Il s’agit des « Lettres de Turquie » (« Törökországi levelek ») de Clément Mikes 1, épistolier hongrois des Lumières. Né à Zagon, dans l’actuelle Roumanie, élève des jésuites, Mikes entra à l’âge de dix-sept ans au service du prince François II Rákóczi. Il gravit rapidement les échelons, aimant son maître au point qu’après l’échec de la guerre d’indépendance menée contre les Habsbourg, il l’accompagna dans son exil en Pologne, en France, en Bulgarie, mais surtout en Turquie. Pour divertir les ennuis de ses lointains séjours, il adressa à une tante qu’on n’a pu identifier, et qui est sans doute imaginaire, une série de « Lettres de Turquie ». Les détails sur l’insurrection de Rákóczi, le tableau de la vie des émigrés hongrois, les coutumes et mœurs des Empires de son temps — tout cela mêlé avec ses propres pensées, sa résignation stoïque, en même temps que sa douloureuse attente d’un retour dans ses foyers, fait de Mikes un des virtuoses de la prose hongroise du XVIIIe siècle. On trouve combiné dans son œuvre l’art épistolaire d’une Sévigné (dont il était le lecteur assidu) avec la manière quelque peu sèche des mémoires, chère aux Hongrois. « Comme la lettre est fictive… elle offre à l’auteur — beaucoup plus que le conte, le sermon, le roman, ou même les mémoires — un champ illimité à l’expression de ses idées et de ses sentiments, à une sincérité presque absolue. Le fait que l’auteur vit en émigration multiplie les possibilités de la forme épistolaire et crée une sorte de tension à la fois authentique et tragique entre l’auteur et la destinataire, celle-ci n’étant pas “la comtesse E. P.”, mais bien la patrie que Mikes voudrait tant revoir, mais qui lui restera à tout jamais inaccessible », dit M. István Nemeskürty 2. Outre ses « Lettres », on possède de Mikes des traductions d’ouvrages de piété français, avec le sous-titre : « En terre étrangère, d’une langue étrangère ».
Clément Mikes
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