
dans « Mélanges offerts à M. Charles Haguenauer, en l’honneur de son quatre-vingtième anniversaire : études japonaises » (éd. L’Asiathèque, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris), p. 369-387
Il s’agit d’Ôe no Masahira1, le conférencier de l’Empereur du Japon et le plus fécond lettré de son temps (Xe-XIe siècle apr. J.-C.). Ses compositions sont rassemblées dans le « Recueil de l’adjoint du département des rites » (« Kôrihô-shû »2), recueil de cent trente-trois poésies et trente-huit préfaces, composées par Masahira sur des thèmes imposés soit à l’occasion de cérémonies de la Cour, soit dans des réunions mondaines.
Dès six ans, à l’âge où les enfants chevauchaient des bâtons de bambou, Masahira apprit à lire. Deux ans plus tard, il commença à s’exercer à la poésie chinoise. Son grand-père, qui figurait au nombre des hauts dignitaires, surveillait ses études et l’encourageait : « Tu as, toi, l’étoffe d’un précepteur de l’Empereur », lui disait-il3, « tu te trouveras sûrement sur le passage d’un roi Bun [un roi cherchant un sage pour ministre] ». L’enfant ajoutait foi à ces paroles ; son esprit s’exaltait. Il tirait son rideau et ne donnait même pas un regard furtif au jardin. Il fermait sa porte et n’accordait nul moment à la marche et aux jeux. Son occupation, c’était l’étude ; sa richesse, c’était le vent et la lune, thèmes de ses compositions. Pauvre, il pouvait à peine endurer les souffrances du froid. Seuls quatre murs composaient sa maison où il avait honte de voir s’enfouir ses livres. Sa vieille mère avait quatre-vingts ans, et il désespérait de n’avoir pas un traitement suffisant pour l’entretenir. « Confucius a dit : celui qui étudie trouve sa récompense dans l’étude. Trompé par ces paroles, dans ma jeunesse, j’ai — lourde faute — aimé les lettres ; c’est exactement comme si j’avais rêvé et perdu ma vie », écrivit le malheureux Masahira4 après qu’on lui eut refusé à plusieurs reprises le poste qu’il s’était adjugé et qu’il croyait sien. Mais à partir de 1000 apr. J.-C. sa réputation s’établit, et devenu conférencier de l’Empereur, c’est-à-dire chargé de lui commenter certaines œuvres et de lui fournir des textes chinois munis des signes qui permettaient à un Japonais une lecture plus aisée, il présenta à Ichijô-tennô5 « Le Livre des vers », « Les Mémoires historiques », « L’Œuvre » de Tchouang-tseu, etc.
le conférencier de l’Empereur du Japon et le plus fécond lettré de son temps
Voici un passage qui donnera une idée de la manière de Masahira : « À la capitale, cette glorieuse enceinte fut à l’origine la demeure principale d’un ministre… La mère du souverain s’y est quelquefois retirée et, souvent, le palanquin impérial y est venu. Notre ministre d’à présent, touché par l’harmonie de ces lieux, en a augmenté l’agrément. Rapides encombrés de pierres, baies rocheuses, le vent y résonne comme celui qui fait chanter les cordes de la cithare dans les gorges des montagnes. Fleurs printanières, feuilles automnales, la pluie y peint les couleurs des vallées semblables au brocart. C’est comme si l’on arrivait dans un paysage où, durant mille ans, la lumière éclaire généreusement ; où les branches, vivaces pour dix mille ans, ont des nœuds qui permettent de s’accrocher »6.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Francine Hérail, « La Cour du Japon à l’époque de Heian : aux Xe et XIe siècles » (éd. Hachette, coll. La Vie quotidienne-Civilisations et Sociétés, Paris)
- Francine Hérail, « La Cour et l’Administration du Japon à l’époque de Heian » (éd. Droz, coll. Hautes études orientales, Genève).