Il s’agit du « Voyage aux îles de la mer du Sud, en 1827 et 1828 » du capitaine Peter Dillon 1 et les recherches, couronnées de succès, qu’il fit sur l’île de Vanikoro pour trouver une trace des frégates de La Pérouse. Le nom de La Pérouse est bien célèbre, sinon au point de vue scientifique, du moins au point de vue dramatique, si j’ose dire. La Pérouse avait été envoyé par Louis XVI pour un voyage de circumnavigation ; le roi avait dessiné l’itinéraire de sa propre main. Et par un parallèle étrange, la tragique disparition du bourlingueur coïncida, à peu de mois près, avec l’effondrement de la monarchie. La Pérouse périt victime des flots ou des sauvages ; et Louis XVI — des tempêtes révolutionnaires. La légende veut qu’en montant sur l’échafaud le 21 janvier 1793, le roi ait demandé à ses bourreaux : « A-t-on des nouvelles de M. de La Pérouse ? » On sait aujourd’hui le lieu du naufrage des deux vaisseaux de l’expédition ; et c’est au capitaine Dillon, né en Martinique, qu’appartient l’honneur de cette découverte. Personne ne connaissait peut-être mieux les îles du Pacifique Sud et les coutumes des insulaires que ce capitaine chevronné qui, pendant plus de vingt années, avait navigué et trafiqué dans ces parages. Le 15 mai 1826, son navire de commerce, le Saint-Patrick, dans sa route de Valparaiso (Chili) à Calcutta (Inde), passa près de l’île de Tikopia, dans l’archipel des Salomon. Sur les pirogues qui vinrent l’accoster se trouvait le Prussien Martin Bushart 2 que le capitaine Dillon avait jadis déposé sur cette île, et qui lui montra, au quatrième ou cinquième verre de rhum, la poignée d’une épée qu’il avait achetée, une épée d’officier, sur laquelle étaient gravés des caractères. Interrogé à cet égard, Bushart répondit que cette épée provenait du naufrage de deux bâtiments, dont les débris existaient encore devant Vanikoro. De ce récit, le capitaine Dillon inféra que c’étaient les frégates de La Pérouse et persuada Bushart à l’accompagner dans son enquête. Arrivé à Calcutta, il fit part de ses soupçons dans une lettre qu’il soumit à l’appréciation du secrétaire en chef du gouvernement du Bengale, Charles Lushington. La voici 3 : « Monsieur, étant convaincu que vous êtes animé de l’esprit de philanthropie qui a toujours marqué la conduite du gouvernement britannique, je n’ai pas besoin d’excuse pour appeler votre attention sur certaines circonstances qui me paraissent relatives à l’infortuné navigateur français comte de La Pérouse, dont le sort est demeuré inconnu depuis près d’un demi-siècle… » La Compagnie des Indes orientales décida qu’un navire, le Research, irait enquêter sous les ordres du capitaine Dillon ; elle affecta mille roupies à l’achat des présents à faire aux indigènes et plaça à bord un diplomate français, Eugène Chaigneau, qui constaterait la découverte.
Le Research, après avoir relâché sur plusieurs points du Pacifique Sud, mouilla devant Vanikoro le 7 juillet 1827. Grâce à quelques cadeaux, le capitaine Dillon recueillit de nombreux restes du naufrage : des ustensiles de fer, des estropes de poulies, des boutons d’uniformes, des débris d’instruments d’astronomie, etc. L’un des objets les plus importants fut une grande cloche en bronze estampillée de cette légende : « Bazin m’a fait ». Le doute n’était plus permis. Il y avait effectivement à Nantes, avant la Révolution, un fondeur de cloches nommé Bazin dont l’atelier était réputé. Le capitaine Dillon, complétant ses renseignements, resta sur le lieu du sinistre jusqu’au mois d’octobre. Puis, il quitta Vanikoro, se dirigea vers la Nouvelle-Zélande, mouilla à Calcutta et se rendit en France, où il fut accueilli avec tous les honneurs par Charles X. « Le souverain déversa le contenu de sa corne d’abondance sur Peter Dillon qui vit ruisseler entre ses mains les 10 000 francs or promis, en 1791, par l’Assemblée nationale à [celui] qui éclaircirait sans discussion possible le mystère La Pérouse. Il bénéficiait également d’une pension annuelle de 4 000 francs ; et mieux encore, le roi lui octroya la croix de la Légion d’honneur avec le titre de noblesse qui lui était alors attaché. » 4 Dans le grand salon du Ministère de la Marine, toutes les vénérables reliques retrouvées à Vanikoro furent exposées. Ce jour-là, le capitaine Dillon achevait de parler de ses aventures quand, en descendant de l’estrade, un vieux monsieur de haute taille, croix de commandeur de la Légion d’honneur, demanda à voir de près la poignée de l’épée et s’approcha de la fenêtre. Tout le monde se tut. « Je crois », dit-il alors, « que cette poignée a été celle de mon épée », et les larmes lui montèrent aux yeux. Cet homme était Jean-Baptiste de Lesseps. La Pérouse l’avait détaché de l’expédition et envoyé par terre, à travers toute la Russie, du Kamtchatka en France, pour y porter les cartes et comptes rendus.
Personne ne connaissait peut-être mieux les îles du Pacifique Sud et les coutumes des insulaires
Voici un passage qui donnera une idée de la manière du capitaine Dillon : « Pendant que je trafiquais, M. Chaigneau était activement occupé à fouiller les maisons désertes. Il trouva dans l’une d’elles un sac contenant quelque chose d’assez volumineux. La curiosité le porta à ouvrir ce sac, et à sa grande surprise, il y trouva une tête de mort. On ne pouvait juger si c’était celle d’un Européen ou d’un naturel, quoique probablement elle eût appartenu à quelque infortuné marin. La marée ayant beaucoup baissé pendant que nous étions demeurés à terre, les canots dans lesquels étaient Rathea et Bushart se trouvaient à une trop grande distance du rivage pour que je pusse questionner, comme je le désirais, le chef du village au sujet de la découverte de M. Chaigneau » 5.
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- Édition de 1830. Tome II [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1830. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- « La Malédiction Lapérouse ; présenté par Dominique Le Brun » (éd. Omnibus, Paris)
- Grégoire Louis Domeny de Rienzi, « Océanie, ou Cinquième Partie du monde. Tome III » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Hans-Otto Meissner, « La Pérouse : le gentilhomme de la mer » (éd. Perrin, Paris).