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Hugo, « Les Châtiments »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Châ­ti­ments» et autres œuvres de (XIXe siècle). Il faut re­con­naître que Hugo est non seule­ment le pre­mier en rang des de fran­çaise, de­puis que cette langue a été fixée; mais le seul qui ait un vrai­ment à ce titre d’écrivain dans sa pleine ac­cep­tion. Toutes les ca­té­go­ries de l’ lit­té­raire se trouvent en lui dé­jouées. La qui vou­drait dé­mê­ler cette ti­ta­nique, stu­pé­fiante, te­nant quelque chose de la di­vi­nité, est en pré­sence du pro­blème le plus in­so­luble. Fut-il poète, ro­man­cier ou pen­seur? Fut-il spi­ri­tua­liste ou réa­liste? Il fut tout cela et plus en­core. Nou­veau Qui­chotte, cet est allé por­ter ses pas sur tous les che­mins de l’esprit, mon­ter sur toutes les bar­ri­cades qu’il ren­con­trait, sou­tien des faibles et pour­fen­deur des ty­rans, son­neur de clai­rons et amant de la vio­lette; si bien qu’aucune des fa­milles qui se par­tagent l’espèce hu­maine au et au mo­ral ne peut se l’attribuer en­tiè­re­ment. Tan­tôt égal à la , com­paré à la mon­tagne, rap­pro­ché du , as­si­milé à l’ouragan, tan­tôt phi­lo­sophe, re­dres­seur des abus du siècle, pro­fes­seur d’histoire et guide , tan­tôt chargé d’apitoyer le sur la femme, de le mettre à ge­noux de­vant le vieillard pour le vé­né­rer et de­vant l’enfant pour le conso­ler, il fut je ne sais quel suc­cé­dané de la . Avec sa , c’est un monde cy­clo­péen d’idées et d’impressions qui est parti, un conti­nent de gra­nit qui s’est dé­ta­ché et a roulé avec fra­cas au fond des abîmes. «Qui pour­rait dire : “J’aime ceci ou cela dans Hugo”?», dit Édouard Dru­mont 1. «Comme l’océan, comme la mon­tagne, comme la fo­rêt, ce éveille l’idée de l’. Ce qu’on aime dans l’océan, ce n’est point une vague, ce sont des vagues in­ces­sam­ment re­nou­ve­lées; ce qu’on aime dans la fo­rêt, ce n’est point un arbre ou une feuille, ce sont ces mil­liers d’ et ces mil­liers de feuilles qui confondent leur ver­dure et leur bruit.»

  1. «Vic­tor Hugo de­vant l’opinion», p. 104. Icône Haut

Botev, « Œuvres choisies »

éd. en Langues étrangères, Sofia

éd. en Langues étran­gères, So­fia

Il s’agit de l’œuvre de Hristo Bo­tev 1, ré­vo­lu­tion­naire et poète de pre­mier ordre, sous les coups des Turcs en 1876. Il n’a laissé qu’une ving­taine de poèmes, mais qui se sont en­vo­lés en chan­tant tout au-des­sus de la , dont ils sont de­ve­nus le qui l’illumine — elle et les libres tra­vaillant à sa li­bé­ra­tion. M. Ilia Bé­ch­kov écrit à Pa­ris : «Pour­quoi chan­tons-nous les de Bo­tev, tan­dis que des fris­sons par­courent notre ? Qu’avons-nous reçu de ses faibles mains pour que notre gra­ti­tude en­vers lui de­vienne si grande, et que nous soyons si im­puis­sants de­vant elle?… Sans Bo­tev, il n’y a pas de Bul­ga­rie! Sur cette d’, il est de­venu le … Même dans les jours les plus nua­geux et les plus ora­geux, la terre bul­gare aura son so­leil — Bo­tev!» 2 C’est qu’à tra­vers ses poèmes, Bo­tev a lé­gué aux gé­né­ra­tions fu­tures un tes­ta­ment de et de à réa­li­ser — tes­ta­ment si riche d’idéals qu’il forme un tré­sor in­ta­ris­sable et se re­nou­ve­lant tou­jours où les Bul­gares puisent en­core aujourd’hui. L’époque de Bo­tev peut se ré­su­mer en quelques mots : na­tio­nal, op­pres­sion , lutte so­ciale. La grande qu’a Bo­tev du ter­rible et du tra­gique de cette époque se ré­pand à tra­vers toute son œuvre. Déjà ses pre­miers poèmes tracent un sai­sis­sant des mal­heurs po­pu­laires : les chaînes grondent sour­de­ment; la sueur des fronts coule sur les pierres tom­bales; la croix s’enfonce en plein mi­lieu des chairs vives du  3; la rouille ronge les os. Dans «À mon pre­mier » 4, Bo­tev condamne ré­so­lu­ment toute in­dif­fé­rence de­vant ces mal­heurs et tout re­tran­che­ment dans un privé, dé­ta­ché du des­tin col­lec­tif :

