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Malot, « Le Docteur Claude. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Doc­teur Claude» d’, ro­man­cier (XIXe siècle), dont la grande mal­chance fut d’avoir surgi entre Bal­zac et Zola, deux gé­nies qui firent de l’ombre au sien. «Mais par la puis­sance de son ob­ser­va­tion, par sa com­pré­hen­sion de la , ses lu­mi­neuses et fé­condes idées d’équité, de et d’, par l’habile en­chaî­ne­ment de ses ré­cits… il est leur égal à tous deux», dit une jour­na­liste 1, «et la pos­té­rité — si elle est juste et si elle en a le loi­sir — le met­tra à sa vé­ri­table place, sur le même som­met qu’occupent l’historien de la “ hu­maine” et ce­lui des “Rou­gon-Mac­quart”. Et puis, quel ferme et su­perbe ca­rac­tère que Ma­lot! Quel dés­in­té­res­se­ment!» Ma­lot na­quit en 1830 près de Rouen. Son père, qui était no­taire, le des­ti­nait à la même . C’est mi­racle que les ma­nuels de qu’il fai­sait ava­ler à son fils ne l’aient pas à ja­mais dé­goûté de la lec­ture. Heu­reu­se­ment, dans un gre­nier de la mai­son, je­tés en tas, se trou­vaient de vieux clas­siques, qu’avait re­lé­gués là leur cou­ver­ture usée : le «Ro­land fu­rieux» de l’Arioste; le «Gil Blas» de Le­sage; un Mo­lière com­plet; un tome de Ra­cine. Et ceux-là, un jour que Ma­lot en avait ou­vert un au ha­sard, l’empêchèrent de croire que tous les étaient des ma­nuels de ju­ris­pru­dence. «Com­bien d’heures», dit-il 2, «ils m’ont fait pas­ser sous l’ardoise sur­chauf­fée ou gla­cée, charmé, ravi, l’esprit éveillé, l’ al­lu­mée par une étin­celle qui ne s’est pas éteinte! Sans eux, au­rais-je ja­mais fait des ro­mans? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est qu’ils m’ont donné l’idée d’en écrire pour ceux qui pou­vaient souf­frir, comme je l’avais souf­fert -même, le sup­plice des livres en­nuyeux.»

  1. Sé­ve­rine (pseu­do­nyme de Ca­ro­line Rémy) dans Cim, «Le Dî­ner des gens de lettres», p. 23. Icône Haut
  1. «Le de mes ro­mans», p. 24-25. Icône Haut

Malot, « Le Docteur Claude. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Doc­teur Claude» d’, ro­man­cier (XIXe siècle), dont la grande mal­chance fut d’avoir surgi entre Bal­zac et Zola, deux gé­nies qui firent de l’ombre au sien. «Mais par la puis­sance de son ob­ser­va­tion, par sa com­pré­hen­sion de la , ses lu­mi­neuses et fé­condes idées d’équité, de et d’, par l’habile en­chaî­ne­ment de ses ré­cits… il est leur égal à tous deux», dit une jour­na­liste 1, «et la pos­té­rité — si elle est juste et si elle en a le loi­sir — le met­tra à sa vé­ri­table place, sur le même som­met qu’occupent l’historien de la “ hu­maine” et ce­lui des “Rou­gon-Mac­quart”. Et puis, quel ferme et su­perbe ca­rac­tère que Ma­lot! Quel dés­in­té­res­se­ment!» Ma­lot na­quit en 1830 près de Rouen. Son père, qui était no­taire, le des­ti­nait à la même . C’est mi­racle que les ma­nuels de qu’il fai­sait ava­ler à son fils ne l’aient pas à ja­mais dé­goûté de la lec­ture. Heu­reu­se­ment, dans un gre­nier de la mai­son, je­tés en tas, se trou­vaient de vieux clas­siques, qu’avait re­lé­gués là leur cou­ver­ture usée : le «Ro­land fu­rieux» de l’Arioste; le «Gil Blas» de Le­sage; un Mo­lière com­plet; un tome de Ra­cine. Et ceux-là, un jour que Ma­lot en avait ou­vert un au ha­sard, l’empêchèrent de croire que tous les étaient des ma­nuels de ju­ris­pru­dence. «Com­bien d’heures», dit-il 2, «ils m’ont fait pas­ser sous l’ardoise sur­chauf­fée ou gla­cée, charmé, ravi, l’esprit éveillé, l’ al­lu­mée par une étin­celle qui ne s’est pas éteinte! Sans eux, au­rais-je ja­mais fait des ro­mans? Je n’en sais rien. Mais ce que je sais bien, c’est qu’ils m’ont donné l’idée d’en écrire pour ceux qui pou­vaient souf­frir, comme je l’avais souf­fert -même, le sup­plice des livres en­nuyeux.»

