quant un style dé­con­cer­tant : « J’ai été quel­que­fois re­connu et quel­que­fois cri­ti­qué », re­con­naît-il lui-même3, « mais, de­puis le dé­but, j’ai man­qué de goût pour [les règles] et n’ai ap­pris qu’à pro­duire des choses que les autres n’acceptaient pas. L’enseignement de mon re­gretté père se li­mi­tait à : “La [règle] de la poé­sie ne se cherche pas dans un vaste sa­voir ou en­core en re­mon­tant à un loin­tain passé : elle jaillit de notre propre cœur, et c’est par soi-même qu’on la com­prend” ». En l’an 1209, le shô­gun Sa­ne­tomo, âgé de dix-sept ans, de­manda à Teika de cor­ri­ger quelques poèmes qu’il lui avait en­voyés. Teika fit ac­com­pa­gner la cor­rec­tion d’un traité pé­da­go­gique, « Poèmes ex­cel­lents de notre temps » (« Kin­dai shûka »4), le pre­mier d’une sé­rie de trai­tés qui al­laient im­po­ser ses vues poé­tiques pour des dé­cen­nies au moins. On y ap­prend que la vraie poé­sie, c’est celle qui, tout en ne quit­tant pas les li­mites de la rai­son, s’affranchit des che­mins bat­tus : « Le style ex­cellent en poé­sie », dit-il5, « c’est le style de poème qui, ayant trans­cendé les dif­fé­rents élé­ments du su­jet, n’insiste sur au­cun ; qui, bien que ne sem­blant ap­par­te­nir à au­cun des dix styles en par­ti­cu­lier, nous fasse l’effet de les conte­nir tous ». In­fa­ti­gable en dé­pit d’une santé sans cesse chan­ce­lante, Teika se mon­tra, par ailleurs, un très grand phi­lo­logue. Les meilleures édi­tions conser­vées, et quel­que­fois les plus an­ciennes, des clas­siques de la lit­té­ra­ture ja­po­naise sont des co­pies de sa main6. Pour­tant, à tort ou à rai­son, ce qui a le plus contri­bué à le rendre illustre, c’est une pe­tite an­tho­lo­gie connue sous le nom de « De cent poètes un poème », que tout Ja­po­nais sait par cœur pour avoir joué, dès sa tendre en­fance, avec le jeu de cartes qui en est ins­piré.

  1. En ja­po­nais 藤原定家. Par­fois trans­crit Fou­ji­wara no Sa­daïé. Haut
  2. En ja­po­nais 藤原俊成. Par­fois trans­crit To­shi­nari. Haut
  3. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 70. Haut
  1. En ja­po­nais « 近代秀歌 ». Haut
  2. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 249. Haut
  3. C’est le cas en par­ti­cu­lier du « Dit du genji », de l’« Ise mo­no­ga­tari », du « Ko­kin-shû », dont il col­li­gea les di­vers ma­nus­crits, et qu’il com­menta en pro­fon­deur. Haut

« De cent poètes un poème : poèmes »

