Yang Xiong, « Rhapsodie du grand mystère, “Taixuan fu” »

dans « Anthologie de la poésie chinoise » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris)

dans « de la chi­noise» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris)

Il s’agit de la «Rhap­so­die de la des gardes im­pé­riaux» 1Yu­lie » 2), de la «Rhap­so­die du grand mys­tère» 3Taixuan fu» 4) et autres poé­sies de  5, un des re­pré­sen­tants mi­neurs de la lit­té­ra­ture et de la chi­noise, imi­ta­teur des clas­siques. Il vit le jour en l’an 53 av. J.-C. et mou­rut en l’an 18 apr. J.-C. Issu d’une noble, mais dont «les pos­ses­sions n’atteignaient pas même dix “jin” d’», et qui «man­quait de ré­serves en grains», il réus­sit à avoir pour maîtres les meilleurs pro­fes­seurs de Shu 6 (l’actuelle pro­vince de Si­chuan) : Zhuang Zun, Li Hong et Lin Lü. Tous les trois étaient ex­perts en , en si­no­grammes «étranges» (ceux an­té­rieurs à la gra­phie qui s’imposa sous les Qin) et en tra­di­tions confu­céennes et ïstes. La qua­ran­taine pas­sée, il par­tit de Shu et s’en alla à la ca­pi­tale Chang’an 7 où on le mo­qua pour sa em­bar­ras­sée et sa fa­çon d’écrire en de sa pro­vince — «un style», di­sait-on, «dé­tes­table» 8. En l’an 11 apr. J.-C., tou­jours obs­cur et pauvre mal­gré ses fonc­tions de «gen­til­homme de la porte jaune» 9huang­men lang» 10), il fut faus­se­ment ac­cusé d’avoir trempé dans le com­plot contre le nou­vel Em­pe­reur Wang Mang. En déses­poir de cause, il sauta du haut d’une tour de la Bi­blio­thèque im­pé­riale, mais sur­vé­cut à ses bles­sures et fut mis hors de cause par l’Empereur en per­sonne. Peu après, cette épi­gramme cir­cula dans la ca­pi­tale, lui re­pro­chant ses ha­bi­tudes d’ermite, son goût presque sus­pect pour la et le si­lence :

«“So­li­taire et si­len­cieux”
Il se jette du haut de la tour!
“Pur et tran­quille”
Il com­pose des pré!
» 11

Ses œuvres ma­jeures sont : un de di­vi­na­tion, «Clas­sique du grand mys­tère» 12Taixuan jing» 13), cal­qué sur le «Clas­sique des mu­ta­tions»; et un traité de , «Maîtres Mots», à la ma­nière des «En­tre­tiens de Confu­cius». On lui doit aussi des imi­ta­tions de rhap­so­dies («fu» 14), dont plus d’une di­zaine nous sont connues. Ce sont les œuvres d’un es­prit en li­sières, as­servi aux mo­dèles qu’il pré­tend in­car­ner; un art tout de trans­po­si­tion et d’emprunt, sans type propre : «Un texte qui ne se me­sure pas aux clas­siques», dit Yang Xiong 15, «n’est pas un texte; une pa­role qui ne se me­sure pas aux clas­siques n’est pas une pa­role». Il prend pour de­vise cette dé­cla­ra­tion de  : «Je trans­mets, je n’invente rien. Je suis de bonne et j’aime l’» 16. Es­ti­mant qu’après les An­ciens qui brillent comme des so­leils, on n’avait plus rien à ra­jou­ter, Yang Xiong n’a, de fait, rien ra­jouté et s’est laissé crou­pir dans l’immobilisme, à la queue de la marche des au­teurs, tout en croyant être triom­pha­le­ment à leur tête.

«Un texte qui ne se me­sure pas aux clas­siques», dit Yang Xiong, «n’est pas un texte»

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style de la «Rhap­so­die de la chasse des gardes im­pé­riaux» :
«(Les bêtes) font en­tendre de longs ha­lè­te­ments au mi­lieu des cor­dages.
Tous les des trois ar­mées se pré­ci­pitent sur elles,
Ar­rêtent celles qui courent, en­travent celles qui fuient.
Ainsi, on voit des bêtes agiles em­pê­chées dans leurs bonds;
Rhi­no­cé­ros et buffles donnent des coups de cornes,
et bruns sai­sissent tout de leurs griffes,
Tigres et léo­pards même tremblent d’effroi.
En vain ceux-ci jouent des cornes, frappent le sol de leur front,
Pié­tinent, pa­ni­qués, sai­sis d’épouvantement,
Leur es­prit égaré, leurs âmes éper­dues…
» 17

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  1. Au­tre­fois tra­duit «“Fou” sur la chasse avec les gardes im­pé­riaux» ou « de la chasse (où les sol­dats por­taient) des plu­mages». Icône Haut
  2. En «羽獵賦». Par­fois trans­crit «Yü-lieh fu» ou «Yu-lie fou». Icône Haut
  3. C’est le pen­dant du «Clas­sique du grand mys­tère». Icône Haut
  4. En chi­nois «太玄賦». Par­fois trans­crit «T’ai-hsüan fu» ou «T’ai-hiuan fou». Icône Haut
  5. En chi­nois 揚雄. Au­tre­fois trans­crit Jang-hiong, Yang Hsiung, Yang Hyong ou Yang-hioung. Éga­le­ment connu sous les de Yang Ziyun (揚子雲) et de Yang Zi (揚子). Par­fois trans­crit Yang Tzu-yün, Yang Tse Yün ou Yang-tseu. Icône Haut
  6. En chi­nois . Par­fois trans­crit Chu ou Chou. Icône Haut
  7. Aujourd’hui Xi’an (西安). Au­tre­fois trans­crit Tch’ang-ngan. Icône Haut
  8. Dans le père Léon Wie­ger, «His­toire des croyances re­li­gieuses et des opi­nions phi­lo­so­phiques en  : de­puis l’origine jusqu’à nos jours», p. 315. Icône Haut
  9. Au­tre­fois tra­duit «gen­til­homme des portes im­pé­riales» ou «se­cré­taire des portes im­pé­riales». Icône Haut
  1. En chi­nois 黃門郎. Au­tre­fois trans­crit «houang-men lang». Icône Haut
  2. «Maîtres Mots», p. XXX. Icône Haut
  3. Par­fois tra­duit «Ca­non du mys­tère su­prême», «Livre du mys­tère su­prême» ou «Livre sur l’obscurité su­prême». Icône Haut
  4. En chi­nois «太玄經». Par­fois trans­crit «Thaï-hiouen-king», «T’ai hiun king», «T’ai-huan-king», «T’ai hiuan king», «T’ai-hsüan-ching» ou «T’ai hsian ching». Icône Haut
  5. En chi­nois . Par­fois trans­crit «fou». Par suite d’une faute, trans­crit «sou». Icône Haut
  6. «Maîtres Mots», p. 44. Icône Haut
  7. « de Confu­cius», VII, 1; cité dans «Maîtres Mots», p. 45. Mais Confu­cius sa­vait à la fois ché­rir le passé et le re­nou­ve­ler : «Qui peut ex­traire une neuve d’un sa­voir an­cien a qua­lité pour en­sei­gner» (id. II, 11). Icône Haut
  8. p. 98. Icône Haut