Mot-clefFujiwara no Teika

au­teur

« Choses dont parle Teika lorsqu’il parle d’amour : une lecture de la “Compétition poétique solitaire en cent tours de l’honorable Teika” »

dans « Ebisu », nº 25, p. 91-151

dans « Ebisu », no 25, p. 91-151

Il s’agit de l’aristocrate ja­po­nais Fu­ji­wara no Teika1 (XIIe-XIIIe siècle), non seule­ment poète très fé­cond, en­censé ou blâmé par ses contem­po­rains pour son ori­gi­na­lité ; mais aussi cri­tique aux ju­ge­ments du­quel on s’en rap­por­tait constam­ment, théo­ri­cien, édi­teur d’œuvres an­ciennes, com­pi­la­teur d’anthologies, au­teur d’un jour­nal tenu tout au long de sa vie dès sa dix-neu­vième an­née — le « Mei­getsu-ki » (« Jour­nal de la lune claire »). Fils du poète Fu­ji­wara no Shun­zei2, hé­ri­tier im­por­tant d’une li­gnée d’érudits, Teika ser­vit plu­sieurs Em­pe­reurs, et no­tam­ment Go-Toba Tennô, le­quel le ré­com­pensa de son at­ta­che­ment en le met­tant au nombre des com­pi­la­teurs du « Nou­veau Re­cueil de poé­sies de ja­dis et na­guère » (« Shin­ko­kin wa­ka­shû »). À cette époque, il avait déjà la ré­pu­ta­tion d’un poète très doué, mais pra­ti­quant un style dé­con­cer­tant : « J’ai été quel­que­fois re­connu et quel­que­fois cri­ti­qué », re­con­naît-il lui-même3, « mais, de­puis le dé­but, j’ai man­qué de goût pour [les règles] et n’ai ap­pris qu’à pro­duire des choses que les autres n’acceptaient pas. L’enseignement de mon re­gretté père se li­mi­tait à : “La [règle] de la poé­sie ne se cherche pas dans un vaste sa­voir ou en­core en re­mon­tant à un loin­tain passé : elle jaillit de notre propre cœur, et c’est par soi-même qu’on la com­prend” ». En l’an 1209, le shô­gun Sa­ne­tomo, âgé de dix-sept ans, de­manda à Teika de cor­ri­ger quelques poèmes qu’il lui avait en­voyés. Teika fit ac­com­pa­gner la cor­rec­tion d’un traité pé­da­go­gique, « Poèmes ex­cel­lents de notre temps » (« Kin­dai shûka »4), le pre­mier d’une sé­rie de trai­tés qui al­laient im­po­ser ses vues poé­tiques pour des dé­cen­nies au moins. On y ap­prend que la vraie poé­sie, c’est celle qui, tout en ne quit­tant pas les li­mites de la rai­son, s’affranchit des che­mins bat­tus : « Le style ex­cellent en poé­sie », dit-il5, « c’est le style de poème qui, ayant trans­cendé les dif­fé­rents élé­ments du su­jet, n’insiste sur au­cun ; qui, bien que ne sem­blant ap­par­te­nir à au­cun des dix styles en par­ti­cu­lier, nous fasse l’effet de les conte­nir tous ». In­fa­ti­gable en dé­pit d’une santé sans cesse chan­ce­lante, Teika se mon­tra, par ailleurs, un très grand phi­lo­logue. Les meilleures édi­tions conser­vées, et quel­que­fois les plus an­ciennes, des clas­siques de la lit­té­ra­ture ja­po­naise sont des co­pies de sa main6. Pour­tant, à tort ou à rai­son, ce qui a le plus contri­bué à le rendre illustre, c’est une pe­tite an­tho­lo­gie connue sous le nom de « De cent poètes un poème », que tout Ja­po­nais sait par cœur pour avoir joué, dès sa tendre en­fance, avec le jeu de cartes qui en est ins­piré.

