Icône Mot-clefRoger Deladrière

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

Junayd, « Enseignement spirituel : traités, lettres, oraisons et sentences »

éd. Actes Sud, coll. Babel, Arles

éd. Actes Sud, coll. Ba­bel, Arles

Il s’agit de Ju­nayd Bagh­dâdî 1, maître soufi de (IXe-Xe siècle apr. J.-C.), qui posa les bases so­lides sur les­quelles al­laient s’élever les grands sys­tèmes de la mu­sul­mane. Bien qu’il en­sei­gnât dans sa mai­son et ne di­ri­geât pas une , ses contem­po­rains lui dé­cer­nèrent le titre de «Sei­gneur de la Tribu spi­ri­tuelle» («Sayyid al-Tâ’ifa» 2). L’un d’eux rap­porte 3 : «Mes yeux n’avaient ja­mais contem­plé quelqu’un comme Ju­nayd Bagh­dâdî : les ve­naient à lui pour son , les le re­cher­chaient pour la pro­fon­deur de ses pen­sées, les se ren­daient au­près de lui pour ses mé­ta­phores, les théo­lo­giens pour sa ; et le ni­veau de son dis­cours était tou­jours plus élevé que le leur, en , et ». Ju­nayd vé­né­rait Bâyazîd Bis­tâmî, l’extravagant par­ti­san de l’union di­vine, dont il tra­dui­sit les «Dits ex­ta­tiques», et au su­jet du­quel il dé­cla­rait : «Bâyazîd avait réa­lisé un pre­mier état spi­ri­tuel dans le­quel “toutes les choses avaient dis­paru pour lui”, et un se­cond état dans le­quel “cette dis­pa­ri­tion avait dis­paru”» 4. Cette phrase dif­fi­cile veut dire : Dans un pre­mier , le soufi, ivre sous l’emprise di­vine, perd son in­di­vi­duelle et dis­pa­raît; mais cette ivresse elle-même doit dis­pa­raître pour que le soufi puisse éva­cuer de son les maux fu­nestes de l’hébétude et de la confu­sion et re­ve­nir à la  : «Il sera [de nou­veau], après n’avoir pas été, là où il avait été… Il sera “un exis­tant qui est”, après avoir été “un exis­tant privé d’être”. Il en est ainsi, parce qu’il sera passé de l’ivresse de l’emprise di­vine à la lu­ci­dité du dé­gri­se­ment» 5. Dit au­tre­ment, la «de l’ivresse, de l’enivrement» («sukr»), «de la dis­pa­ri­tion, de l’anéantissement» («fanâ’») est jouis­sive, car elle li­bère la hu­maine des tra­cas qu’elle connaît d’habitude; mais cette re­cherche, d’après Ju­nayd, ne convient qu’aux dé­bu­tants; elle doit cé­der le pas «à la so­briété, au dé­gri­se­ment» («sahw»), «à la pé­ren­ni­sa­tion, à la per­ma­nence» («baqâ’») pour que ce­lui qui avait dis­paru puisse re­prendre sa place parmi les hommes, dé­sor­mais lu­cide, dé­grisé, mais in­vesti de la pré­sence per­ma­nente de .

  1. En الجنيد البغدادي. Par­fois trans­crit Djo­néid, Djo­naïd, Djou­neïd, Dju­neid, Dju­naid, al-Dju­nayd, Dschu­neid, Dschu­naid, Dschu­neyd, Dscho­naid, Dscho­neid, Cü­neyd, Cü­nayd, Cü­neid, el-Jo­neid, Jo­neyd, Jo­nayd, al-Jo­naid, Ju­neyd, Ju­neid, Ju­naïd, al-Jou­nayd, Jou­neyd, Jou­neïd, Ǵonayd, Ǧu­naid ou al-Ǧu­nayd. Icône Haut
  2. En arabe سيد الطائفة. Au­tre­fois trans­crit Saïyid-i Tâïfa, Saiyidu’ṭ-Ṭāifa ou Sayyid-ut-Taifa. Icône Haut
  3. p. 12-13. Icône Haut
  1. p. 197. Icône Haut
  2. p. 151. Icône Haut

Kalâbâdhî, « Traité de soufisme : les maîtres et les étapes »

éd. Sindbad, coll. La Bibliothèque de l’islam, Arles

éd. Sind­bad, coll. La Bi­blio­thèque de l’, Arles

Il s’agit du «Ki­tâb al-ta‘arruf li-madh­hab ahl al-taṣaw­wuf» 1Livre de l’information sur la doc­trine des hommes du » 2), l’un des deux plus an­ciens trai­tés de sou­fisme en (Xe siècle apr. J.-C.). «Sans le “Ki­tâb al-ta‘arruf”, nous ne connaî­trions pas vé­ri­ta­ble­ment le sou­fisme», dit Soh­ra­verdi 3. L’auteur de ce , Abû Bakr Mu­ham­mad, vé­cut, comme son sur­nom de Ka­lâ­bâdhî 4 le té­moigne, à Ka­lâ­bâdh, un des quar­tiers de la ville de Bou­khara. En ces -là, la cruelle condam­na­tion dont Hal­lâj fut vic­time, fit craindre pour le mou­ve­ment dans les cercles qui s’y adon­naient. Aussi Ka­lâ­bâdhî se pro­posa-t-il de mon­trer par écrit que les étaient de bons , fer­me­ment res­pec­tueux des ar­ticles es­sen­tiels de l’orthodoxie is­la­mique. Pour cha­cun de ces ar­ticles, il ras­sem­bla une sé­rie de pa­roles mé­mo­rables des maîtres , en vers ou en prose, ac­com­pa­gnées de ses propres as­ser­tions et ar­gu­ments. Il se garda pru­dem­ment de nom­mer ; mais il en re­pro­dui­sit de nom­breuses , en les prê­tant ano­ny­me­ment à «un maître im­mi­nent» ou à «un grand soufi». «En qua­li­fiant le sou­fisme de “madh­hab”, c’est-à-dire [d’“école”] spi­ri­tuelle, in­tel­lec­tuelle et pra­tique avec ses mé­thodes et sa doc­trine spé­ci­fiques, Ka­lâ­bâdhî veut le faire ad­mettre dans le champ du sa­voir is­la­mique fon­da­men­tal, au même titre que la et la », dit un pro­fes­seur 5. Ainsi donc, ce traité est l’argumentation un peu sèche que l’on tien­drait en pré­sence de théo­lo­giens et de . Il n’est pas tou­jours d’une lec­ture agréable; mais il contient des don­nées fon­da­men­tales sur les pre­miers siècles du sou­fisme.

  1. En arabe «كتاب التعرّف لمذهب أهل التصوّف». Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «Doc­trine propre à l’école des te­nants du sou­fisme». Icône Haut
  3. Dans p. 11. Icône Haut
  1. En arabe كلاباذي. Par­fois trans­crit Kalābāḏī. Icône Haut
  2. M. De­nis Gril. Icône Haut