  1. Sé­ve­rine (pseu­do­nyme de Ca­ro­line Rémy) dans Cim, «Le Dî­ner des gens de lettres», p. 23. Icône Haut
  1. «Le de mes ro­mans», p. 24-25. Icône Haut

Hô Chi Minh (Nguyên Ai Quôc), « Le Procès de la colonisation française et Autres Textes de jeunesse »

éd. Le Temps des cerises, Pantin

éd. Le des ce­rises, Pan­tin

Il s’agit du « de la fran­çaise», des «Re­ven­di­ca­tions du an­na­mite» et autres textes de d’Hô Chi Minh 1. Ainsi que l’a re­mar­qué un bio­graphe d’Hô Chi Minh 2, «tout ce qui touche à la du fu­tur pré­sident de la dé­mo­cra­tique du jusqu’en 1941 est frag­men­taire, ap­proxi­ma­tif, contro­versé». À ce jour, au­cune étude sys­té­ma­tique n’a été en­tre­prise, au­cune pu­bli­ca­tion ex­haus­tive n’a été faite sur la pé­riode pa­ri­sienne du cé­lèbre ré­vo­lu­tion­naire , pé­riode pour­tant dé­ci­sive en ce qui concerne sa for­ma­tion idéo­lo­gique — la vie dans un en­tre­sol de la rue du Mar­ché-des-Pa­triarches, la fré­quen­ta­tion as­si­due de la Bi­blio­thèque na­tio­nale, «où il s’installait de 10 à 17 heures, presque chaque jour» 3, les mee­tings guet­tés par la po­lice, les ar­ticles pour «L’», «La Re­vue com­mu­niste», «Le Li­ber­taire», etc., en­fin, la fon­da­tion du «Pa­ria», jour­nal an­ti­co­lo­nia­liste, dont il fut à la fois le di­rec­teur et le plus fé­cond des contri­bu­teurs 4. Les dates mêmes de cette pé­riode sont pleines d’obscurités, si étrange que cela puisse pa­raître, s’agissant d’une des per­son­na­li­tés les plus en vue de tout le XXe siècle. Re­joi­gnit-il Pa­ris en 1917, comme le sup­posent la plu­part de ses bio­graphes, ou en 1919, an­née de ses pre­miers ar­ticles si­gnés? En tout cas, la pre­mière qu’il eut en ar­ri­vant, c’est qu’en aussi il y avait des ou­vriers ex­ploi­tés — des gens qui pou­vaient prendre parti pour le peuple viet­na­mien. C’est là que lui vint à l’esprit cette de la sang­sue ca­pi­ta­liste, si fa­meuse de­puis «Le Pro­cès» : «Le ca­pi­ta­lisme est une sang­sue ayant une ven­touse ap­pli­quée sur le pro­lé­ta­riat de la mé­tro­pole, et une autre sur le pro­lé­ta­riat des . Si l’on veut tuer la bête, on doit cou­per les deux ven­touses à la fois». Alors, il s’attacha aux pro­lé­taires par le double lien de l’intérêt et de l’affection; et le jour où, après de longues dé­cen­nies, la sé­pa­ra­tion fa­tale, in­évi­table, se fit entre les co­lo­ni­sa­teurs et les co­lo­ni­sés, la France per­dit en lui un su­jet, mais conserva un ami, un al­lié, un confrère. «En se ré­cla­mant de la pro­tec­tion du peuple fran­çais», dit Hô Chi Minh dans «Les Re­ven­di­ca­tions du peuple an­na­mite», «le peuple an­na­mite, bien loin de s’humilier, s’honore au contraire : car il sait que le peuple fran­çais re­pré­sente la et la , et ne re­non­cera ja­mais à son de uni­ver­selle. En consé­quence, en écou­tant la des op­pri­més, le peuple fran­çais fera son de­voir en­vers la France et en­vers l’humanité».

