« Les Minnesingers. Walther von der Vogelweide (1190-1240) »
Il s’agit de « Sous les tilleuls… » (« Under der linden… »*), « Hélas ! Comme toutes mes années se sont évaporées »** (« Owê ! War sint verswunden alliu mîniu jâr ») et autres chants de Walther von der Vogelweide, dit Walther de la Vogelweide, le premier grand poète de langue allemande. « Qu’avez-vous fait », demanda-t-on une fois à Henri Heine***, « le premier jour de votre arrivée à Paris ? Quelle fut votre première course ? » On s’attendait à l’entendre nommer la place de la Concorde ou le Panthéon. « Tout de suite après mon arrivée », répondit Heine, « j’étais allé à la Bibliothèque royale (l’actuelle Bibliothèque nationale de France) et je m’étais fait montrer par le conservateur le manuscrit des “Minnesingers”… Et c’est vrai : depuis des années, je désirais voir de mes yeux les chères feuilles qui nous ont conservé les poésies de Walther de la Vogelweide, le plus grand lyrique allemand. » À la fin du XIIe siècle, Vienne, ville aux confins et marche de l’Est, était devenue le centre culturel de l’aire germanique. Elle attira les minnesingers (chantres d’amour) les plus fameux de l’époque, dont l’Alsacien Reinmar de Haguenau, qui professa le modèle français de la poésie courtoise. C’est sous sa direction que Vogelweide fit son apprentissage de chantre et de poète. Il surpassa vite tous ses contemporains, même Reinmar, et c’est merveille de voir à quel point, entre ses mains habiles, le vieux haut-allemand s’assouplit et se radoucit. Cependant, malgré ses services et sa noblesse, Vogelweide était pauvre, et à la mort du duc Frédéric Ier d’Autriche, il resta sans protecteur. Il dut se résoudre à quitter Vienne et à mener une existence vagabonde. Cette date marque un tournant dans la littérature allemande. Au contact des gens itinérants et des chants populaires, Vogelweide étendit la forme du « minnelied » (« chanson d’amour ») à l’amour de la patrie, de la beauté, aux réflexions morales, aux sentiments plus personnels et plus villageois aussi, les jeunes paysannes remplaçant les châtelaines : « De l’Elbe jusqu’au Rhin », dit-il****, « et de là jusqu’aux frontières de Hongrie, se rencontrent bien les meilleures que j’aie vues… Si j’ai bon œil et bon jugement pour la beauté, pour la grâce, de par Dieu, je jurerais bien que chez nous les simples femmes valent mieux qu’ailleurs les grandes dames… Vertus et amour… que celui qui est à votre recherche vienne dans notre pays… Oh ! que je puisse y couler de longs jours ».