dans « Histoire de ce qui s’est passé au Japon, tirée des lettres écrites ès années 1619, 1620 et 1621 » (XVIIe siècle), p. 365-380
Il s’agit de la « Relation du royaume d’Iezo » (« Relazione del regno di Iezo ») du bienheureux père Girolamo de Angelis, dit Jérôme de Angelis 1, prêtre jésuite, que le shôgun fit brûler vif le 4 décembre 1623. Le père de Angelis était natif d’Enna, en Sicile. Il entra dans la Compagnie de Jésus à l’âge de dix-huit ans. Pendant ses études en théologie et avant même d’être prêtre, on lui accorda de partir pour la mission du Japon. Il s’embarqua avec le père Charles Spinola pour Lisbonne, d’où ils firent voile le 10 avril 1596. Une très violente tempête les assaillit au cap de Bonne-Espérance et endommagea gravement leur vaisseau, qui dut tourner en arrière pour être réparé au Brésil, puis abandonné à Porto Rico à cause d’une nouvelle avarie. Le 21 août 1597, ils s’embarquèrent sur un navire marchand ; mais quelques corsaires anglais les surprirent en chemin et amenèrent prisonniers à Londres. Remis en liberté presque aussitôt, nos pères retournèrent à Lisbonne et repartirent pour le Japon, où ils arrivèrent en 1602 au terme de ce voyage si long, si traversé, qui leur demanda, comme vous voyez, six années. Le père de Angelis mit encore une année à apprendre le japonais, après quoi il parcourut plusieurs fois le pays. Bravant et surmontant tous les obstacles, il fit d’innombrables conversions. Les fidèles ne pouvant le visiter ouvertement, il se déguisait et allait les attendre à des lieux déterminés. Le tout premier, il porta la foi chrétienne jusque dans l’île d’Ezo ou Iezo 2 (l’actuel Hokkaidô) où il fut en 1618, puis en 1621. Cette île intéressait ses supérieurs, d’autant qu’elle ne semblait pas encore revendiquée par les Japonais, dont la présence se cantonnait dans le fief de Matsumae ou Matsumai 3. Tout le reste, depuis Matsumae jusqu’à la pointe septentrionale, sans compter les îles encore plus au Nord, Sakhaline et les Kouriles, était habité par des indigènes à demi sauvages, nommés Aïnous ; la « Relation » les appelle Iezois. D’autre part, les routes d’Ezo n’étaient pas des chemins battus comme au Japon, mais des sentiers rocailleux qui bordaient des précipices effrayants, « tellement que ce n’est pas [étonnant] que les Iezois mettent plus de journées pour aller de Matsumai jusqu’[à l’autre bout de leur île] que les Japonais n’en mettent pour aller de Niigata jusqu’à la pointe de Corée » 4. Pour toutes ces raisons, les Japonais ne connaissaient ces terres que par des ouï-dire contradictoires et par certains articles de commerce qu’ils recevaient des mains des Aïnous : des baleines, des peaux de phoques, des habits faits avec l’écorce des arbres, des peaux de cerfs… Et ils ignoraient même « si le royaume d’Iezo est une île ou non »