« Hàn Mặc Tử : un malheureux prodige »

dans « Des Poètes de ma terre lointaine » (éd. Publibook, Paris), p. 23-43

dans «Des de ma loin­taine» (éd. Pu­bli­book, Pa­ris), p. 23-43

Il s’agit de M. Nguyễn Trọng Trí, plus connu sous le sur­nom de Hàn Mặc Tử («l’ du Pin­ceau et de l’Encre» 1), poète . Né à Lệ Mỹ, quar­tier ca­tho­lique de la ville de Đồng Hới, il re­çut à sa confir­ma­tion le nom de Fran­çois Trí. D’après son frère, il fut un gar­çon vi­gou­reux, es­piègle et tur­bu­lent, pas­sionné d’exercices phy­siques, jusqu’au jour où, se bai­gnant comme il avait cou­tume de le faire, il fut em­porté au large et faillit se noyer. Dès lors, il de­vint crain­tif et ta­ci­turne, et s’enferma dans la bi­blio­thèque de la ville, au point que ses amis le sur­nom­mèrent «l’opiomane des ». Bien­tôt le lit­té­raire le tenta, et quit­tant la mai­son fa­mi­liale, il par­tit à Saï­gon. Mais à la fin de l’année 1936, il constata avec stu­peur l’apparition des pre­miers symp­tômes de la lèpre. Au mal­heur de l’implacable d’une ma­la­die ré­pu­tée in­cu­rable s’ajouta pour M. Hàn Mặc Tử la cruelle né­ces­sité de re­non­cer au qu’il pro­je­tait. Fai­sant ap­pel à la tra­di­tion­nelle, fuyant les contrôles sa­ni­taires, ne don­nant plus signe de à ses pa­rents et amis, le ma­lade s’isola suc­ces­si­ve­ment dans dif­fé­rents gîtes de mi­sère. C’était un grand ef­fort pour lui d’écrire de ses mains ré­trac­tées; il fris­son­nait de ; il dé­li­rait. Avant sa , il ré­di­gea de nom­breux poèmes, qui peuvent être di­vi­sés en deux pé­riodes dis­tinctes : du­rant la pre­mière, le poète chanta l’ — un amour trop sou­vent char­nel, qui sen­tait le frus­tré et l’appétit in­as­souvi; du­rant la se­conde, tout op­po­sée à l’autre, il chanta avec fer­veur la beauté de la chré­tienne. «Tous les poètes en ce doivent se concen­trer en et y pui­ser leur », dit-il quelque part 2. «Le poète n’est pas un homme or­di­naire. In­vesti d’une mis­sion di­vine, il doit uti­li­ser ses ta­lents pour glo­ri­fier l’Être Su­prême et ré­vé­ler aux hommes la beauté de la afin qu’ils puissent s’en rendre compte et en jouir. Les poètes qui ne savent pas mettre leur ta­lent au ser­vice du Bien et du Beau en se­ront pri­vés en d’une sanc­tion di­vine, au su et au vu de tout le monde.» Le mou­rant fut fi­na­le­ment em­mené à la lé­pro­se­rie de Qui Hòa, et mal­gré les soins les plus at­ten­tifs qui lui furent pro­di­gués par les sœurs de Saint-Fran­çois d’Assise, il ren­dit l’ le 11 no­vembre 1940. Un poème en , tracé à grand-peine, trouvé dans ses , re­mer­ciait le in­las­sable de ces re­li­gieuses : «Anges du , anges de Dieu, anges de et de Gaieté… ver­sez avec ef­fu­sion les , le et le parmi les ser­vantes de Dieu. — Fran­çois Trí».

Il n’existe pas moins de deux tra­duc­tions fran­çaises des poèmes, mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. Đông Phong 3.

«Xuân trẻ, xuân non, xuân lịch sự,
Tôi đều nhận thấy trên môi em,
Làn môi mong mỏng tươi như máu,
Đã khiến môi tôi mấp máy thèm.
Từ lúc tóc em bỏ trái đào
Tới chừng cặp má đỏ au au,
Tôi đều nhận thấy trong con mắt
Một vẻ thơ ngây và ước ao.»
— Poème dans la ori­gi­nale

«Prin­temps jeune, prin­temps fra­gile, prin­temps élé­gant,
Tous ces prin­temps, je les ai vus sur tes lèvres rou­gies,
Ces lèvres minces et fraîches comme le ,
Qui ont fait trem­bler mes propres lèvres d’envie.
De­puis que la coupe en pêches 4 a quitté tes che­veux
Jusqu’au pré­sent où tes joues ont bien rosi,
J’ai tou­jours aperçu dans tes yeux
Une lueur d’innocence mais pleine de dé­sirs.»
— Poème dans la tra­duc­tion de M. Đông Phong

«Le prin­temps jeune, tendre, ,
Je le re­con­nais sur tes lèvres,
Tes lèvres fines, écla­tantes de vie
Qui font fré­mir les miennes de dé­sir
De­puis le temps où tu lais­sais les mèches de tes che­veux
Frô­ler tes joues ver­meilles
J’ai tou­jours vu dans tes yeux
L’innocence et l’espoir»
— Poème dans la tra­duc­tion de Mmes Hé­lène Pé­ras et Vu Thi Bich (Hàn Mặc Tử, «Le Ha­meau des ro­seaux : soixante poèmes», éd. Ar­fuyen, coll. Neige, Pa­ris)

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  1. On ren­contre aussi la gra­phie Hàn Mạc Tử qui si­gni­fie «l’Homme der­rière le Ri­deau Glacé». Icône Haut
  2. Lettre in­ti­tu­lée «Quan niệm thơ» et adres­sée à son ami Hoàng Trọng Miên. Icône Haut
  1. Pseu­do­nyme de M. Nguyễn Tấn Hưng. Icône Haut
  2. La coupe de che­veux que portent les . Icône Haut