Icône Mot-clefpoésie iambique grecque

su­jet

Callinos, « Chant guerrier »

dans Tyrtée, « Les Chants », XIXᵉ siècle, p. 44-49

dans Tyr­tée, «Les Chants», XIXe siècle, p. 44-49

Il s’agit du «Chant guer­rier» («Âisma» 1) de Cal­li­nos d’Éphèse 2. Sauf Ho­mère et peut-être Hé­siode, Cal­li­nos est le plus an­cien poète connu (VIIe siècle av. J.-C.). Dans le où il vi­vait, les Cim­mé­riens, ve­nus d’, avaient en­vahi l’ et at­ta­quaient les ci­tés io­niennes, qui étaient elles-mêmes en proie à des dis­sen­sions ré­centes, si bien que la était par­tout. Au mi­lieu de tels bou­le­ver­se­ments, il était im­pos­sible à un poète de ne pas chan­ter la guerre, qu’il voyait me­na­çante aux portes de sa cité. Ses com­pa­triotes, tout amol­lis par la tran­quille jouis­sance de la ha­bi­tuelle, son­geaient peu à se dé­fendre. Cal­li­nos es­saya de les sor­tir de cette es­pèce de lé­thar­gie dans la­quelle ils étaient en­se­ve­lis : «Quand donc mar­che­rez-vous? Qui vous re­tient, ? De­vant vos com­pa­gnons, ne rou­gis­sez-vous pas? Sans , lorsqu’au loin Mars étend sa fu­rie, vous croyez être en paix. L’ennemi vous at­tend!…» 3 Son «Chant guer­rier», conservé par Stra­bon, est un éner­gique ap­pel aux , une vé­hé­mente Mar­seillaise, qui an­nonce la ma­nière de Tyr­tée, à qui cer­tains ont voulu l’attribuer. On peut en ad­mi­rer, si on lit le grec, «le mou­ve­ment ca­dencé et un peu lourd des dis­tiques, les so­lides at­taches des phrases, et sur­tout les sons mâles et un peu durs de la de Cal­li­nos» 4. Cal­li­nos est aussi le pre­mier qui, se­lon le té­moi­gnage de Stra­bon, mit en vogue la lé­gende d’Apollon Smin­thien, c’est-à-dire Apol­lon « des rats». Cette œuvre my­tho­lo­gique est per­due. Mais le cha­pitre sur les sou­ris dans «La Per­son­na­lité des » d’Élien per­met d’en re­cons­ti­tuer le su­jet : Des Cré­tois, qui à cause d’un dé­sastre vou­laient quit­ter leur pays pour al­ler s’établir ailleurs, de­man­dèrent à Apol­lon de leur dé­si­gner un bon en­droit. L’oracle leur or­donna de s’établir à l’endroit où des «êtres nés de la » («gê­ge­neis» 5) vien­draient leur faire la guerre. S’étant em­bar­qués, ils par­vinrent aux en­vi­rons de la fu­ture Ha­maxi­tos et y trou­vèrent un abri conve­nable pour se re­po­ser. Mais pen­dant leur som­meil, des rats sor­tirent de terre de tous cô­tés et vinrent ron­ger les cour­roies de leurs et les cordes de leurs arcs. À leur ré­veil, s’étant sou­ve­nus de l’oracle, les Cré­tois crurent en avoir com­pris le sens; et comme, par ailleurs, toutes leurs armes étaient hors d’état de ser­vir, ils s’établirent en ce lieu et consa­crèrent une fa­meuse sta­tue à Apol­lon, qui le re­pré­sen­tait de­bout, le pied posé sur un rat. 6

  1. En grec «ᾎσμα». Icône Haut
  2. En grec Καλλῖνος. Au­tre­fois trans­crit Kal­li­nos ou Cal­li­nus. Icône Haut
  3. p. 47. Icône Haut
  1. Georges Le Bi­dois, «Études d’analyse ap­pli­quée aux . Le Ly­risme», p. 307. Icône Haut
  2. En grec γηγενεῖς. Icône Haut
  3. Cette sta­tue, comme d’autres, sera plus tard des­cen­due et traî­née par des cordes à , non tant pour or­ner les places de la ca­pi­tale chré­tienne, que pour dé­pouiller de leurs or­ne­ments les an­ciens païens. Icône Haut

Tyrtée, « Les Chants »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Tyr­tée 1, poète (VIIe siècle av. J.-C.), fon­da­teur de l’élégie guer­rière, qui chanta le de com­battre et de mou­rir pour la pa­trie; l’indigence et l’éternel op­probre at­ta­chés au lâche; l’ qui ré­com­pense le hé­ros en le fai­sant vivre dans une éter­nelle ; bref, la mar­tiale éle­vée au-des­sus de tout. Nous n’avons plus de Tyr­tée que trois chants. Ils suf­fisent à jus­ti­fier les pro­di­gués par Pla­ton qui, dans son pre­mier livre des «», dit : «Ô Tyr­tée, chantre di­vin, tu es à mes yeux un et ver­tueux» 2; et Ho­race qui, dans son «Art », écrit qu’à la suite de «Tyr­tée, dont les vers ani­maient au com­bat les cœurs , les ne ré­pon­dirent plus qu’en vers» 3. Mais le plus bel éloge de tous est ce­lui que lui donna le fa­meux chef des trois cents Spar­tiates, Léo­ni­das, lorsqu’il ré­pon­dit à quelqu’un qui vou­lait sa­voir en quel de­gré d’estime il te­nait Tyr­tée : «Je le crois propre», af­firma-t-il 4, «à ins­pi­rer de l’ardeur aux jeunes gens. Ses poé­sies les pé­nètrent d’un sen­ti­ment si vif d’enthousiasme, que dans les com­bats ils af­frontent sans mé­na­ge­ment les plus grands dan­gers». D’un art très simple, ses vers ar­rivent pour­tant à ar­ra­cher les au­di­teurs aux pe­ti­tesses du pré­sent en les for­çant de vé­né­rer le . On y en­tend le cli­que­tis des , les cris de et de vic­toire; on y sent avec un autre poète 5 que «l’acier, le fer, le marbre ne sont rien; il n’est qu’un seul rem­part : le bras du ci­toyen». Ce n’est pas éton­nant qu’avec tant de pa­trio­tique, Tyr­tée ait en­flammé les cœurs des jeunes Spar­tiates, si in­flam­mables par ailleurs. Il est dom­mage que le peu qui nous reste de lui ne soit pas plus étendu ou mieux connu. «Les vers de Tyr­tée sont un des plus éner­giques en­cou­ra­ge­ments au que pré­sente la lit­té­ra­ture, et aussi l’un des plus simples, l’un de ceux qui, par la clarté de la forme et la vi­va­cité de l’, sont le plus as­su­rés de trou­ver, tou­jours et par­tout, le che­min du cœur», ex­plique Al­fred Croi­set

