Il s’agit de la « Correspondance » et autres écrits de la mère Marie de l’Incarnation 1, la première en date, comme la première en génie, parmi les femmes missionnaires venues évangéliser le Canada (XVIIe siècle apr. J.-C.). Certes, ses écrits furent composés sans souci d’agrément littéraire. Mais ils viennent d’une femme de caractère qui était, en vérité, une nature d’exception et qui, en associant son âme directement à Dieu, fit l’économie d’une dépendance par rapport aux hommes. Sa piété courageuse et son saint enthousiasme étaient suffisamment connus pour que Bossuet l’ait appelée « la Thérèse de nos jours et du Nouveau Monde » 2. « Au Canada, ses œuvres sont un trésor de famille », explique dom Albert Jamet. « Mais les Français de l’ancienne France doivent savoir que ses œuvres sont toutes leurs aussi, et au même titre. Peut-être s’en sont-ils trop désintéressés. “En France”, notait Sainte-Beuve 3, “nous ne nous montrons pas toujours assez soigneux ou fiers de nos richesses.” À Tours, où elle naquit en 1599, Marie de l’Incarnation fut élevée aux sublimes états d’oraison qui la font aller de pair avec les plus hauts contemplatifs de tous les temps et de tous les pays. À Québec, où elle arriva en 1639, c’est une œuvre française qu’elle fit durant les trente-deux années qui lui restaient encore à vivre. Par là, ses écrits sont le bien et l’honneur indivis des deux France. »
Dieu lui dit ces paroles : « C’est le Canada que je t’ai fait voir ; il faut que tu y ailles »
Née Marie Guyard, elle n’avait qu’environ sept ans lorsqu’une nuit, en son sommeil, il lui sembla qu’elle était, avec une de ses compagnes, dans la cour d’une école champêtre, où elle jouait à quelque jeu innocent. Ayant levé les yeux vers le ciel, elle le vit ouvert, et de cette ouverture, Jésus-Christ en forme humaine, qui sortait et qui descendait vers elle. Le voyant, elle s’écria à sa compagne : « Ah ! Voilà notre Seigneur ! C’est à moi qu’il vient ! » 4 Après son réveil, son cœur se sentit si ravi de cette insigne faveur qu’elle la racontait naïvement à tous ceux qui voulaient bien l’écouter. L’effet que produisit cette visite fut un attrait pour la vie cloîtrée. Les circonstances qui la décidèrent enfin à embrasser cette vie, et l’abandon dans lequel elle laissa, pour entrer au monastère de Tours, son fils âgé de douze ans à peine réclameraient ici des développements trop étendus. Il suffit de dire qu’elle demeurait dans ledit monastère lorsqu’un jour, étant en oraison devant le saint sacrement, son esprit fut (de nouveau) ravi en Dieu pendant un moment où un grand pays lui fut représenté. Alors, Dieu lui dit ces paroles : « C’est le Canada que je t’ai fait voir ; il faut que tu y ailles faire une maison à Jésus et à Marie ». Il n’y avait ni à hésiter ni à réfléchir ; la réponse suivit le commandement, la volonté de notre religieuse ayant été à ce moment unie à celle de Dieu : « Ô mon grand Dieu », dit-elle 5, « Vous pouvez tout, et moi je ne puis rien ; s’il vous plaît de m’aider, me voilà prête. Je vous promets de vous obéir. Faites en moi et par moi votre très adorable volonté ! » Au même moment où elle fit ce vœu, toutes les douleurs qu’elle éprouvait se retirèrent, et une paix savoureuse et féconde l’envahit, sans laquelle elle n’aurait pu avoir les forces nécessaires pour exécuter ce qu’il avait plu au ciel de lui commander. Bientôt, ayant adressé un deuxième adieu à son fils, elle entama, avec une autre religieuse 6, un lointain voyage pour aller servir Dieu au Canada.
Voici un passage qui donnera une idée du style de la « Correspondance » : « Il est vrai ce que vous dites, mon très cher fils : j’ai trouvé [au] Canada tout autre chose que ce que je pensais, mais en un divers sens que vous n’avez pensé. Les travaux m’y sont doux et si faciles à porter que j’y expérimente ce que dit Notre-Seigneur : “Mon joug est doux, et mon fardeau — léger” 7. Je n’ai pas perdu mes peines dans le soin épineux d’une langue étrangère [celle des tribus algonquines] qui m’est maintenant si facile que je n’ai point de peine d’enseigner nos saints mystères à nos néophytes, dont nous avons eu grand nombre cette année : plus de cinquante séminaristes, plus de sept cents visites de sauvages et sauvagesses que nous avons tous assistés spirituellement et temporellement » 8.
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- Édition de 1929-1939. Tome III [Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec]
- Édition partielle de 1927 [Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec]
- Édition partielle de 1876. Tome I [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1876. Tome II [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1857 [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1857 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1687 [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1682 [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1682 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1681 [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Édition partielle de 1681 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1681 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1681 ; autre copie [Source : Canadiana]
- Édition partielle de 1681 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1681 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1677 [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1677 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1677 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1677 ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition partielle de 1677 ; autre copie [Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Henri Bremond, « Sainte Marie de l’Incarnation » (éd. du Cerf, Paris)
- Eugène Griselle, « Deux Lettres autographes de la vénérable mère Marie de l’Incarnation et de la mère Marie de St-Joseph, ursulines de Québec » dans « Études publiées par les pères de la Compagnie de Jésus », vol. 43, nº 107, p. 577-599 [Source : Bibliothèque nationale de France].
- À ne pas confondre avec Barbe Acarie, née Barbe Avrillot, qui entra également en religion sous le nom de Marie de l’Incarnation. Elle vécut un siècle plus tôt.
- « Instruction sur les états d’oraison », liv. IX. Bossuet a écrit ailleurs à une correspondante : « J’ai vu, depuis peu, la vie de la mère Marie de l’Incarnation… Tout y est admirable, et je vous renverrai bientôt [des] extraits pour vous en servir » (« Lettres à la sœur Cornuau », lettre CIII).
- « Port-Royal », liv. I.
- « La Relation de 1654 », p. 160.