Il s’agit des « Discours » d’Isée de Chalcis 1, orateur grec, habile dialecticien (IVe siècle av. J.-C.). On ne sait de la vie d’Isée que ce qu’en rapporte Denys d’Halicarnasse, qui lui-même n’en savait pas grand-chose. Chez les Anciens, comme chez les Modernes, l’attention s’est rarement tournée vers cet orateur. Le seul titre sous lequel il est connu, c’est qu’il fut le maître de Démosthène. Denys commence de cette façon le chapitre qu’il lui consacre : « Isée fut le maître de Démosthène et doit à ce titre la plus grande partie de sa célébrité » 2. Il semble, d’après Denys, que le mérite qu’a eu Isée de former Démosthène et d’être « la véritable source où ce dernier a puisé sa véhémence » 3 — que ce mérite, dis-je, lui a été funeste. Le prodigieux disciple a fait oublier le maître, et la supériorité de l’un a éclipsé la gloire de l’autre. Il convient d’ajouter une deuxième raison à un oubli aussi total. Isée, qui a peut-être été l’homme qui a le mieux saisi l’esprit des lois d’Athènes, aurait été écarté de la tribune par ces mêmes lois à cause de sa condition de métèque. Son père, qui portait un nom peu athénien, était, suivant quelques historiens, un habitant de Chalcis (dans l’île d’Eubée). Cette circonstance expliquerait pourquoi Isée ne s’est jamais essayé dans le discours politique. En effet, parmi les trois genres qu’admettait l’école rhétorique, il n’en a cultivé qu’un — le genre judiciaire. Comme on peut le voir par les cinquante titres de « Discours » qui nous ont été conservés, Isée s’est borné à écrire des plaidoyers pour les autres, portant sur des questions d’affaires privées ; nous en possédons onze en entier, tous ayant trait à des successions et à des cassations de testament. Ce sont des plaidoyers vifs, sérieux, austères, toujours syllogistiques, où en s’appuyant sur la loi et sur la raison, Isée argumente toujours d’après l’une et l’autre, sans mettre un seul mot pour réjouir l’oreille ou pour plaire à l’imagination ; ce qui a fait dire à un critique 4 qu’Isée est « un de ces écrivains qu’on loue volontiers pour être dispensé de les lire… On a beau vanter sa dialectique vive et serrée, l’art avec lequel il dispose ses preuves : si on trouve chez lui quelques fleurs, elles sont étouffées sous les épines du sujet ».
Il n’existe pas moins de trois traductions françaises des « Discours », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de Pierre Roussel.
« Σαφῶς μὲν οὖν ἴστε, ὦ ἄνδρες, ὅτι οὗτοι οὐ δικαίως τῶν Νικοστράτου ἐφίενται, ἀλλὰ βούλονται μὲν ὑμᾶς ἐξαπατῆσαι, τουτουσὶ δὲ συγγενεῖς ὄντας ἐκείνου, ἃ οἱ νόμοι ἔδοσαν αὐτοῖς, ἀποστερῆσαι. Οὐ μόνος δὲ Χαριάδης τοῦτο πεποίηκεν, ἀλλὰ καὶ ἄλλοι πολλοὶ ἤδη τῶν ἐν τῇ ὑπερορίᾳ ἀποθνῃσκόντων οὐδὲ γιγνώσκοντες ἐνίους τῆς οὐσίας ἠμφεσϐήτησαν· ἐνθυμοῦνται γὰρ ὅτι κατορθώσασι μὲν (ἔσται) τὰ ἀλλότρια ἔχειν, διαμαρτοῦσι δὲ μικρὸς ὁ κίνδυνος· μαρτυρεῖν δὲ καὶ τὰ ψευδῆ τινες ἐθέλουσιν, οἱ δ’ ἔλεγχοι περὶ ἀφανῶν. »
— Passage dans la langue originale
« Vous savez maintenant bien clairement, juges, que nos adversaires ne sont pas dans leur droit en convoitant la fortune de Nikostratos, mais qu’ils veulent vous tromper ; et alors que mes clients sont parents du défunt, que la loi leur attribue ses biens, ils veulent les en dépouiller. Le cas de Chariadès n’est pas isolé ; bien d’autres déjà, sachant que des Athéniens étaient morts à l’étranger, parfois sans même les connaître, ont réclamé leurs biens. Ils calculent en effet qu’en cas de réussite, ils posséderont le bien d’autrui ; s’ils échouent, le risque est infime. Il existe des faux témoins de bonne volonté ; la réfutation se heurte à l’inconnu. »
— Passage dans la traduction de Roussel
« Vous savez parfaitement, juges, que ces hommes convoitent sans droit l’héritage de Nicostrate ; qu’ils veulent vous tromper et enlever à mes amis, qui sont les parents de Nicostrate, ce que les lois leur ont donné. Chariadès n’est pas le seul qui ait fait cela ; bien d’autres avant lui ont revendiqué les successions de personnes mortes en pays étranger, et que parfois ils ne connaissaient même pas. Ils font ce raisonnement que, s’ils réussissent, ils profiteront du bien d’autrui ; que, s’ils échouent, après tout il n’y a pas grand danger à courir. On trouve des gens disposés à faire de faux témoignages, et comment les convaincre de mensonge quand les faits ne sont pas apparents ? »
— Passage dans la traduction de Rodolphe Dareste de la Chavanne et Bernard Haussoullier (XIXe siècle)
