Il s’agit du recueil biographique « Tachawwuf ilâ rijâl al-Tas’awwuf »1 (« Regard sur le temps des soufis ») d’Ibn al-Zayyât al-Tâdilî2, homme de lettres et juriste marocain, connu et estimé en tant qu’hagiographe. Il semble qu’il ait été considéré, de son vivant, comme l’un de ces pieux personnages (ou soufis) dont il a justement recherché les biographies. Les deux cent soixante-dix-sept notices qu’il a réunies dans son « Tachawwuf » sont destinées à prouver que le Maroc, non moins que le Proche-Orient, a fourni des hommes et des femmes à la sainteté. Achevée en l’an 1221 apr. J.-C., sa compilation est, avec le « Minhâdj aṭ-ṭâlibîn », la source la plus ancienne sur l’histoire religieuse du Maroc. C’est un travail d’esquisse, fruste et primitif, auquel manque la troisième dimension, mais qui permet tout de même un aperçu extrêmement précieux des saints, en majorité berbères, qui ont vécu ou séjourné dans le Sud marocain au XIe, XIIe et XIIIe siècle apr. J.-C. « L’art d’hagiographe de ce bon lettré patriote consiste à réduire à quelques lignes très simples le caractère des saints », dit M. Adolphe Faure3. « Le genre anecdotique dans le goût arabe se prête admirablement à cette simplification. Presque toujours concis, parfois ramassés à l’extrême, les traits se suivent, se juxtaposent sans transition. » Ibn al-Zayyât aurait écrit un second recueil biographique s’étendant aux saints du Nord marocain, mais dont il ne nous reste que le titre. Comme lettré, on lui attribue un commentaire des « Séances » de Harîrî, lui aussi perdu, dont les auteurs anciens parlent avec admiration.
le Maroc, non moins que le Proche-Orient, a fourni des hommes et des femmes à la sainteté
Voici un passage qui donnera une idée de la manière d’Ibn al-Zayyât : « Abû ‘abd Allâh al-As’amm, de Sijilmassa, était parmi les plus grands soufis… On intrigua contre [lui et son beau-frère] et on excita contre eux Tachfîn ibn ‘alî, qui ordonna de les faire venir à la ville de Fès où ils furent mis en prison. Quand venait le temps de la prière, les chaînes d’Abû ‘abd Allâh al-As’amm tombaient de ses pieds, il sortait de la prison, et personne ne le voyait jusqu’à ce qu’il ait prié avec la foule ; puis il revenait à la prison. Son beau-frère lui remettait les fers aux pieds et lui disait : “Tu veux que nous périssions à cause de toi !” Puis il apparut au Sultan qu’il était innocent de ce qu’on imputait à lui et à ses compagnons, et il les relâcha. »4.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Adolphe Faure, « Ibn al-Zayyāt » dans « Encyclopédie de l’islam » (éd. E. J. Brill, Leyde)
- Adolphe Faure, « Le “Tašawwuf” et l’École ascétique marocaine du XIe, XIIe, XIIIe siècle de l’ère chrétienne » dans « Mélanges Louis Massignon. Tome II » (éd. Institut français de Damas, Beyrouth-Damas), p. 119-131.