  1. Éga­le­ment connu sous le sur­nom de Nguyên Ai Quôc. «Nguyên, c’est le pa­tro­nyme le plus ré­pandu en An­nam…; “Ai”, le pré­fixe qui si­gni­fie l’affection; “Quôc”, la pa­trie», dit M. Jean La­cou­ture. Au­tre­fois trans­crit Nguyen Ai Quac. Icône Haut
  2. M. Jean La­cou­ture. Icône Haut
  1. Louis Rou­baud, «Viêt-nam : la in­do­chi­noise; suivi d’autres sur le co­lo­nia­lisme». Icône Haut
  2. Les contri­bu­teurs du «Pa­ria» se com­po­saient en­tiè­re­ment de mi­li­tants ori­gi­naires des co­lo­nies, qui ve­naient, bé­né­vo­le­ment, après leurs heures de tra­vail. Icône Haut

García Márquez, « Cent Ans de solitude : roman »

éd. du Seuil, coll. Points, Paris

éd. du Seuil, coll. Points, Pa­ris

Il s’agit de «Cent Ans de » («Cien Años de so­le­dad») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « Douze Contes vagabonds »

éd. Grasset-Librairie générale française, coll. Le Livre de poche, Paris

éd. Gras­set-Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. Le Livre de poche, Pa­ris

Il s’agit de «Douze » («Doce Cuen­tos per­egri­nos») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « Le Général dans son labyrinthe : roman »

éd. Grasset-Librairie générale française, coll. Le Livre de poche, Paris

éd. Gras­set-Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. Le Livre de poche, Pa­ris

Il s’agit du «Gé­né­ral dans son la­by­rinthe» («El Ge­ne­ral en su la­be­rinto») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « La Mala Hora : roman »

éd. Grasset-Librairie générale française, coll. Le Livre de poche, Paris

éd. Gras­set-Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. Le Livre de poche, Pa­ris

Il s’agit de «La Mala Hora» de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « L’Automne du patriarche : roman »

éd. B. Grasset, Paris

éd. B. Gras­set, Pa­ris

Il s’agit de «L’Automne du pa­triarche» («El Otoño del pa­triarca») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « Pas de lettre pour le colonel »

éd. B. Grasset, Paris

éd. B. Gras­set, Pa­ris

Il s’agit de «Pas de lettre pour le co­lo­nel» («El co­ro­nel no tiene quien le es­criba») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « L’Amour aux temps du choléra : roman »

éd. Grasset-Librairie générale française, coll. Le Livre de poche, Paris

éd. Gras­set-Li­brai­rie gé­né­rale fran­çaise, coll. Le Livre de poche, Pa­ris

Il s’agit de «L’ aux du cho­léra» («El Amor en los tiem­pos del có­lera») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « Des Feuilles dans la bourrasque »

éd. B. Grasset, Paris

éd. B. Gras­set, Pa­ris

Il s’agit de «Des Feuilles dans la bour­rasque» («La Ho­ja­rasca») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’ la­tine, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « L’Incroyable et Triste Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique : nouvelles »

éd. B. Grasset, Paris

éd. B. Gras­set, Pa­ris

Il s’agit de «L’Incroyable et Triste de la can­dide Eren­dira et de sa grand-mère dia­bo­lique» («La In­creíble y Triste His­to­ria de la cán­dida Erén­dira y de su abuela de­sal­mada») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut

García Márquez, « Les Funérailles de la Grande Mémé : nouvelles »