éd. Publications orientalistes de France, Aurillac

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, Au­rillac

Il s’agit de l’anthologie « Ogura Hya­ku­nin Is­shu »1, plus connue sous le titre abrégé de « Hya­ku­nin Is­shu »2 (« De cent poètes un poème »3). Peu de re­cueils ont joui et jouissent tou­jours au Ja­pon d’une vogue égale à celle de l’anthologie « Hya­ku­nin Is­shu ». On en at­tri­bue la pa­ter­nité à l’aristocrate Fu­ji­wara no Teika. Dans un jour­nal qu’il a tenu tout au long de sa vie, le « Mei­getsu-ki »4 (« Jour­nal de la lune claire »5), en date du 27 mai 1235, Teika dit avoir cal­li­gra­phié cent mor­ceaux sur des pa­piers de cou­leur pour en dé­co­rer les cloi­sons mo­biles d’une mai­son de cam­pagne à Ogura. Le plus éton­nant est que ces cent poèmes ont fini par de­ve­nir le re­cueil fa­mi­lier de chaque mai­son ja­po­naise. Dès la fin du XVIIe siècle, en ef­fet, nous les voyons em­ployés comme livre pour édu­quer les jeunes filles, en même temps que comme jeu pour amu­ser la fa­mille en gé­né­ral. Ce jeu de « cartes poé­tiques » (« uta-ga­ruta »6) consiste à de­vi­ner la fin d’un poème que ré­cite un me­neur : « On prend pour cela un pa­quet de deux cents cartes [ti­rées du] “Hya­ku­nin Is­shu”. Cent de ces cartes portent, cha­cune, un poème dif­fé­rent — ce sont des “waka”, odes de trente et une syl­labes com­po­sées par des poètes et des poé­tesses cé­lèbres d’autrefois — et, en gé­né­ral, le por­trait de l’auteur : elles servent à la lec­ture à haute voix. Les cent autres cartes ne portent que les deux der­niers vers de chaque poème : elles servent au jeu pro­pre­ment dit. L’un des joueurs lit un “waka”, et les autres se penchent sur les cartes ran­gées à même le ta­tami ou natte de paille, en scru­tant le tas pour s’emparer ra­pi­de­ment de celle qui cor­res­pond au poème qu’on vient de lire », ex­plique M. Shi­geo Ki­mura

  1. En ja­po­nais « 小倉百人一首 ». Haut
  2. En ja­po­nais « 百人一首 ». Au­tre­fois trans­crit « Hya­kou-nin-is-syou » ou « Hya­kou­ninn-is­shou ». Haut
  3. Par­fois tra­duit « Cent poé­sies par cent poètes », « De cent hommes une poé­sie », « De cent hommes cha­cun un poème » ou « Col­lec­tion des cent poètes ». Haut
  1. En ja­po­nais « 明月記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Méig­hét­sou-ki ». Haut
  2. Par­fois tra­duit « Notes (jour­na­lières) de la claire lune ». Haut
  3. En ja­po­nais 歌がるた. Haut

Saigyô, « Poèmes de ma hutte de montagne »

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit de Satô No­ri­kiyo1, poète et moine très cher au peuple ja­po­nais (XIIe siècle apr. J.-C.), plus connu sous le sur­nom de Sai­gyô2 (« al­lant au Pa­ra­dis de l’Ouest »). Issu d’une fa­mille mi­li­taire, à l’âge de vingt-deux ans, Sai­gyô re­nonça au siècle, aban­donna sa fa­mille, et quitta ses fonc­tions au Pa­lais pour la rai­son que voici : Un jour, à l’heure où le so­leil s’inclinait, il était sorti avec un de ses amis in­times, du nom de No­riyasu, Of­fi­cier de la Garde des Portes. En che­min, No­riyasu dé­clara ceci : « Ces der­niers temps, je ne sais pour­quoi, j’ai le sen­ti­ment que toute chose n’est que songe et illu­sion, et si ce jourd’hui je suis en vie, je n’ose es­pé­rer l’être de­main en­core. Las, quel pour­rait être mon re­cours ? Mon plus cher dé­sir se­rait de quit­ter ma mai­son, de chan­ger mon état et d’aller vivre en quelque mon­tagne écar­tée ! »3 En en­ten­dant ce dis­cours pro­noncé avec les ac­cents de la vé­rité, Sai­gyô se de­manda, le cœur do­lent, pour quelle rai­son son ami par­lait de la sorte ; et le ma­tin sui­vant, comme il al­lait prendre de ses nou­velles, il trouva, près du por­tail, une foule de gens fort agi­tés, et à l’intérieur, de même, l’on en­ten­dait des voix de gens qui cla­maient leur dou­leur ; in­quiet, il hâta le pas, se de­man­dant ce qui se pas­sait : « Mon­sei­gneur, cette nuit, est mort dans son som­meil ! »4, lui dit-on, et il aper­çut l’épouse et la mère de No­riyasu, éten­dues face contre terre, l’une aux pieds, l’autre au che­vet du dé­funt, abî­mées dans les larmes. À cette vue, tour­nant le dos au monde, Sai­gyô en­tra en re­li­gion pour pé­ré­gri­ner à tra­vers le pays en­tier de pro­vince en pro­vince, de mo­nas­tère en mo­nas­tère ; puis, pen­sant avoir trouvé dans les mon­tagnes de l’Ouest le lieu pro­pice à un se­cret er­mi­tage où se li­vrer aux pra­tiques de la Voie du Boud­dha, il y construi­sit une hutte de bran­chage où, après avoir mené une vie so­li­taire dans un dé­pouille­ment ex­trême de toutes choses, il mou­rut très sain­te­ment.

