Wang Fu, «Dialogue du thé et du vin»

éd. Berg international, Paris

éd. Berg in­ter­na­tio­nal, Pa­ris

Il s’agit du «Dia­logue du thé et du vin» 1Cha jiu lun» 2). Sous la dy­nas­tie des Tang 3, le thé, ayant reçu l’onction du clergé boud­dhique, de­vient un concur­rent re­dou­table du vin, le­quel était tra­di­tion­nel­le­ment vé­néré par les let­trés. Dans une joute ora­toire fic­tive, tra­cée par la plume d’un cer­tain Wang Fu 4 (Xe siècle apr. J.-C.), ces deux breu­vages se trouvent dé­sor­mais per­son­ni­fiés et op­po­sés, à la fa­çon des ani­maux de nos fables, cha­cun rap­pe­lant ses ver­tus, ses char­mantes qua­li­tés, et fai­sant va­loir sa sa­veur in­dé­niable. Leur af­fron­te­ment, loin des sé­rieux trai­tés sur l’art du thé, donne lieu à des ar­gu­ments dé­fen­dus avec hu­mour. Ceux du vin : «Moi, je vis avec l’aristocratie : les man­da­rins ont tou­jours en­vie de moi. Il m’est ar­rivé de faire jouer de la ci­thare au sou­ve­rain de Zhao, et j’ai poussé le roi de Qin à jouer du tam­bour. Qui se met à chan­ter rien qu’avec du thé?» 5 Et ceux du thé : «Moi, “cha”, je suis la plante su­pé­rieure, tan­tôt blanc comme jade, tan­tôt cou­leur d’or. Dans leur quête spi­ri­tuelle, les plus vé­né­rables moines, les boud­dhistes les plus sa­vants vivent dé­ta­chés du monde : boire le thé leur ap­porte la lu­ci­dité dans la conver­sa­tion et éloigne d’eux le som­meil. C’est moi qu’on offre au Boud­dha…» 6 Au plus fort de la dis­pute sur­git un troi­sième lar­ron, dont ni le thé ni le vin ne peuvent se pas­ser, et qui met les deux d’accord. Je vous laisse dé­cou­vrir de qui il s’agit. Ha­sard ou des­ti­née, ce vieux «Dia­logue du thé et du vin» fait par­tie des ma­nus­crits dé­cou­verts en 1908 par le si­no­logue fran­çais Paul Pel­liot dans les grottes de Dun­huang. De­puis, il a re­pris une ac­tua­lité nou­velle. Il a été cité par M. le pré­sident Xi Jin­ping, lors de ses dé­pla­ce­ments dans les pays fran­co­phones, pour évo­quer l’histoire qua­si­ment pa­ral­lèle, al­lant des ter­roirs aux ri­tuels de dé­gus­ta­tion, entre vins fran­çais et thés chi­nois : «La ré­serve sobre du thé et la cha­leur sans en­trave du vin», a dit M. le pré­sident 7, «re­pré­sentent deux ma­nières dif­fé­rentes de sa­vou­rer la vie et de dé­chif­frer le monde». Il existe des routes des thés en Chine, comme il existe des routes des vins en France et au Qué­bec.

«Ces deux breu­vages ex­tra­or­di­naires ont plus de points com­muns qu’on ne se l’imagine»

«Un thé se per­çoit comme un grand cru. Les termes pour l’évoquer sont les mêmes que pour le vin. Ces deux breu­vages ex­tra­or­di­naires ont plus de points com­muns qu’on ne se l’imagine», a dit M. Guy Udriot 8. Ils par­tagent tant de points com­muns qu’ils ont été réunis ré­cem­ment dans une même ex­po­si­tion, «Le Thé et le Vin : une pas­sion par­ta­gée», qui s’est te­nue à la mai­son Yi­shu 8, l’ancienne Uni­ver­sité franco-chi­noise de Pé­kin. Et l’une des plus belles pièces de cette ex­po­si­tion, outre le «Dia­logue», était un oreiller en cé­ra­mique, d’époque Song du Nord, por­tant cette ins­crip­tion bien conve­nable à la mé­di­ta­tion : «Pour chas­ser la mé­lan­co­lie, rien de meilleur que le vin; pour dé­truire les illu­sions, rien n’égale le thé» 9.

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  1. Par­fois tra­duit «Dis­cus­sion entre le thé et le vin» ou «La Dis­pute du thé et du vin». Haut
  2. En chi­nois «茶酒論». Haut
  3. De l’an 618 à l’an 907. Haut
  4. En chi­nois 王敷. Haut
  5. p. 29-30. Haut
  1. p. 28-29. Haut
  2. Dans «Le Thé et le Vin vus par les ar­tistes», p. 4. Haut
  3. Dans France Massy, «Swiss Dojo Saillon : un dia­logue entre le thé et le vin ar­bi­tré par la grande gas­tro­no­mie». Haut
  4. En chi­nois «去愁除事酒,破夢直須茶». Haut