Mot-clefcontes littéraires français

su­jet

Voltaire, « Contes et Romans. Tome III »

éd. Presses universitaires de France-Sansoni, Paris-Florence

éd. Presses uni­ver­si­taires de France-San­soni, Pa­ris-Flo­rence

Il s’agit de « La Prin­cesse de Ba­by­lone » et autres contes de Vol­taire (XVIIIe siècle). Tout grand écri­vain a un ou­vrage par le­quel on le ré­sume, à tort ou à rai­son. « C’est dans ses contes qu’il faut cher­cher Vol­taire », « “Can­dide” est tout Vol­taire », dit-on de nos jours. Il est vrai que c’est là que Vol­taire s’est le plus en­joué des mi­sères de la condi­tion hu­maine, dans un monde aussi ab­surde que ce­lui des guerres, du sang, des fa­mines et des pestes ef­froyables ; c’est là aussi qu’il a réussi à por­ter un der­nier coup, sec et bru­tal, à cet op­ti­misme conso­la­teur des chré­tiens qu’il ju­geait béat. Lui, qui jusque-là avait re­tenu le rire amer et bi­lieux de son im­piété, semble faire ré­son­ner à tra­vers ses contes un éclat de rire de sa­tan. « [Ces contes sont] d’une gaieté in­fer­nale », dit la ba­ronne de Staël1, « car ils semblent écrits par un être d’une autre na­ture que nous, in­dif­fé­rent à notre sort, content de nos souf­frances, et riant comme un dé­mon, ou comme un singe, des mi­sères de cette es­pèce hu­maine avec la­quelle il n’a rien de com­mun. » Alors, de­man­dons-nous : Vol­taire le conteur, « dont le rire est un ric­tus, la grâce — une po­lis­son­ne­rie, l’esprit — un dard trempé dans le poi­son ou l’ordure »2 vaut-il mieux que Vol­taire l’homme de goût, de sa­voir, de rai­son, dont le « Dic­tion­naire phi­lo­so­phique » avait écarté l’obscurantisme et la bar­ba­rie des siècles pré­cé­dents ; vaut-il mieux que Vol­taire l’homme du monde, dont la « Cor­res­pon­dance », qui em­brasse un es­pace de soixante-sept ans, est une œuvre de pre­mier plan, un mo­dèle de naï­veté, d’esprit et de grâce ? Non, je ne le crois pas. Il ne faut cher­cher dans ses contes ni poé­sie, ni sa­gesse sé­rieuse, ni de ces sen­ti­ments nobles qu’on ren­contre dans quelques-uns de ses chefs-d’œuvre ; mais seule­ment une sa­tire amère et cy­nique et peut-être une souf­france ca­chée qui, ne trou­vant pas de sens à la vie ici-bas, pré­fère ac­ca­bler de mo­que­ries les émo­tions les plus gé­né­reuses, les croyances les plus ca­pables de conso­ler les hommes, les es­pé­rances les plus propres à leur don­ner le cou­rage né­ces­saire pour sup­por­ter leur condi­tion. « Vol­taire [le conteur] », dit Cha­teau­briand3, « n’aperçoit que le côté ri­di­cule des choses et des temps et [il] montre, sous un jour hi­deu­se­ment gai, l’homme à l’homme. Il charme et fa­tigue par sa mo­bi­lité ; il vous en­chante et vous dé­goûte. » Son hu­mour, qui veut être édi­fiant, et qui sou­vent n’est que cruel et mor­dant, est ce­lui qui se rap­proche le plus des sa­ti­ristes an­glais.

  1. « Œuvres com­plètes. Tome II », p. 176. Haut
  2. l’abbé Mi­chel-Ulysse May­nard. Haut
  1. « Le Gé­nie du chris­tia­nisme », part. 2, liv. I, ch. V. Haut

Voltaire, « Contes et Romans. Tome II »