  1. En ja­po­nais 佐藤義清. Au­tre­fois trans­crit Satô Yo­shi­kiyo. Haut
  2. En ja­po­nais 西行. Au­tre­fois trans­crit Saï­ghyô. Haut
  1. « La Lé­gende de Saï­gyô », p. 22. Haut
  2. id. p. 23. Haut

« La Légende de Saïgyô »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Tama, Cergy

Il s’agit de Satô No­ri­kiyo1, poète et moine très cher au peuple ja­po­nais (XIIe siècle apr. J.-C.), plus connu sous le sur­nom de Sai­gyô2 (« al­lant au Pa­ra­dis de l’Ouest »). Issu d’une fa­mille mi­li­taire, à l’âge de vingt-deux ans, Sai­gyô re­nonça au siècle, aban­donna sa fa­mille, et quitta ses fonc­tions au Pa­lais pour la rai­son que voici : Un jour, à l’heure où le so­leil s’inclinait, il était sorti avec un de ses amis in­times, du nom de No­riyasu, Of­fi­cier de la Garde des Portes. En che­min, No­riyasu dé­clara ceci : « Ces der­niers temps, je ne sais pour­quoi, j’ai le sen­ti­ment que toute chose n’est que songe et illu­sion, et si ce jourd’hui je suis en vie, je n’ose es­pé­rer l’être de­main en­core. Las, quel pour­rait être mon re­cours ? Mon plus cher dé­sir se­rait de quit­ter ma mai­son, de chan­ger mon état et d’aller vivre en quelque mon­tagne écar­tée ! »3 En en­ten­dant ce dis­cours pro­noncé avec les ac­cents de la vé­rité, Sai­gyô se de­manda, le cœur do­lent, pour quelle rai­son son ami par­lait de la sorte ; et le ma­tin sui­vant, comme il al­lait prendre de ses nou­velles, il trouva, près du por­tail, une foule de gens fort agi­tés, et à l’intérieur, de même, l’on en­ten­dait des voix de gens qui cla­maient leur dou­leur ; in­quiet, il hâta le pas, se de­man­dant ce qui se pas­sait : « Mon­sei­gneur, cette nuit, est mort dans son som­meil ! »4, lui dit-on, et il aper­çut l’épouse et la mère de No­riyasu, éten­dues face contre terre, l’une aux pieds, l’autre au che­vet du dé­funt, abî­mées dans les larmes. À cette vue, tour­nant le dos au monde, Sai­gyô en­tra en re­li­gion pour pé­ré­gri­ner à tra­vers le pays en­tier de pro­vince en pro­vince, de mo­nas­tère en mo­nas­tère ; puis, pen­sant avoir trouvé dans les mon­tagnes de l’Ouest le lieu pro­pice à un se­cret er­mi­tage où se li­vrer aux pra­tiques de la Voie du Boud­dha, il y construi­sit une hutte de bran­chage où, après avoir mené une vie so­li­taire dans un dé­pouille­ment ex­trême de toutes choses, il mou­rut très sain­te­ment.

  1. En ja­po­nais 佐藤義清. Au­tre­fois trans­crit Satô Yo­shi­kiyo. Haut
  2. En ja­po­nais 西行. Au­tre­fois trans­crit Saï­ghyô. Haut
  1. « La Lé­gende de Saï­gyô », p. 22. Haut
  2. id. p. 23. Haut

Saigyô, « Vers le Vide : poèmes »

