Bosḥâq, « Recueil de poésies gastronomiques »
Il s’agit des poésies gastronomiques d’Abû Esḥâq*, plus connu sous la forme contractée de Bosḥâq**. Ce que l’on sait de la vie de cet homme se réduit à peu de chose. Né à Chiraz, en Perse, il exerçait la profession de cardeur de coton, même s’il est connu grâce à ses poésies relatives à l’art culinaire. La date de sa mort est incertaine : elle flotte de 1423 à 1427 apr. J.-C. Suivant les biographes, c’était un joyeux compère, rempli de verve caustique, et ne s’épargnant pas lui-même dans ses plaisanteries. L’anecdote suivante le prouve. Son protecteur, le prince Eskandar Mîrzâ***, s’étonnait de ne pas l’avoir aperçu à ses audiences depuis quelque temps ; Bosḥâq alla s’excuser : « Altesse », dit-il, « il me faut un jour pour carder le coton, et trois jours pour trier les fils de ma barbe ». Il portait, en effet, une barbe démesurément longue. Son œuvre tient tout entière dans le petit volume qu’il intitula « Le Divan de la gastronomie » (« Dîvân-e aṭ‘ema »****). Voici comment il fut amené à ce sujet. Il cherchait depuis quelque temps un moyen d’honorer sa patrie, d’étonner son siècle et de séduire ses contemporains, lorsqu’un matin, « à l’heure où la fumée d’un appétit authentique s’échappe de la cuisine de l’estomac », comme il dit lui-même, sa maîtresse entra chez lui et lui dit : « Je n’ai plus d’appétit ; je suis dégoûtée de tout. Que faire ? » Il lui répondit : « Suis l’exemple de cet impuissant qui alla consulter un médecin. Ce dernier composa à l’usage de son client un livre anacréontique. À peine notre infirme en eut-il terminé la lecture qu’il triompha d’une jeune vierge. Moi aussi, je vais composer à ton intention un opuscule culinaire. Parcours-le une bonne fois, et ton appétit renaîtra ». Et Bosḥâq s’attela aussitôt à l’œuvre et fit « bouillir au feu du travail la casserole de l’invention », comme il dit lui-même. N’osant prétendre aux lauriers des Firdousi et des Hâfez, son ambition plus modeste le cantonna dans un genre inconnu en Perse avant lui : celui de la badinerie gastronomique. « En fine bouche qu’il était », dit Henri Ferté*****, « il choisit l’art culinaire pour tremplin de son esprit gouailleur. L’Iran trouve en lui son Berchoux ou son Brillat-Savarin. On ne saurait toutefois comparer, à la lettre, son Divan à la “Gastronomie” ou à la “Physiologie du goût”, ces deux petits chefs-d’œuvre de spirituel badinage et de mesure toute française. La plaisanterie du gastronome persan semblerait trop souvent à nos lecteurs lourde et pédante. »