Mot-clefpoésie didactique

su­jet

Nârâyaṇa, «Le “Hitopadesha” : recueil de contes de l’Inde ancienne»

éd. L’Harmattan, coll. Recherches asiatiques, Paris

éd. L’Harmattan, coll. Re­cherches asia­tiques, Pa­ris

Il s’agit du «Hi­to­pa­deśa» 1Ins­truc­tion pro­fi­table» 2), re­cueil en langue sans­crite (sans doute IXe ou Xe siècle apr. J.-C.). C’est une es­pèce de traité d’éducation, où les fables sont en prose, et les sen­tences et maximes mo­rales et po­li­tiques — en vers. Les pre­mières sont comme les branches de l’arbre, et les se­condes — comme ses fruits, la par­tie vé­ri­ta­ble­ment suc­cu­lente que les lec­teurs sa­vourent avec dé­lices. Les maximes sur la science et la sa­gesse y abondent, car c’est là, comme on sait, un des thèmes fa­vo­ris des Orien­taux. «De tous les biens», dit le «Hi­to­pa­deśa» 3, «la science est le bien le plus haut, parce qu’on ne peut ni l’enlever ni en es­ti­mer le prix, et qu’à ja­mais elle est im­pé­ris­sable. Même pos­sé­dée par un quel­conque in­di­vidu, la science rap­proche du prince in­ac­ces­sible un homme… comme une ri­vière, même cou­lant en basse ré­gion, re­joint l’océan in­ac­ces­sible!» «Le fa­bu­liste in­dien», dit Théo­dore Pa­vie 4, «ne se contente donc pas de re­cueillir au pas­sage la fable qui a cours au­tour de lui, quitte à la je­ter dans un moule plus achevé. Il veut com­po­ser un code de sa­gesse à l’usage des pe­tits et des grands… parce qu’il est non seule­ment poète, mais brah­mane; et le brah­mane dans l’Inde a le droit ex­clu­sif d’enseigner et de dog­ma­ti­ser. Aussi, après avoir parlé dans les deux pre­mières par­ties de son livre — “L’Acquisition” et “La Sé­pa­ra­tion des amis” — au peuple, à la so­ciété en gé­né­ral… l’auteur du “Hi­to­pa­deśa” s’adresse har­di­ment aux rois.» Des trente-huit contes conte­nus dans le «Hi­to­pa­deśa», vingt sont ti­rés du «Pañ­ca­tan­tra». Mais comme l’auteur nous l’annonce lui-même dans son «In­tro­duc­tion» 5, le «Pañ­ca­tan­tra» n’est pas la seule source où il ait puisé ces his­toires in­gé­nieuses qu’il a, de toute fa­çon, dis­po­sées dans un ordre nou­veau et or­nées de sen­tences à sa ma­nière, qui élèvent le «Hi­to­pa­deśa» au-des­sus des autres re­cueils de fables in­diennes. Qui peut nous dire, au reste, si les livres pri­mi­tifs d’après les­quels il a tra­vaillé n’étaient pas eux-mêmes des imi­ta­tions de livres plus an­ciens? Il est à re­gret­ter que notre fa­bu­liste n’ait laissé au­cun ren­sei­gne­ment sur sa vie et sa car­rière. Il n’a donné que son nom, Nârâyaṇa 6, en guise de si­gna­ture : «Tant que Lakṣmî étin­cel­lera dans le cœur de l’Ennemi de Mura 7 comme l’éclair dans un nuage, tant que le mont Doré, que le so­leil in­cen­die, à un feu de fo­rêt res­sem­blera, puisse cir­cu­ler cette col­lec­tion d’histoires com­po­sée par Nârâyaṇa!»

  1. En sans­crit «हितोपदेश». Par­fois trans­crit «Hito-pa­deça», «Hĕĕtōpădēs», «Hi­to­pa­dès», «Hi­to­pa­desh» ou «Hi­to­pa­de­sha». Haut
  2. Au­tre­fois tra­duit «Ins­truc­tion ami­cale», «Le Bon Conseil», «L’Instruction utile», «L’Enseignement du bien», «L’Enseignement bé­né­fique» ou «Avis sa­lu­taire». Haut
  3. p. 25. Haut
  4. «L’Apologue dans la so­ciété hin­doue», p. 828. Haut
  1. p. 26. Haut
  2. En sans­crit नारायण. Par­fois trans­crit Na­rayan. Haut
  3. «Mu­râri» (मुरारि), c’est-à-dire «l’Ennemi de Mura», est le sur­nom de Viṣṇu, époux de Lakṣmî. Haut

