Il s’agit de « Cinq-Mars » d’Alfred de Vigny, poète français à la destinée assez triste. Seul — ou presque seul — de tous les romantiques, il n’a pas fait école. On ne l’a pas suivi dans ses démarches littéraires. On l’a remarqué sans en rien dire à personne, sans qu’au surplus il s’en plaignît lui-même. Il était né cinq ans avant Victor Hugo, sept ans après Lamartine. Mais tandis que les noms de ces deux géants remplissaient toutes les bouches, ce n’étaient pas ses « Poésies », mais un assez mauvais drame — « Chatterton » en 1835 — qui tirait ce poète, pour quelques jours à peine, de sa retraite un peu mystérieuse, de sa sainte solitude où il rentrait aussitôt. À quoi cela tient-il ? À ses défauts d’abord, dont il faut convenir. Souvent, ses productions manquent de forte couleur et de relief. Aucune n’est avortée, mais presque toutes sont languissantes et maladives. Leur étiolement, comme celui de toutes les générations difficiles en vase clos, vient de ce qu’elles ont séjourné trop longtemps dans l’esprit de leur auteur. Il ne les a créées qu’en s’isolant complètement dans son silence, comme dans une tour inaccessible : « [Ses] poésies sont nées, non comme naissent les belles choses vivantes — par une chaude génération, mais comme naissent les… choses précieuses et froides, les perles, les coraux… avec lesquels elles ont de l’affinité — par agglutination, cohésion lente, invisible condensation », déclare un critique1. « L’exécution de Vigny souvent brillante et toujours élégante n’a pas moins quelque chose d’habituellement pénible et de laborieux… Et d’une manière générale, jusque dans ses plus belles pièces, jusque dans “Éloa”, jusque dans “La Maison du berger”, sa liberté de poète est perpétuellement entravée par je ne sais quelle hésitation ou quelle impuissance d’artiste », ajoute un autre critique2. Cependant, cette hésitation est le fait d’un homme qui se posait les questions supérieures et qui éprouvait la vie. Et quelle que fût la portée — ou médiocre ou élevée — de son esprit, cet esprit vivait au moins dans les hautes régions de la pensée : « Pauvres faibles que nous sommes, perdus par le torrent des pensées et nous accrochant à toutes les branches pour prendre quelques points [d’appui] dans le vide qui nous enveloppe ! », dit-il3. Et aussi : « J’allume mes bougies et j’écris, mes yeux en sont brûlés. Je les éteins ; reviennent les souvenirs… ; et les larmes, que j’ai la force de cacher aux vivants dans la journée, reprennent leur cours. Enfin arrive la lumière du jour »4.
« et les larmes, que j’ai la force de cacher aux vivants dans la journée, reprennent leur cours »
Voici un passage qui donnera une idée du style de « Cinq-Mars » : « Cependant, Cinq-Mars, au milieu de la mêlée que son emportement avait provoquée, s’était senti saisir le bras gauche par une main aussi dure que le fer, qui, le tirant de la foule jusqu’au bas des degrés, le jeta derrière le mur de l’église et lui fit voir la figure noire du vieux Grandchamp, qui dit d’une voix brusque : “Monsieur, ce n’était rien que d’attaquer trente mousquetaires dans un bois à Chaumont, parce que nous étions à quelques pas de vous sans que vous l’ayez su, que nous vous aurions aidé au besoin, et que d’ailleurs vous aviez affaire à des gens d’honneur ; mais ici, c’est différent. Voici vos chevaux et vos gens au bout de la rue : je vous prie de monter à cheval et de sortir de la ville…” »5
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- Ferdinand Brunetière, « Alfred de Vigny » dans « L’Évolution de la poésie lyrique en France au XIXe siècle : leçons professées à la Sorbonne. Tome II » (XIXe siècle), p. 1-37 [Source : Canadiana]
- Émile Faguet, « Alfred de Vigny » dans « Dix-neuvième Siècle. Études littéraires » (XIXe siècle), p. 127-152 [Source : Google Livres]
- Émile Montégut, « Alfred de Vigny » dans « Nos Morts contemporains. Tome I » (XIXe siècle), p. 321-379 [Source : Bibliothèque nationale de France].