éd. A. Michel, Paris

éd. A. Mi­chel, Pa­ris

Il s’agit de Satô No­ri­kiyo1, poète et moine très cher au peuple ja­po­nais (XIIe siècle apr. J.-C.), plus connu sous le sur­nom de Sai­gyô2 (« al­lant au Pa­ra­dis de l’Ouest »). Issu d’une fa­mille mi­li­taire, à l’âge de vingt-deux ans, Sai­gyô re­nonça au siècle, aban­donna sa fa­mille, et quitta ses fonc­tions au Pa­lais pour la rai­son que voici : Un jour, à l’heure où le so­leil s’inclinait, il était sorti avec un de ses amis in­times, du nom de No­riyasu, Of­fi­cier de la Garde des Portes. En che­min, No­riyasu dé­clara ceci : « Ces der­niers temps, je ne sais pour­quoi, j’ai le sen­ti­ment que toute chose n’est que songe et illu­sion, et si ce jourd’hui je suis en vie, je n’ose es­pé­rer l’être de­main en­core. Las, quel pour­rait être mon re­cours ? Mon plus cher dé­sir se­rait de quit­ter ma mai­son, de chan­ger mon état et d’aller vivre en quelque mon­tagne écar­tée ! »3 En en­ten­dant ce dis­cours pro­noncé avec les ac­cents de la vé­rité, Sai­gyô se de­manda, le cœur do­lent, pour quelle rai­son son ami par­lait de la sorte ; et le ma­tin sui­vant, comme il al­lait prendre de ses nou­velles, il trouva, près du por­tail, une foule de gens fort agi­tés, et à l’intérieur, de même, l’on en­ten­dait des voix de gens qui cla­maient leur dou­leur ; in­quiet, il hâta le pas, se de­man­dant ce qui se pas­sait : « Mon­sei­gneur, cette nuit, est mort dans son som­meil ! »4, lui dit-on, et il aper­çut l’épouse et la mère de No­riyasu, éten­dues face contre terre, l’une aux pieds, l’autre au che­vet du dé­funt, abî­mées dans les larmes. À cette vue, tour­nant le dos au monde, Sai­gyô en­tra en re­li­gion pour pé­ré­gri­ner à tra­vers le pays en­tier de pro­vince en pro­vince, de mo­nas­tère en mo­nas­tère ; puis, pen­sant avoir trouvé dans les mon­tagnes de l’Ouest le lieu pro­pice à un se­cret er­mi­tage où se li­vrer aux pra­tiques de la Voie du Boud­dha, il y construi­sit une hutte de bran­chage où, après avoir mené une vie so­li­taire dans un dé­pouille­ment ex­trême de toutes choses, il mou­rut très sain­te­ment.

  1. En ja­po­nais 佐藤義清. Au­tre­fois trans­crit Satô Yo­shi­kiyo. Haut
  2. En ja­po­nais 西行. Au­tre­fois trans­crit Saï­ghyô. Haut
  1. « La Lé­gende de Saï­gyô », p. 22. Haut
  2. id. p. 23. Haut

Akiko, « Cheveux emmêlés »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon-Sé­rie Fic­tion, Pa­ris

Il s’agit de Yo­sano Akiko1, poé­tesse ja­po­naise (XIXe-XXe siècle) dont les poèmes d’amour rap­pellent cette verve sen­suelle et au­da­cieuse qui avait ca­rac­té­risé Izumi-shi­kibu. Dans sa « Bio­gra­phie de la poé­tesse Izumi-shi­kibu », Akiko écri­vit, au su­jet de celle qu’elle consi­dé­rait comme son mo­dèle, des pages très re­mar­quables, non seule­ment parce qu’elles comp­taient parmi les plus belles qui eussent été ja­mais écrites sur le su­jet, mais aussi parce qu’en ces pages, sans peut-être y son­ger, Akiko se dé­cri­vait elle-même : « Poé­tesse de l’amour ve­nue du ciel », dit-elle dans cette bio­gra­phie2, « toute sa vie fut consa­crée à l’amour et à la poé­sie. Écri­vait-elle par amour ou ai­mait-elle pour la poé­sie ? Dans son es­prit, ces deux choses n’en étaient qu’une ». « Che­veux em­mê­lés » (« Mi­da­re­gami »3), tel sera le titre du pre­mier re­cueil d’Akiko par al­lu­sion au cé­lèbre poème d’Izumi-shikibu. Dans ce re­cueil qu’on peut qua­li­fier de ré­vo­lu­tion­naire, elle se montre en jeune fille fré­mis­sante de pas­sions fu­gi­tives, d’abandons char­nels, de ca­prices d’un jour, et se confiant à voix haute. « Être femme ; en être fière ; à mots vrais, forts, crier au monde son droit à l’amour, à la joie ; chan­ter “sa chair et sa vie”… c’est les “che­veux em­mê­lés” que, tête haute, Yo­sano Akiko s’[avancera] dans la vie et dans la poé­sie »4. Ce sont cette spon­ta­néité et cette har­diesse qui lui vau­dront le suc­cès au­près d’un pu­blic à la fois sur­pris et ad­mi­ra­tif.

