Il s’agit d’une anthologie de la littérature populaire du Viêt-nam. Longtemps dédaignée par les lettrés, parce qu’elle ne menait pas aux carrières mandarinales, cette littérature avait toujours été cultivée par l’effort anonyme du peuple. Ainsi donc, à côté de la littérature officielle, qui chantait en vers savants les hommes et les choses de la Chine, il existait une littérature populaire, en grande partie orale, qui exprimait sous une forme tantôt naïve et simple, tantôt narquoise et volontiers humoristique, l’âme populaire du Viêt-nam. « Tandis que les lettrés s’enfermaient dans leur tour d’ivoire et se plaisaient à composer des vers chinois qui, ici, ressemblent bien aux vers latins, ou à commenter les vieux classiques, le peuple travaillait à former la langue et à produire cette riche littérature populaire composée de dictons, de proverbes, de sentences, de distiques, de phrases, locutions et expressions plus ou moins assonancées portant des allusions aux faits du passé ou aux coutumes locales, et surtout de chansons, de ces belles et douces chansons qui s’élèvent les nuits d’été du fond des paillotes ou de l’immensité des rizières et des étangs et semblent se répercuter dans l’espace jusqu’à la cime frissonnante des bambous. Elles sont, ces chansons, d’un charme infini, d’une suavité profonde. Quiconque a entendu une fois chanter par des repiqueuses de riz du delta tonkinois ou des sampanières de la rivière de Huê des chansons comme celle-ci :
Montagne, ô montagne, pourquoi êtes-vous si haute ?
Vous cachez le soleil et vous me cachez le visage de mon bien-aimé !
n’oubliera jamais cet accent d’indéfinissable mélancolie lamartinienne qui révèle le fonds de poésie de la race, en même temps qu’il montre l’excellence de la langue capable d’exprimer de tels sentiments », dit très bien Phạm Quỳnh