Icône Mot-clefAbdelwahab Meddeb

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

Saigyô, « Vers le Vide : poèmes »

éd. A. Michel, Paris

éd. A. Mi­chel, Pa­ris

Il s’agit de Satô No­ri­kiyo 1, poète et moine très cher au (XIIe siècle apr. J.-C.), plus connu sous le sur­nom de Sai­gyô 2al­lant au Pa­ra­dis de l’Ouest»). Issu d’une mi­li­taire, à l’âge de vingt-deux ans, Sai­gyô re­nonça au siècle, aban­donna sa fa­mille, et quitta ses fonc­tions au pour la que voici : Un jour, à l’heure où le s’inclinait, il était sorti avec un de ses amis in­times, du nom de No­riyasu, Of­fi­cier de la Garde des Portes. En che­min, No­riyasu dé­clara ceci : «Ces der­niers , je ne sais pour­quoi, j’ai le sen­ti­ment que toute chose n’est que songe et illu­sion, et si ce jourd’hui je suis en , je n’ose es­pé­rer l’être de­main en­core. Las, quel pour­rait être mon re­cours? Mon plus cher se­rait de quit­ter ma mai­son, de chan­ger mon état et d’aller vivre en quelque mon­tagne écar­tée!» 3 En en­ten­dant ce dis­cours pro­noncé avec les ac­cents de la , Sai­gyô se de­manda, le cœur do­lent, pour quelle rai­son son ami par­lait de la sorte; et le ma­tin sui­vant, comme il al­lait prendre de ses nou­velles, il trouva, près du por­tail, une foule de gens fort agi­tés, et à l’intérieur, de même, l’on en­ten­dait des de gens qui cla­maient leur ; in­quiet, il hâta le pas, se de­man­dant ce qui se pas­sait : «Mon­sei­gneur, cette , est dans son som­meil!» 4, lui dit-on, et il aper­çut l’épouse et la mère de No­riyasu, éten­dues face contre , l’une aux pieds, l’autre au che­vet du dé­funt, abî­mées dans les larmes. À cette vue, tour­nant le dos au , Sai­gyô en­tra en pour pé­ré­gri­ner à tra­vers le pays en­tier de pro­vince en pro­vince, de mo­nas­tère en mo­nas­tère; puis, pen­sant avoir trouvé dans les de l’Ouest le lieu pro­pice à un se­cret er­mi­tage où se li­vrer aux pra­tiques de la Voie du , il y construi­sit une hutte de bran­chage où, après avoir mené une vie so­li­taire dans un dé­pouille­ment ex­trême de toutes choses, il mou­rut très sain­te­ment.

  1. En ja­po­nais 佐藤義清. Au­tre­fois trans­crit Satô Yo­shi­kiyo. Icône Haut
  2. En ja­po­nais 西行. Au­tre­fois trans­crit Saï­ghyô. Icône Haut
  1. «La Lé­gende de Saï­gyô», p. 22. Icône Haut
  2. id. p. 23. Icône Haut

Bâyazîd, « Les Dits, “Shatahât” »

éd. Fayard, coll. L’Espace intérieur, Paris

éd. Fayard, coll. L’ in­té­rieur, Pa­ris

Il s’agit des «Dits ex­ta­tiques» («Sha­ta­hât» 1) de Bâyazîd Bis­tâmî 2, l’un des pre­miers de la , et aussi l’un des plus cé­lèbres (IXe siècle apr. J.-C.). Cet so­li­taire at­tei­gnit le plus haut de­gré du , c’est-à-dire l’ avec , au point qu’il di­sait être de­venu Dieu Lui-même : «Je me suis dé­pouillé de mon “” comme la vi­père de sa peau. Puis je me suis é : j’étais Lui» 3. Et plus loin : «Louange à moi, louange à moi! je suis [le] Sei­gneur Très-Haut» 4Sub­hânî, sub­hânî! mâ a’zam sha’nî» 5). Ces pa­roles au­da­cieuses, qu’il faut prendre au sens al­lé­go­rique, faillirent lui coû­ter la ; elles coû­te­ront celle de Hal­lâj. Un maître soufi et un contem­po­rain de Bâyazîd, Ju­nayd Bagh­dâdî, les tra­duira en , dans la­quelle elles sont par­ve­nues jusqu’à nous. La du dé­pouille­ment se ma­ni­fes­tait chez Bâyazîd par le re­non­ce­ment au et par la su­bli­ma­tion des actes spi­ri­tuels tels que la . Chaque fois qu’il sou­hai­tait mé­di­ter, Bâyazîd s’enfermait dans sa mai­son et en bou­chait tous les ori­fices, pour qu’aucun bruit n’y pé­né­trât. Si, mal­gré tout, quelque cu­rieux frap­pait à sa porte, il criait : «Qui cherches-tu? — Bâyazîd Bis­tâmî. — Mon en­fant, Bâyazîd Bis­tâmî cherche Bâyazîd Bis­tâmî de­puis qua­rante ans» 6. Comme on ne le voyait ja­mais aux cé­ré­mo­nies ni aux ré­cep­tions, on le lui re­pro­cha : «Ja­dis, les ren­daient vi­site aux ma­lades, as­sis­taient aux fu­né­railles et al­laient pré­sen­ter leurs condo­léances». À quoi il ré­pon­dit : «Ils agis­saient ainsi gui­dés par leur ; ils ne sont pas comme moi qui suis dé­pos­sédé de ma rai­son» 7. On lui de­manda d’où lui ve­nait l’état de , dans le­quel il se trou­vait : «J’ai ras­sem­blé toutes les né­ces­si­tés de la vie, je les ai fa­go­tées avec la corde du conten­te­ment… et je les ai lan­cées dans l’océan du déses­poir. Alors, je fus sou­lagé»

  1. En arabe «شطحات». Par­fois trans­crit «Šaṭaḥāt» ou «Cha­ta­hât». Icône Haut
  2. En بایزید بسطامی. Au­tre­fois trans­crit Baei­zeed Bas­tamy, Baya­zid Bus­tami, Bayé­zid Bis­thâmî, Báya­zyd Bistámy, Baye­zid-Bes­tamy ou Bāyazīd Besṭāmī. En arabe Abû Yazîd Bis­tâmî (أبو يزيد البسطامي). Au­tre­fois trans­crit Abu Ie­zid al Bas­thami, Abu Ya­zid al Bas­tami, Abou-Ye­zid-al-Bos­tami ou Abû-Jezîd el-Bes­thâmî. Icône Haut
  3. p. 59. Icône Haut
  4. p. 44. Icône Haut
  1. En arabe «سبحاني سبحاني ما أعظم شأني». Icône Haut
  2. p. 40. Icône Haut
  3. p. 89. Icône Haut