  1. En ja­po­nais 藤原定家. Par­fois trans­crit Fou­ji­wara no Sa­daïé. Haut
  2. En ja­po­nais 藤原俊成. Par­fois trans­crit To­shi­nari. Haut
  3. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 70. Haut
  1. En ja­po­nais « 近代秀歌 ». Haut
  2. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 249. Haut
  3. C’est le cas en par­ti­cu­lier du « Dit du genji », de l’« Ise mo­no­ga­tari », du « Ko­kin-shû », dont il col­li­gea les di­vers ma­nus­crits, et qu’il com­menta en pro­fon­deur. Haut

« Fujiwara no Teika (1162-1241) et la Notion d’excellence en poésie »

éd. Collège de France-Institut des hautes études japonaises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris

éd. Col­lège de France-Ins­ti­tut des hautes études ja­po­naises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris

Il s’agit de l’aristocrate ja­po­nais Fu­ji­wara no Teika1 (XIIe-XIIIe siècle), non seule­ment poète très fé­cond, en­censé ou blâmé par ses contem­po­rains pour son ori­gi­na­lité ; mais aussi cri­tique aux ju­ge­ments du­quel on s’en rap­por­tait constam­ment, théo­ri­cien, édi­teur d’œuvres an­ciennes, com­pi­la­teur d’anthologies, au­teur d’un jour­nal tenu tout au long de sa vie dès sa dix-neu­vième an­née — le « Mei­getsu-ki » (« Jour­nal de la lune claire »). Fils du poète Fu­ji­wara no Shun­zei2, hé­ri­tier im­por­tant d’une li­gnée d’érudits, Teika ser­vit plu­sieurs Em­pe­reurs, et no­tam­ment Go-Toba Tennô, le­quel le ré­com­pensa de son at­ta­che­ment en le met­tant au nombre des com­pi­la­teurs du « Nou­veau Re­cueil de poé­sies de ja­dis et na­guère » (« Shin­ko­kin wa­ka­shû »). À cette époque, il avait déjà la ré­pu­ta­tion d’un poète très doué, mais pra­ti­quant un style dé­con­cer­tant : « J’ai été quel­que­fois re­connu et quel­que­fois cri­ti­qué », re­con­naît-il lui-même3, « mais, de­puis le dé­but, j’ai man­qué de goût pour [les règles] et n’ai ap­pris qu’à pro­duire des choses que les autres n’acceptaient pas. L’enseignement de mon re­gretté père se li­mi­tait à : “La [règle] de la poé­sie ne se cherche pas dans un vaste sa­voir ou en­core en re­mon­tant à un loin­tain passé : elle jaillit de notre propre cœur, et c’est par soi-même qu’on la com­prend” ». En l’an 1209, le shô­gun Sa­ne­tomo, âgé de dix-sept ans, de­manda à Teika de cor­ri­ger quelques poèmes qu’il lui avait en­voyés. Teika fit ac­com­pa­gner la cor­rec­tion d’un traité pé­da­go­gique, « Poèmes ex­cel­lents de notre temps » (« Kin­dai shûka »4), le pre­mier d’une sé­rie de trai­tés qui al­laient im­po­ser ses vues poé­tiques pour des dé­cen­nies au moins. On y ap­prend que la vraie poé­sie, c’est celle qui, tout en ne quit­tant pas les li­mites de la rai­son, s’affranchit des che­mins bat­tus : « Le style ex­cellent en poé­sie », dit-il5, « c’est le style de poème qui, ayant trans­cendé les dif­fé­rents élé­ments du su­jet, n’insiste sur au­cun ; qui, bien que ne sem­blant ap­par­te­nir à au­cun des dix styles en par­ti­cu­lier, nous fasse l’effet de les conte­nir tous ». In­fa­ti­gable en dé­pit d’une santé sans cesse chan­ce­lante, Teika se mon­tra, par ailleurs, un très grand phi­lo­logue. Les meilleures édi­tions conser­vées, et quel­que­fois les plus an­ciennes, des clas­siques de la lit­té­ra­ture ja­po­naise sont des co­pies de sa main6. Pour­tant, à tort ou à rai­son, ce qui a le plus contri­bué à le rendre illustre, c’est une pe­tite an­tho­lo­gie connue sous le nom de « De cent poètes un poème », que tout Ja­po­nais sait par cœur pour avoir joué, dès sa tendre en­fance, avec le jeu de cartes qui en est ins­piré.

  1. En ja­po­nais 藤原定家. Par­fois trans­crit Fou­ji­wara no Sa­daïé. Haut
  2. En ja­po­nais 藤原俊成. Par­fois trans­crit To­shi­nari. Haut
  3. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 70. Haut
  1. En ja­po­nais « 近代秀歌 ». Haut
  2. « Fu­ji­wara no Teika (1162-1241) et la No­tion d’excellence en poé­sie », p. 249. Haut
  3. C’est le cas en par­ti­cu­lier du « Dit du genji », de l’« Ise mo­no­ga­tari », du « Ko­kin-shû », dont il col­li­gea les di­vers ma­nus­crits, et qu’il com­menta en pro­fon­deur. Haut