Mot-clefGilberte Hla-Dorge

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

«Une Poétesse japonaise au XVIIIe siècle : Kaga no Tchiyo-jo»

éd. G.-P. Maisonneuve, Paris

éd. G.-P. Mai­son­neuve, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de Kaga no Tchiyo-jo 1, poé­tesse et nonne ja­po­naise (XVIIIe siècle apr. J.-C.), éga­le­ment connue sous le sur­nom de Tchiyo-ni 2Tchiyo la nonne»). Un maître du haïku, Ro­ghennbô 3, passa par la ville de pro­vince où ha­bi­tait Tchiyo, en­core toute jeune. «N’importe com­ment», pensa-t-elle, «je sol­li­ci­te­rai d’un haï­kiste aussi cé­lèbre des conseils sur l’art de com­po­ser…» Et pous­sée par le dé­mon de la poé­sie, elle s’en alla frap­per à la porte de l’auberge et prier Ro­ghennbô de lui don­ner une le­çon de poé­sie. Fa­ti­gué par le long voyage, il lui dit de prendre l’encre et le pa­pier et de com­po­ser quelque chose sur un su­jet tout in­di­qué par la sai­son : le cou­cou. Puis, sans plus s’inquiéter d’elle, il com­mença à dor­mir en ron­flant. Après avoir lon­gue­ment ré­flé­chi, Tchiyo com­posa une poé­sie et de­manda ti­mi­de­ment : «Ex­cu­sez-moi, s’il vous plaît… — Qu’est-ce qu’il y a?», dit le poète brus­que­ment ré­veillé. Et tou­jours al­longé, il lut la poé­sie qui lui était pré­sen­tée sur un rou­leau de pa­pier. Il fut très sur­pris de voir qu’une fille de quinze ans était ca­pable d’écrire avec tant de ta­lent; mais ca­chant son vé­ri­table sen­ti­ment, il dé­clara : «Voici une poé­sie qui n’a pas de sens. Com­pose donc quelque chose de plus vi­vant». Et peu après, il se re­mit à ron­fler. L’élève conti­nua à mé­di­ter et à écrire. Elle com­posa vingt poé­sies, trente poé­sies, sans oser les mon­trer. À me­sure que les heures s’écoulaient, des tas de pa­piers noir­cis s’entassaient. Ayant perdu la no­tion du temps, elle se dé­sola : «Ah! Dieu n’a pas voulu m’accorder le ta­lent d’une vraie poé­tesse. Dès aujourd’hui, c’est fini; je re­nonce com­plè­te­ment à écrire». Au même ins­tant, le son d’une cloche, ve­nant on ne sait d’où, an­nonça l’arrivée de l’aurore. Ro­ghennbô, qui était moine, se sou­leva d’un bond sur sa couche : «Comme j’ai bien dormi! Mais… se­rait-ce déjà le ma­tin?» 4 Au bruit de la voix qui frap­pait l’air, Tchiyo re­vint tout à coup à la réa­lité. Sans pen­ser, déses­pé­ré­ment, elle mur­mura cette ex­quise poé­sie :

«Cou­cou!
Cou­cou! à ces mots,
Le jour est venu
»

  1. En ja­po­nais 加賀千代女. Par­fois trans­crit Kaga no Chiyo-jo. Haut
  2. En ja­po­nais 千代尼. Par­fois trans­crit Chiyo-ni. Haut
  1. En ja­po­nais 盧元坊. Par­fois trans­crit Ro­genbō. Haut
  2. «Une Poé­tesse ja­po­naise au XVIIIe siècle : Kaga no Tchiyo-jo», p. 91-93. Haut

«Les Poétesses de haïkaï. Kassan-jo»

dans Gilberte Hla-Dorge, « Une Poétesse japonaise au XVIIIᵉ siècle : Kaga no Tchiyo-jo » (éd. G.-P. Maisonneuve, Paris), p. 63-68

dans Gil­berte Hla-Dorge, «Une Poé­tesse ja­po­naise au XVIIIe siècle : Kaga no Tchiyo-jo» (éd. G.-P. Mai­son­neuve, Pa­ris), p. 63-68