Bhartrihari, «Les Stances érotiques, morales et religieuses»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Trois Cen­tu­ries de qua­trains» («Śa­ta­ka­traya» 1) de Bhar­tri­hari 2, l’un des plus grands poètes d’expression sans­crite (VIIe siècle apr. J.-C. sans doute). L’oubli et l’indifférence où tombent cer­taines œuvres de l’esprit hu­main est quelque chose de sin­gu­lier. Cet ou­bli est in­juste; mais, à bien des égards, je me l’explique. Ce­pen­dant, ja­mais je ne m’expliquerai l’oubli qui frappe Bhar­tri­hari. Lui qui a été, pour­tant, le pre­mier poète hin­dou à être tra­duit en Eu­rope. Lui dont Iq­bal a dit : «Re­garde ce chan­teur de [mon] pays! Par la grâce de son re­gard, la ro­sée se trans­forme en perles. Ce poète à l’œuvre sub­tile qui s’appelle Bhar­tri­hari pos­sède une na­ture sem­blable aux nuages de feu» 3. Ses qua­trains, à la fois ar­dents et se­reins, qui chantent toutes les jouis­sances et qui les trouvent toutes vaines, mé­ditent, plu­sieurs siècles avant Khayyam, sur le néant des choses d’ici-bas, dans un style in­tem­po­rel d’une in­con­tes­table élé­va­tion. Ils sont au nombre de trois cents, par­ta­gés en trois par­ties égales : la pre­mière est éro­tique 4, la deuxième — mo­rale 5, la troi­sième et der­nière traite de l’impermanence, en in­ci­tant à la vie contem­pla­tive et au re­non­ce­ment au monde 6. Une lé­gende digne des «Mille et une Nuits» cir­cule à ce pro­pos : Bhar­tri­hari au­rait été roi, as­sis sur le trône d’Ujjayinî (l’actuelle Uj­jain 7). Ayant reçu d’un saint homme un fruit pré­cieux qui confé­rait l’immortalité, il l’offrit à la reine. La reine le donna au conseiller, son adul­tère amant; le conseiller — à une autre femme; de sorte que, pas­sant ainsi de main en main, cette am­broi­sie par­vint à une ser­vante qui fut aper­çue par le roi. Dé­goûté du monde par l’infidélité de son épouse, lais­sant là le pou­voir et les gran­deurs, Bhar­tri­hari s’en alla sans re­gret d’Ujjayinî. Ses qua­trains le montrent vi­vant dé­sor­mais en as­cète, après avoir fixé son sé­jour à Bé­na­rès, sur le bord de la ri­vière des dieux, le Gange (3.87). Il se nour­rit d’aumônes; il ha­bite parmi les hommes sans avoir de rap­ports avec eux (3.95). Vêtu seule­ment d’un pagne qui couvre sa nu­dité, il fuit avec ef­froi la di­ver­sité des ap­pa­rences ma­té­rielles et il crie à haute voix : «Shiva! Shiva!» (3.85). «N’accorde au­cune confiance, ô mon cœur, à l’inconstante déesse de la For­tune! C’est une cour­ti­sane vé­nale qui aban­donne ses amants sur un fron­ce­ment de sour­cil… Pre­nons la saie d’ascète et al­lons de porte en porte dans les rues de Bé­na­rès, en at­ten­dant que l’aumône nous tombe dans la main que nous ten­dons en guise d’écuelle», écrit-il (3.66).

  1. En sans­crit «शतकत्रय». Par­fois trans­crit «Sha­ta­ka­traya». Haut
  2. En sans­crit भर्तृहरि. Par­fois trans­crit Bar­throu­herri, Bhar­thru­hari, Bhar­tri­heri, Bhartṛ­hari ou Bartṛ­hari. Haut
  3. «Le Livre de l’éternité», p. 132. Haut
  4. «Śṛṅgâraśatakam» («शृङ्गारशतकम्»). Par­fois trans­crit «Shrin­gâra Ça­taka» ou «Śhriṅgāraśhataka». Haut
  1. «Nî­tiśa­ta­kam» («नीतिशतकम्»). Par­fois trans­crit «Nîtî Ça­taka» ou «Nītīś­ha­taka». Haut
  2. «Vai­râ­gyaśa­ta­kam» («वैराग्यशतकम्»). Par­fois trans­crit «Vai­râ­gya Ça­taka», «Vai­râ­gya­sha­taka» ou «Vai­ra­gya Sha­ta­kam». Haut
  3. En hindi उज्जैन. Par­fois trans­crit Ugein, Ogein, Ojein, Od­jain, Oud­jayin, Oud­jeïn, Ud­jein, Ou­j­jeïn ou Ou­j­jain. Haut