« Vous voyez donc clairement, ô Athéniens, que nos adversaires, qui ne se sentent pas en droit de revendiquer la succession de Nicostrate, veulent surprendre votre religion et frustrer les parents du défunt de ce que les lois leur accordent. Chariade n’est pas le premier qui ait formé de telles entreprises ; beaucoup d’autres lui en avaient donné l’exemple. Quelques-uns même ont revendiqué les biens de particuliers morts loin d’Athènes, qui leur étaient absolument inconnus. Ils pensent que, s’ils réussissent, ils se verront saisis d’une fortune étrangère ; et qu’ils perdront peu, s’ils échouent. Ils trouvent sans peine des faux témoins et des raisons apparentes pour établir des faits qu’on ignore. »
— Passage dans la traduction de l’abbé Athanase Auger (XVIIIe siècle)
« Tenetis jam rem, judices, certique estis, istos Nicostrati bona non fiducia bonæ causæ neque jure certo fretos appetere, sed hoc agere ut cum vos decipiant, tum hos qui Nicostrati cognati sunt, et quibus leges bona ejus contribuunt, illis evertant. Verum non Chariades solus id agit, sed alii quoque complures egere. Sæpe enim usu venit, ut, cum extra ditionem Atticam defuncti quidam essent, alii, qui illos ne natos quidem nossent, eorum tamen hereditates in jure peterent. Cogitant nempe secum illi sic, sive cupitis ex animi sui sententia potiantur, se bona aliena esse habituros ; sive a spe atque destinatione sua aberrent, leve tamen et exiguum discrimen adisse. Esse quoque qui linguam venalem ad falsa testimonia dicendum paratam offerant. Examina instituenda in rebus obscuris ægreque explorabilibus versari. »
— Passage dans la traduction latine de Johann Jacob Reiske (XVIIIe siècle)
« Tenetis jam rem, judices, certique estis, istos Nicostrati bona non fiducia bonæ causæ neque jure certo fretos appetere, sed hoc agere ut cum vos decipiant, tum hos qui Nicostrati cognati sunt, et quibus leges bona ejus contribuunt, illis evertant. Verum non Chariades solus id agit, sed alii quoque complures eorum qui extra ditionem Atticam defuncti sunt, qui illos ne natos quidem nossent, eorum inquam hereditates in jure petierunt. Cogitant enim secum illi sic, sive cupitis ex animi sui sententia potiantur, se bona aliena esse habituros ; sive a spe atque destinatione sua aberrent, leve tamen et exiguum discrimen adisse. Esse quoque qui linguam venalem ad falsa testimonia dicendum paratam offerant. Examina instituenda in rebus obscuris ægreque explorabilibus versari. »
— Passage dans la traduction latine de Johann Jacob Reiske, revue par William Stephen Dobson (XIXe siècle)
« Jam bene tenetis, judices, istos nullo jure Nicostrati bona appetere, sed hoc agere ut cum vos decipiant, tum hos qui Nicostrati cognati sunt, et quibus leges bona ejus contribuunt, illis evertant. Verum non Chariades solus id agit, sed alii quoque complures hereditates eorum qui extra ditionem Atticam defuncti sunt, petiverunt, quamvis eos interdum ne nossent quidem. Cogitant enim se, si bene res cesserit, bona aliena habituros esse ; sin minus, haud magnum adire periculum. Esse quoque qui linguam venalem ad falsa testimonia dicendum offerant. Examina instituenda in rebus obscuris versari. »
— Passage dans la traduction latine de Johann Jacob Reiske, revue par Karl Müller (XIXe siècle)
« Certe igitur scitote, Judices, istos non juste cupidos esse bonorum Stratonici, sed velle vos decipere, et hos illius cognatos, privare illis quæ eis leges dederunt, et non tantum Chariades hoc fecit, sed et alii multi. Aliquando enim et eorum, qui foris objerant, quidam non adhuc certi de illorum morte, bona ambiverunt. Animadvertunt namque, conatu succedente aliena habituros ; spe vero frustratis leve periculum imminere. At alii volunt falsa testari : indicia namque sunt de occultis. »
— Passage dans la traduction latine d’Alfonso Miniati (XVIIe siècle)
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- Édition et traduction de Pierre Roussel (1960) [Source : Canadiana]
- Traduction de Pierre Roussel (1922) [Source : Canadiana]
- Traduction de Rodolphe Dareste de la Chavanne et Bernard Haussoullier (1898) [Source : Google Livres]
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- Traduction partielle de l’abbé Athanase Auger (1842) [Source : Google Livres]
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- Édition et traduction partielles de l’abbé Athanase Auger (éd. électronique) [Source : Remacle.org]
- Traduction partielle d’Exupère Caillemer (1875) [Source : Google Livres]
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- Giovanni Ferri, dit Jean Ferri, « De l’éloquence et des orateurs anciens et modernes » (XVIIIe siècle) [Source : Google Livres]
- Léon Moy, « Étude sur les plaidoyers d’Isée » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Georges Perrot, « L’Éloquence politique et judiciaire à Athènes. Tome I. Les Précurseurs de Démosthène » (XIXe siècle) [Source : Google Livres].