éd. B. Grasset, coll. Les Cahiers rouges, Paris

éd. B. Gras­set, coll. Les Ca­hiers rouges, Pa­ris

Il s’agit des «Fu­né­railles de la Grande Mémé» («Los Fu­ne­rales de la Mamá Grande») de M.  (XXe-XXIe siècle). Au point de dé­part des œuvres de M. García Már­quez, il y a Ma­condo, ce vil­lage my­thique de l’, qui res­semble bien à l’Aracataca réelle, sans l’être tout à fait — ce vil­lage qui, à l’origine, n’était qu’«une ruelle avec une ri­vière à l’une de ses ex­tré­mi­tés» 1 et qui, suite à la ba­na­nière, aux puan­teurs, à la vo­ra­cité, à la cor­rup­tion ame­nées par la Uni­ted Fruit Com­pany, se trans­forma en une de ces in­fâmes de So­dome et Go­morrhe «qui ont cessé de rendre ser­vice à la créa­tion» 2. Vers 1910, quand les Yan­kees y dé­bar­quèrent pour la pre­mière fois, avec leurs lan­gou­reuses épouses por­tant de grands cha­peaux de gaze, nul ne sa­vait en­core ce que ces nou­veaux ve­nus ve­naient y cher­cher. Do­tés de moyens au­tre­fois ré­ser­vés à , les Yan­kees mo­di­fièrent le ré­gime des pluies, pré­ci­pi­tèrent le cycle des ré­coltes et firent sor­tir la ri­vière du lit qu’elle oc­cu­pait de­puis tou­jours. Et pour qu’ils pussent trou­ver dans cet en­droit toute la di­gnité due à de beaux et riches sei­gneurs, et qu’ils n’eussent pas à en­du­rer la , l’insalubrité, les pri­va­tions du vil­lage, ils s’en bâ­tirent un autre, avec des rues bor­dées de pal­miers, avec des mai­sons aux fe­nêtres grilla­gées, aux pis­cines -tur­quoise et aux pe­louses pleines de cailles et de paons. Au­tour de ce pa­ra­dis de rêve s’étendait, comme au­tour d’un pou­lailler, une clô­ture élec­tri­fiée, sur­pro­té­gée par les rondes in­ces­santes de ar­més de fu­sils et de chiens de garde. De l’autre côté, les cam­pe­ments où s’entassaient les mil­liers d’ouvriers de la com­pa­gnie ba­na­nière n’étaient que de mi­nables abris à toit de palme, mon­tés sur des pieux et sans murs où, la , des nuées de mous­tiques ache­vaient la sai­gnée des ex­ploi­tés. Pour ces ou­vriers qui ar­ri­vaient sans maî­tresses, les Yan­kees firent amé­na­ger des bor­dels en­core plus vastes que le vil­lage, «et par un glo­rieux mer­credi, ils firent ve­nir tout un convoi d’inimaginables pu­tains, fe­melles ba­by­lo­niennes rom­pues à des pro­cé­dés im­mé­mo­riaux et pour­vues de toutes sortes d’onguents et ac­ces­soires pour sti­mu­ler les désar­més, dé­gour­dir les ti­mides, as­sou­vir les vo­races» 3. La pu­tas­se­rie s’étendit à cer­taines fa­milles na­tives, dont les fi­nirent par se vendre au contre­maître en­jô­leur pour quelques pe­sos.

  1. En «un cal­le­jón con un río en un ex­tremo». Icône Haut
  2. En es­pa­gnol «que han de­jado de pres­tar ser­vi­cio a la crea­ción». Icône Haut
  1. En es­pa­gnol «y un miér­coles de glo­ria, lle­va­ron un tren car­gado de pu­tas in­ve­rosí­miles, hem­bras ba­biló­ni­cas adies­tra­das en re­cur­sos in­me­mo­riales, y pro­vis­tas de toda clase de ungüen­tos y dis­po­si­ti­vos para es­ti­mu­lar a los inermes, des­pa­bi­lar a los tí­mi­dos, sa­ciar a los vo­races». Icône Haut