Bâyazîd, « Les Dits, “Shatahât” »

éd. Fayard, coll. L’Espace intérieur, Paris

éd. Fayard, coll. L’ in­té­rieur, Pa­ris

Il s’agit des «Dits ex­ta­tiques» («Sha­ta­hât» 1) de Bâyazîd Bis­tâmî 2, l’un des pre­miers de la , et aussi l’un des plus cé­lèbres (IXe siècle apr. J.-C.). Cet so­li­taire at­tei­gnit le plus haut de­gré du , c’est-à-dire l’ avec , au point qu’il di­sait être de­venu Dieu Lui-même : «Je me suis dé­pouillé de mon “” comme la vi­père de sa peau. Puis je me suis é : j’étais Lui» 3. Et plus loin : «Louange à moi, louange à moi! je suis [le] Sei­gneur Très-Haut» 4Sub­hânî, sub­hânî! mâ a’zam sha’nî» 5). Ces pa­roles au­da­cieuses, qu’il faut prendre au sens al­lé­go­rique, faillirent lui coû­ter la ; elles coû­te­ront celle de Hal­lâj. Un maître soufi et un contem­po­rain de Bâyazîd, Ju­nayd Bagh­dâdî, les tra­duira en , dans la­quelle elles sont par­ve­nues jusqu’à nous. La du dé­pouille­ment se ma­ni­fes­tait chez Bâyazîd par le re­non­ce­ment au et par la su­bli­ma­tion des actes spi­ri­tuels tels que la . Chaque fois qu’il sou­hai­tait mé­di­ter, Bâyazîd s’enfermait dans sa mai­son et en bou­chait tous les ori­fices, pour qu’aucun bruit n’y pé­né­trât. Si, mal­gré tout, quelque cu­rieux frap­pait à sa porte, il criait : «Qui cherches-tu? — Bâyazîd Bis­tâmî. — Mon en­fant, Bâyazîd Bis­tâmî cherche Bâyazîd Bis­tâmî de­puis qua­rante ans» 6. Comme on ne le voyait ja­mais aux cé­ré­mo­nies ni aux ré­cep­tions, on le lui re­pro­cha : «Ja­dis, les ren­daient vi­site aux ma­lades, as­sis­taient aux fu­né­railles et al­laient pré­sen­ter leurs condo­léances». À quoi il ré­pon­dit : «Ils agis­saient ainsi gui­dés par leur ; ils ne sont pas comme moi qui suis dé­pos­sédé de ma rai­son» 7. On lui de­manda d’où lui ve­nait l’état de , dans le­quel il se trou­vait : «J’ai ras­sem­blé toutes les né­ces­si­tés de la vie, je les ai fa­go­tées avec la corde du conten­te­ment… et je les ai lan­cées dans l’océan du déses­poir. Alors, je fus sou­lagé» 8.

Cet homme so­li­taire at­tei­gnit le plus haut de­gré du sou­fisme

«Bâyazîd», dit un phi­lo­sophe 9, «ty­pi­fie l’, pous­sée à l’extrême li­mite, de l’unification entre la créa­ture et son Créa­teur. Il ex­prime la pure d’, réa­li­sant l’unification par­faite entre le vas­sal et le Su­ze­rain di­vin. [Son] cri “Louange à moi, louange à moi! je suis [le] Sei­gneur Très-Haut” qui se­rait aux oreilles du pieux lit­té­ra­liste un pur blas­phème ex­prime, tel un , qu’il n’est plus rien qui sub­siste dans le “moi” de Bâyazîd, si­non le su­jet de l’Impératif di­vin. L’usage de la pre­mière per­sonne énonce la pré­sence du Créa­teur dans la créa­ture qui s’est dé­pouillée de toute ap­pa­rence d’une sé­pa­rée de celle de Dieu.»

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  1. En arabe «شطحات». Par­fois trans­crit «Šaṭaḥāt» ou «Cha­ta­hât». Icône Haut
  2. En بایزید بسطامی. Au­tre­fois trans­crit Baei­zeed Bas­tamy, Baya­zid Bus­tami, Bayé­zid Bis­thâmî, Báya­zyd Bistámy, Baye­zid-Bes­tamy ou Bāyazīd Besṭāmī. En arabe Abû Yazîd Bis­tâmî (أبو يزيد البسطامي). Au­tre­fois trans­crit Abu Ie­zid al Bas­thami, Abu Ya­zid al Bas­tami, Abou-Ye­zid-al-Bos­tami ou Abû-Jezîd el-Bes­thâmî. Icône Haut
  3. p. 59. Icône Haut
  4. p. 44. Icône Haut
  5. En arabe «سبحاني سبحاني ما أعظم شأني». Icône Haut
  1. p. 40. Icône Haut
  2. p. 89. Icône Haut
  3. p. 42. Icône Haut
  4. M. Chris­tian Jam­bet. Icône Haut