Il s’agit de Kas­san-jo 1, poé­tesse ja­po­naise (XIXe siècle) dont le nom réel est Fou­rou­kawa Mat­sou 2. On ne connaît guère sa bio­gra­phie, si­non qu’elle com­po­sait déjà des haï­kus à l’âge de dix-sept ans, et qu’elle mou­rut à l’âge de vingt-deux ans. Un re­cueil de ses poé­sies, in­ti­tulé «Ha­ghi Da­rani» 3, fut pu­blié, à titre post­hume, par les soins de son mari, Yo­koyama Man­kyoû 4. On trouve, dans cet ou­vrage, une pré­face que Kas­san-jo écri­vit de sa main, et qui ré­vèle tout le charme de son ca­rac­tère : «En quit­tant le toit pa­ter­nel, je suis en­trée dans la mai­son de mon époux, et de­puis, maintes veillées d’hiver se sont écou­lées… Sem­blable aux pe­tites fleurs rouges de “ha­ghi” 5, dis­pa­rues pen­dant la mau­vaise sai­son et re­ve­nues avec les beaux jours, tout na­tu­rel­le­ment, pen­dant des an­nées et des an­nées, j’ai pra­ti­qué les ver­tus fé­mi­nines. Ainsi, comme les saules qui poussent au bord de la ri­vière, j’ai do­ci­le­ment suivi les conseils de mon mari. J’ai déjà donné le jour à trois en­fants [beaux comme des œillets]; ces jeunes plantes conti­nuent à gran­dir, je dois veiller sur elles : il ne me reste, pour ainsi dire, pas un brin de loi­sir. Néan­moins, en dé­pit de mes la­bo­rieuses oc­cu­pa­tions, je me laisse par­fois émou­voir par la beauté des fleurs et le chant des oi­seaux. Alors je broie mon cœur, afin de pro­duire aussi des poé­sies. Il m’est déjà ar­rivé d’en com­po­ser plus de deux ou trois rou­leaux»

  1. En ja­po­nais 花讃女. Par­fois trans­crit Ka­same. Haut
  2. En ja­po­nais 古川松. Haut
  3. «萩陀羅尼». Par­fois trans­crit «Hagi Da­rani». Haut
  1. En ja­po­nais 横山万旧. Haut
  2. Sorte de sain­foin géant. Haut

«Les Poétesses de haïkaï. Shoûshiki-jo»

dans Gilberte Hla-Dorge, « Une Poétesse japonaise au XVIIIᵉ siècle : Kaga no Tchiyo-jo » (éd. G.-P. Maisonneuve, Paris), p. 59-63

dans Gil­berte Hla-Dorge, «Une Poé­tesse ja­po­naise au XVIIIe siècle : Kaga no Tchiyo-jo» (éd. G.-P. Mai­son­neuve, Pa­ris), p. 59-63

Il s’agit d’Ogawa Aki 1, poé­tesse ja­po­naise (XVIIe-XVIIIe siècle), plus connue sous le sur­nom de Shû­shiki-jo 2Mademoiselle-couleur-d’automne»). On ra­conte qu’au jour de sa trei­zième an­née, in­vi­tée par la voix des oi­seaux et ac­com­pa­gnée par son père, Ogawa Aki s’en fut contem­pler les ce­ri­siers en fleurs à Ueno 3. Au temple Fu­mon-in, der­rière le sanc­tuaire de la déesse Kwan­non, il y avait un vieux ce­ri­sier aux branches pen­dantes, tout près d’un puits. Sous ses frais om­brages, des pro­me­neurs cir­cu­laient, cha­cun avec une gourde de saké à la cein­ture. Le père, qui sa­vait sa fille ha­bile à com­po­ser des haï­kus, lui dit : «N’as-tu pas en­core com­posé une poé­sie? — Si, mon père», lui ré­pon­dit-elle 4, «mais ce n’est qu’une mo­deste phrase qui vient de naître en mon cœur. — Par­fait! Écris-la donc sans tar­der». La fillette écri­vit son haïku sur une bande de pa­pier qu’elle sus­pen­dit, se­lon la cou­tume, à l’une des branches de l’arbre. Elle y di­sait :

«Ah! quel dan­ger court
Le ce­ri­sier voi­sin du puits.
L’ivresse du saké
»

  1. En ja­po­nais 小川秋. Haut
  2. En ja­po­nais 秋色女. Au­tre­fois trans­crit Shoû­shiki-jo. On ren­contre aussi la gra­phie Ogawa Shû­shiki (小川秋色). Haut
  1. En ja­po­nais 上野. Au­tre­fois trans­crit Ouéno. Haut
  2. Dans Fu­ku­jirô Wa­kat­suki, «Le Ja­pon tra­di­tion­nel», p. 105. Haut