  1. En ja­po­nais 与謝野晶子. Au­tre­fois trans­crit Yo­çano Akiko. Haut
  2. Dans Claire Do­dane, « Yo­sano Akiko : poète de la pas­sion », p. 71. Haut
  1. En ja­po­nais « みだれ髪 ». Par­fois tra­duit « Les Che­veux mê­lés » ou « Che­veux en désordre ». Haut
  2. Georges Bon­neau, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise contem­po­raine ». Haut

Michinaga, « Notes journalières. Tome III »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du « Midô kan­pa­kuki »1 (« Notes jour­na­lières », ou lit­té­ra­le­ment « Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle ») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »4 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »5 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais « 御堂関白記 ». Par­fois trans­crit « Midô kam­pa­kuki ». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, « Poèmes », p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

Michinaga, « Notes journalières. Tome II »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du « Midô kan­pa­kuki »1 (« Notes jour­na­lières », ou lit­té­ra­le­ment « Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle ») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »4 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »5 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais « 御堂関白記 ». Par­fois trans­crit « Midô kam­pa­kuki ». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, « Poèmes », p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

Michinaga, « Notes journalières. Tome I »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit du « Midô kan­pa­kuki »1 (« Notes jour­na­lières », ou lit­té­ra­le­ment « Notes du grand chan­ce­lier de la cha­pelle ») de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga2, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »3. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »4 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »5 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais « 御堂関白記 ». Par­fois trans­crit « Midô kam­pa­kuki ». Haut
  2. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  3. Mi­chi­naga, « Poèmes », p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

Michinaga, « Poèmes »

éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève

éd. Droz, coll. Hautes études orien­tales, Ge­nève

Il s’agit des poèmes de Fu­ji­wara no Mi­chi­naga1, mi­nistre qui pré­sida à un des mo­ments les plus brillants du Ja­pon an­cien (Xe-XIe siècle). « Cet âge-ci, oui, cet âge est vrai­ment mien quand je puis pen­ser que rien ne vient di­mi­nuer la plé­ni­tude de la lune »2. L’auteur de ce poème, Mi­chi­naga, pré­senta pen­dant toute sa vie le spec­tacle in­des­crip­tible d’un homme béni par la for­tune. En éta­lant avec pro­di­ga­lité son im­mense for­tune dans des dons fas­tueux aux mo­nas­tères, il conserva le pou­voir mi­nis­té­riel sous trois Em­pe­reurs avant de le trans­mettre à ses fils. Sans ma­ni­fes­ter au­cun ta­lent par­ti­cu­lier, au­cun don re­mar­quable, au­cun des­sein po­li­tique neuf ou ori­gi­nal, il re­leva pour­tant les rites et la mu­sique à moi­tié tom­bés ; il donna à l’époque de Heian ses meilleurs peintres, ses grandes femmes let­trées, quelques bons gé­né­raux aussi, et de nom­breux prêtres. On le vé­néra à l’égal d’un boud­dha in­carné ; sa splen­deur ins­pira les tout pre­miers ou­vrages d’histoire na­tio­nale : l’« Eiga mo­no­ga­tari »3 (« Dit de ma­gni­fi­cence ») et l’« Ôka­gami »4 (« Grand Mi­roir »). « C’est au­tour de [Mi­chi­naga] que se dé­ve­loppa cette ci­vi­li­sa­tion ori­gi­nale et ex­trê­me­ment brillante qui a fait la gloire du Xe siècle, mais qui mal­heu­reu­se­ment a été li­mi­tée à une classe par­ti­cu­lière, celle des nobles de la Cour, et à une ré­gion très res­treinte, celle de la ca­pi­tale et de ses abords im­mé­diats ; l’ensemble du pays, en de­hors des mo­nas­tères pro­vin­ciaux, res­tait plongé dans un état semi-bar­bare et une grande pau­vreté ; …le mau­vais état des voies de com­mu­ni­ca­tion, fort peu dé­ve­lop­pées jusqu’à l’époque mo­derne, em­pê­chait la culture de l’époque d’être plus qu’une culture de Cour », dit Fran­çoise Pe­tit