éd. Presses universitaires de France-Sansoni, Paris-Florence

éd. Presses uni­ver­si­taires de France-San­soni, Pa­ris-Flo­rence

Il s’agit de « Can­dide » et autres contes de Vol­taire (XVIIIe siècle). Tout grand écri­vain a un ou­vrage par le­quel on le ré­sume, à tort ou à rai­son. « C’est dans ses contes qu’il faut cher­cher Vol­taire », « “Can­dide” est tout Vol­taire », dit-on de nos jours. Il est vrai que c’est là que Vol­taire s’est le plus en­joué des mi­sères de la condi­tion hu­maine, dans un monde aussi ab­surde que ce­lui des guerres, du sang, des fa­mines et des pestes ef­froyables ; c’est là aussi qu’il a réussi à por­ter un der­nier coup, sec et bru­tal, à cet op­ti­misme conso­la­teur des chré­tiens qu’il ju­geait béat. Lui, qui jusque-là avait re­tenu le rire amer et bi­lieux de son im­piété, semble faire ré­son­ner à tra­vers ses contes un éclat de rire de sa­tan. « [Ces contes sont] d’une gaieté in­fer­nale », dit la ba­ronne de Staël1, « car ils semblent écrits par un être d’une autre na­ture que nous, in­dif­fé­rent à notre sort, content de nos souf­frances, et riant comme un dé­mon, ou comme un singe, des mi­sères de cette es­pèce hu­maine avec la­quelle il n’a rien de com­mun. » Alors, de­man­dons-nous : Vol­taire le conteur, « dont le rire est un ric­tus, la grâce — une po­lis­son­ne­rie, l’esprit — un dard trempé dans le poi­son ou l’ordure »2 vaut-il mieux que Vol­taire l’homme de goût, de sa­voir, de rai­son, dont le « Dic­tion­naire phi­lo­so­phique » avait écarté l’obscurantisme et la bar­ba­rie des siècles pré­cé­dents ; vaut-il mieux que Vol­taire l’homme du monde, dont la « Cor­res­pon­dance », qui em­brasse un es­pace de soixante-sept ans, est une œuvre de pre­mier plan, un mo­dèle de naï­veté, d’esprit et de grâce ? Non, je ne le crois pas. Il ne faut cher­cher dans ses contes ni poé­sie, ni sa­gesse sé­rieuse, ni de ces sen­ti­ments nobles qu’on ren­contre dans quelques-uns de ses chefs-d’œuvre ; mais seule­ment une sa­tire amère et cy­nique et peut-être une souf­france ca­chée qui, ne trou­vant pas de sens à la vie ici-bas, pré­fère ac­ca­bler de mo­que­ries les émo­tions les plus gé­né­reuses, les croyances les plus ca­pables de conso­ler les hommes, les es­pé­rances les plus propres à leur don­ner le cou­rage né­ces­saire pour sup­por­ter leur condi­tion. « Vol­taire [le conteur] », dit Cha­teau­briand3, « n’aperçoit que le côté ri­di­cule des choses et des temps et [il] montre, sous un jour hi­deu­se­ment gai, l’homme à l’homme. Il charme et fa­tigue par sa mo­bi­lité ; il vous en­chante et vous dé­goûte. » Son hu­mour, qui veut être édi­fiant, et qui sou­vent n’est que cruel et mor­dant, est ce­lui qui se rap­proche le plus des sa­ti­ristes an­glais.

  1. « Œuvres com­plètes. Tome II », p. 176. Haut
  2. l’abbé Mi­chel-Ulysse May­nard. Haut
  1. « Le Gé­nie du chris­tia­nisme », part. 2, liv. I, ch. V. Haut

Voltaire, « Contes et Romans. Tome I »

éd. Presses universitaires de France-Sansoni, Paris-Florence

éd. Presses uni­ver­si­taires de France-San­soni, Pa­ris-Flo­rence

Il s’agit de « Mi­cro­mé­gas » et autres contes de Vol­taire (XVIIIe siècle). Tout grand écri­vain a un ou­vrage par le­quel on le ré­sume, à tort ou à rai­son. « C’est dans ses contes qu’il faut cher­cher Vol­taire », « “Can­dide” est tout Vol­taire », dit-on de nos jours. Il est vrai que c’est là que Vol­taire s’est le plus en­joué des mi­sères de la condi­tion hu­maine, dans un monde aussi ab­surde que ce­lui des guerres, du sang, des fa­mines et des pestes ef­froyables ; c’est là aussi qu’il a réussi à por­ter un der­nier coup, sec et bru­tal, à cet op­ti­misme conso­la­teur des chré­tiens qu’il ju­geait béat. Lui, qui jusque-là avait re­tenu le rire amer et bi­lieux de son im­piété, semble faire ré­son­ner à tra­vers ses contes un éclat de rire de sa­tan. « [Ces contes sont] d’une gaieté in­fer­nale », dit la ba­ronne de Staël1, « car ils semblent écrits par un être d’une autre na­ture que nous, in­dif­fé­rent à notre sort, content de nos souf­frances, et riant comme un dé­mon, ou comme un singe, des mi­sères de cette es­pèce hu­maine avec la­quelle il n’a rien de com­mun. » Alors, de­man­dons-nous : Vol­taire le conteur, « dont le rire est un ric­tus, la grâce — une po­lis­son­ne­rie, l’esprit — un dard trempé dans le poi­son ou l’ordure »2 vaut-il mieux que Vol­taire l’homme de goût, de sa­voir, de rai­son, dont le « Dic­tion­naire phi­lo­so­phique » avait écarté l’obscurantisme et la bar­ba­rie des siècles pré­cé­dents ; vaut-il mieux que Vol­taire l’homme du monde, dont la « Cor­res­pon­dance », qui em­brasse un es­pace de soixante-sept ans, est une œuvre de pre­mier plan, un mo­dèle de naï­veté, d’esprit et de grâce ? Non, je ne le crois pas. Il ne faut cher­cher dans ses contes ni poé­sie, ni sa­gesse sé­rieuse, ni de ces sen­ti­ments nobles qu’on ren­contre dans quelques-uns de ses chefs-d’œuvre ; mais seule­ment une sa­tire amère et cy­nique et peut-être une souf­france ca­chée qui, ne trou­vant pas de sens à la vie ici-bas, pré­fère ac­ca­bler de mo­que­ries les émo­tions les plus gé­né­reuses, les croyances les plus ca­pables de conso­ler les hommes, les es­pé­rances les plus propres à leur don­ner le cou­rage né­ces­saire pour sup­por­ter leur condi­tion. « Vol­taire [le conteur] », dit Cha­teau­briand3, « n’aperçoit que le côté ri­di­cule des choses et des temps et [il] montre, sous un jour hi­deu­se­ment gai, l’homme à l’homme. Il charme et fa­tigue par sa mo­bi­lité ; il vous en­chante et vous dé­goûte. » Son hu­mour, qui veut être édi­fiant, et qui sou­vent n’est que cruel et mor­dant, est ce­lui qui se rap­proche le plus des sa­ti­ristes an­glais.

  1. « Œuvres com­plètes. Tome II », p. 176. Haut
  2. l’abbé Mi­chel-Ulysse May­nard. Haut
  1. « Le Gé­nie du chris­tia­nisme », part. 2, liv. I, ch. V. Haut