Icône Mot-clefpoésie érotique sanscrite

su­jet

Bilhaṇa, « Stances des amours d’un voleur »

éd. Fata Morgana, coll. Les Immémoriaux, Saint-Clément-de-Rivière

éd. Fata Mor­gana, coll. Les Im­mé­mo­riaux, Saint-Clé­ment-de-Ri­vière

Il s’agit des «Cin­quante Stances des amours du vo­leur» («Cau­rî­su­ra­ta­pañ­câśikâ» 1), plus connues sous le titre abrégé des «Cin­quante Stances du vo­leur» («Cau­ra­pañ­câśikâ» 2) de Bilhaṇa 3. Ce poète hin­dou (XIe siècle apr. J.-C.), chargé d’instruire une jeune prin­cesse, se laissa vaincre par les charmes de sa royale élève; après plu­sieurs jours de vo­lup­tés clan­des­tines, les deux amants furent tra­his, dé­non­cés et sur­pris par le roi qui condamna à la l’instituteur trop sen­sible. Avant de su­bir son châ­ti­ment, le cou­pable chanta, dans une cin­quan­taine de stances, les ap­pas de sa maî­tresse et les sou­ve­nirs de son  :

«Aujourd’hui en­core,
Mon es­prit tremble quand je songe
Comme il me fut in­ter­dit de dire tout ce que, pour , elle fit,
Alors que m’entraînaient loin du royal
Des sbires im­pla­cables et ter­ri­fiants, pa­reils aux émis­saires de Yama 4
» 5.

Ému par la beauté de ces poé­sies (que le poète au­rait dé­cla­mées tout en mon­tant sur l’échafaud, à d’une par marche!), le roi se laissa in­flé­chir et ac­corda au condamné la main de sa fille. Telle est la lé­gende prin­ci­pale qui ac­com­pagne, dans les , le texte des «Cin­quante Stances du vo­leur». Mais là s’arrêtent les traits com­muns. Le nom du hé­ros de l’aventure — tan­tôt Bilhaṇa, tan­tôt Caura («le vo­leur») — les dé­tails du ré­cit, le nombre des stances, le texte en­fin de ces stances sont mo­di­fiés, al­té­rés et trans­for­més d’une re­cen­sion à l’autre. Ainsi, les ma­nus­crits dits du Nord et ceux dits du Sud-Ouest n’ont en com­mun que quatre ou cinq stances.

  1. En «चौरीसुरतपञ्चाशिका». Au­tre­fois trans­crit «Chauri su­rata pan­cha­sika» ou «Chauri Su­ra­ta­pan­cha­shika». Icône Haut
  2. En sans­crit «चौरपञ्चाशिका». Au­tre­fois trans­crit «Tchâu­ra­pant­châ­çikâ», «Tchâaura pant­cha­çika», «Tschau­ra­pant­scha­sika», «Co­ra­pañcāśikā», «Chaura pan­cha­sika», «Chaura-pan­chā­çikā» ou «Chau­ra­pan­cha­shika». Outre cette ap­pel­la­tion com­mu­né­ment em­ployée, les «Cin­quante Stances du vo­leur» portent en­core di­vers titres, se­lon les édi­tions, tels que : «बिल्हणपञ्चाशिका» («Bilhaṇapañcâśikâ»), c’est-à-dire les «Cin­quante Stances de Bilhaṇa», ou «चौरशतक» («Cau­raśa­taka»), c’est-à-dire «La Cen­tu­rie du vo­leur» sur le mo­dèle de «La Cen­tu­rie d’Amaru». Icône Haut
  3. En sans­crit बिल्हण. Au­tre­fois trans­crit Bil­han. Icône Haut
  1. Yama est en même le des en­fers et le juge des morts. Icône Haut
  2. p. 47. Icône Haut

Amaru, « Anthologie érotique »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du re­cueil que les Hin­dous ap­pellent «La Cen­tu­rie d’Amaru» («Ama­ruśa­taka» 1). On at­tri­bue au roi Amaru 2, un roi mys­té­rieux et dif­fi­ci­le­ment iden­ti­fiable du Ca­che­mire (VIIe siècle apr. J.-C.), cette cen­taine de stances sen­suelles et tendres qui semblent au­tant d’étincelles jaillies du flam­beau même de l’. Les plai­sirs amou­reux, avec aussi leurs que­relles et bou­de­ries, sui­vies de ré­con­ci­lia­tions ra­pides, voilà les thèmes ha­bi­tuels de cette qui sou­tien­drait, sans trop de désa­van­tage, le pa­ral­lèle avec le plus sin­cère et le plus par­fait des ly­riques la­tins : Ca­tulle. Les cri­tiques hin­dous en gé­né­ral et Ânan­da­vard­hana 3 en par­ti­cu­lier exaltent l’habileté ex­cep­tion­nelle avec la­quelle Amaru a concen­tré, dans chaque strophe, des beau­tés dignes de poèmes bien plus longs, ainsi que l’émotion sym­pa­thique et vi­brante avec la­quelle il a re­pré­senté des ta­bleaux, des at­ti­tudes, des mo­ments pi­quants ou at­ten­dris­sants dans les entre l’ et la femme. Il existe à ce su­jet une lé­gende : l’ d’Amaru, par une ac­tion ma­gique («par le pou­voir du yoga»), se se­rait lo­gée dans le de cent , et ce se­rait dans ces trans­mi­gra­tions qu’il au­rait été ini­tié à tous les mys­tères de l’Amour. Cette lé­gende agréable prouve, du moins, le grand cas que ses com­pa­triotes font de ses poé­sies, et la avec la­quelle il a su rendre toutes les nuances d’une pas­sion qui, à ce qu’il pa­raît, est aussi vi­ve­ment sen­tie sur les bords du Gange, que sur ceux de la Seine : «Ce­lui qui n’a pas lu “La Cen­tu­rie” d’Amaru», dit Louis Énault 4, «ne connaît pas toute la ; un côté cu­rieux, une face pro­fon­dé­ment ori­gi­nale de la hin­doue lui aura tou­jours échappé. Je ne pré­tends point que “La Cen­tu­rie” ait l’importance poé­tique du “Râmâyaṇa”, la por­tée re­li­gieuse des Vé­das, ou le grand in­té­rêt his­to­rique du “Ma­hâb­hâ­rata”. Ce se­rait beau­coup trop dire. Mais Amaru nous fait pé­né­trer dans une Inde , dont nous n’avions pas même le soup­çon : l’Inde char­mante, vive, spi­ri­tuelle, vo­lup­tueuse et pas­sion­née. Amaru, ce n’est plus le brah­mane ab­sorbé dans la de … c’est un homme!… Aussi, parce qu’il parle le que com­prennent tous ceux que la pas­sion a ra­va­gés, ou seule­ment ef­fleu­rés… il est lu avec un égal plai­sir sur les rives de la Seine ou sur les bords du Gange, à l’ombre des pa­godes de Delhi ou dans un bou­doir pa­ri­sien».

  1. En «अमरुशतक». Au­tre­fois trans­crit «Ama­ru­ça­taka» ou «Amaru Sha­taka». Icône Haut
  2. En sans­crit अमरु. Par­fois trans­crit Ama­rou. Icône Haut
  1. En sans­crit आनन्दवर्धन. Icône Haut
  2. « de la lit­té­ra­ture des Hin­dous», p. 60-61. Icône Haut