  1. En ja­po­nais 藤原道長. Au­tre­fois trans­crit Fou­ji­wara no Mit­chi­naga. Haut
  2. p. 114. Haut
  1. En ja­po­nais « 栄花物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Eigwa mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 大鏡 ». Au­tre­fois trans­crit « Oh-ka­gami ». Haut

« Man-yôshû. Livres VII, VIII et IX »

éd. UNESCO-Publications orientalistes de France, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Poètes du Japon, Paris-Aurillac

éd. UNESCO-Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Poètes du Ja­pon, Pa­ris-Au­rillac

Il s’agit du « Man-yô-shû »1 (« Re­cueil d’une my­riade de feuilles »2), une des pre­mières com­pi­la­tions de poèmes ja­po­nais. Alors que l’antique prose du Ja­pon re­pré­sente plus ou moins l’influence étran­gère de la Chine, l’antique poé­sie, elle, a quelque chose de pro­fon­dé­ment in­di­gène. De fait, le « Man-yô-shû » et le « Ko­kin-shû » peuvent être qua­li­fiés d’anthologies na­tio­nales du Ja­pon. Il faut re­con­naître que la poé­sie a tou­jours tenu une très grande place dans l’âme ja­po­naise, dont elle dé­voile, pour ainsi dire, toute l’intimité. De règne en règne, les Em­pe­reurs ja­po­nais, aux pre­mières fleurs de prin­temps comme aux der­nières lunes d’automne, ont convo­qué la suite de leurs cour­ti­sans, et sous l’inspiration des choses, se sont fait pré­sen­ter des poèmes. Parmi ces cour­ti­sans, quelques-uns ont mis leur amour en pa­ral­lèle avec la fu­mée du mont Fuji, d’autres se sont sou­ve­nus de la loin­taine jeu­nesse du mont Otoko, d’autres, en­fin, à voir la ro­sée sur l’herbe, l’écume sur l’eau, se sont la­men­tés sur leur propre im­per­ma­nence. « La poé­sie du Ya­mato3 a pour ra­cine le cœur hu­main et pour feuilles des mil­liers de pa­roles », dit Ki no Tsu­rayuki dans sa su­blime pré­face au « Ko­kin-shû », qui s’élève à des som­mets ja­mais en­core éga­lés dans la cri­tique ja­po­naise. « Le temps a beau al­ler ses étapes ; les choses pas­ser ; les joies et les tris­tesses croi­ser leurs routes : quand le rythme est là, com­ment cette poé­sie pour­rait-elle pé­rir ? S’il est vrai que les ai­guilles du pin durent sans choir ni pé­rir ; que les em­preintes des oi­seaux pour long­temps se gravent4 ; la poé­sie du Ya­mato [se main­tien­dra pour ja­mais] ».

  1. En ja­po­nais « 万葉集 ». Par­fois trans­crit « Man­jóšú », « Ma­nyôśû », « Man-yô-siû », « Man-yo-siou », « Ma­nyo­schu », « Ma­nyô­shou », « Ma­nyo­shiu », « Man­nyo­shu » ou « Man­nyo­chou ». Haut
  2. Titre obs­cur. « Yô » () veut dire « feuille » ou « gé­né­ra­tion » ; de sorte qu’on peut en­tendre soit « Re­cueil de feuilles in­nom­brables », comme celles d’un grand arbre ou d’un grand livre, soit « Re­cueil de toutes les gé­né­ra­tions ». Haut
  1. Pour le Ja­pon, le nom du Ya­mato est comme ce­lui de la Gaule pour la France. Haut
  2. Al­lu­sion à la lé­gende qui veut que Cang Jie (倉頡) ait in­venté les ca­rac­tères chi­nois en ob­ser­vant des em­preintes d’oiseaux dans la boue. Haut