  1. En grec Τυρταῖος. Par­fois trans­crit Tir­tée ou Tyrtæus. Icône Haut
  2. En grec «Ὦ Τύρταιε, ποιητὰ θειότατε, δοκεῖς… σοφὸς ἡμῖν εἶναι καὶ ἀγαθός». Icône Haut
  3. En «Tyrtæusque mares ani­mos in Mar­tia bella / Ver­si­bus exa­cuit; dictæ per car­mina sortes». Icône Haut
  1. Dans Plu­tarque, «Les Vies des hommes illustres», vies d’Agis et de Cléo­mène. Icône Haut
  2. Al­cée. Icône Haut

Pindare, « Olympiques • Pythiques • Néméennes • Isthmiques • Fragments »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Pin­dare 1, poète (Ve siècle av. J.-C.). Pau­sa­nias rap­porte «qu’étant tout jeune et s’en al­lant à Thes­pies pen­dant les grandes cha­leurs, Pin­dare fut sur­pris du som­meil vers le mi­lieu de la jour­née, et que s’étant mis hors du che­min pour se re­po­ser, des abeilles vinrent faire leur miel sur ses lèvres; ce qui fut la pre­mière marque du que de­vait avoir Pin­dare à la » 2. Car cette mer­veille, qu’on dit être aussi ar­ri­vée par la suite à Pla­ton et à saint Am­broise, a tou­jours été ée comme le d’une ex­tra­or­di­naire ha­bi­leté dans le dis­cours. Plu­tarque cite Pin­dare plus d’une fois, et tou­jours avec éloge. Ho­race le pro­clame le pre­mier des ly­riques et se sert de cette com­pa­rai­son éner­gique 3 : «Comme des­cend de la mon­tagne la course d’un fleuve que les pluies ont en­flé par-des­sus ses rives fa­mi­lières; ainsi bouillonne et se pré­ci­pite, im­mense, Pin­dare à la bouche pro­fonde». On peut dire que Pin­dare était très dé­vot et très re­li­gieux en­vers les , et l’on en voit des preuves dans plu­sieurs de ses frag­ments, comme quand il dit «que l’ ne sau­rait, avec sa faible , pé­né­trer les des­seins des dieux» 4. Et un peu plus loin : «Les âmes des im­pies volent sous le , au­tour de la , en proie à de cruelles dou­leurs, sous le joug de maux in­évi­tables. Mais au ciel ha­bitent les âmes des dont la cé­lèbre, dans des , la grande di­vi­nité» 5. Pla­ton ap­pelle Pin­dare «di­vin» («theios» 6) et rap­porte quan­tité de té­moi­gnages de ce poète sur la sur­vi­vance de l’ hu­maine après la  : «Pin­dare dit que l’âme hu­maine est im­mor­telle; que tan­tôt elle s’éclipse (ce qu’il ap­pelle mou­rir), tan­tôt elle re­pa­raît, mais qu’elle ne pé­rit ja­mais; que pour cette , il faut me­ner la la plus sainte pos­sible, car “les âmes qui ont payé à Pro­ser­pine la dette de leurs an­ciennes fautes, elle les rend au bout de neuf ans à la lu­mière du » 7. Hé­las! ce beau ap­par­tient à quelque ode de Pin­dare que nous n’avons plus. De tant d’œuvres du fa­meux poète, il n’est resté, pour ainsi dire, que la por­tion la plus pro­fane. Ses hymnes à Ju­pi­ter, ses péans ou chants à Apol­lon, ses di­thy­rambes, ses hymnes à Cé­rès et au Pan, ses pro­so­dies ou chants de pro­ces­sion, ses hymnes pour les vierges, ses hy­por­chèmes ou chants mê­lés aux danses re­li­gieuses, ses en­thro­nismes ou chants d’inauguration sa­cer­do­tale, toute sa en­fin s’est per­due dès long­temps, dans la ruine même de l’ancien culte. Il ne s’est conservé que ses cé­lé­brant les quatre de la  : les jeux py­thiques ou de Delphes, les jeux isth­miques ou de Co­rinthe, ceux de Né­mée et ceux d’Olympie.

  1. En grec Πίνδαρος. Icône Haut
  2. « de la Grèce», liv. IX, ch. XXIII. Icône Haut
  3. «Odes», liv. IV, poème 2. Icône Haut
  4. p. 299. Icône Haut
  1. p. 310. Icône Haut
  2. En grec θεῖος. Icône Haut
  3. «Mé­non», 81b. Cor­res­pond à p. 310. Icône Haut