«Ta est belle, tu es jeune,
Mais en­tends-tu chan­ter les bois?
En­tends-tu san­glo­ter les ?
…Toi chante donc un chant pa­reil,
Un chant de , jeune fille :
Com­ment le frère vend le frère,
Com­ment dé­pé­rit la ,
Chante les larmes de la veuve,
Les pe­tits sans foyer!
Chante ou tais-toi, ou bien va-t’en!
»

  1. En bul­gare Христо Ботев (ou Ботьов). Au­tre­fois trans­crit Christo Bo­teff (ou Bo­tyoff), Christo Bo­tev (ou Bo­tyov), Khristo Bo­tev (ou Bo­tyov) ou Hristo Bot­jov. Icône Haut
  2. «За Ботев» («À pro­pos de Bo­tev»), in­édit en . Icône Haut
  1. Al­lu­sion à la ty­ran­nie du , qui avait pris à tâche d’anéantir tout ce qui avait nom bul­gare. Icône Haut
  2. En bul­gare «До моето първо либе». Icône Haut

Héraclite, « Fragments »

éd. Presses universitaires de France, coll. Épiméthée, Paris

éd. Presses uni­ver­si­taires de , coll. Épi­mé­thée, Pa­ris

Il s’agit de frag­ments d’un rou­leau que le phi­lo­sophe Hé­ra­clite d’Éphèse 1 dé­posa, au Ve siècle av. J.-C., dans le d’Artémis. On dis­pute sur la ques­tion de sa­voir si ce rou­leau était un suivi, ou s’il consis­tait en pen­sées iso­lées, comme celles que le ha­sard des nous a conser­vées. Hé­ra­clite s’y ex­pri­mait, en tout cas, dans un condensé, propre à éton­ner; il pre­nait à la fois le ton d’un pro­phète et le d’un phi­lo­sophe; il ten­tait avec une rare au­dace de conci­lier l’tout est un» 2) et le chan­ge­ment («tout s’écoule» 3). De là, cette épi­thète d’«obs­cur» si sou­vent ac­co­lée à son nom, mais qui ne me pa­raît pas moins exa­gé­rée, car : «Certes, la lec­ture d’Héraclite est d’un abord rude et dif­fi­cile. La est sombre, les té­nèbres sont épaisses; mais si un ini­tié te guide, tu ver­ras clair dans ce livre plus qu’en plein » 4. À cette ap­pa­rente obs­cu­rité s’ajoutait chez Hé­ra­clite un fond de hau­teur et de fierté qui lui fai­sait mé­pri­ser presque tous les hommes. Il dé­dai­gnait même la des , et ce dé­dain était porté si loin, qu’il leur criait des . Pour au­tant, il n’était pas un in­sen­sible, et quand il s’affligeait des mal­heurs qui forment l’ hu­maine, les larmes lui mon­taient aux yeux. La tra­di­tion rap­porte qu’Héraclite mou­rut dans le temple d’Artémis où «il s’était re­tiré et jouait aux os­se­lets avec des » 5. Se­lon Frie­drich Nietzsche, s’il est vrai que l’on a vu ce par­ti­ci­per aux bruyants des en­fants, c’est qu’il pen­sait, en les ob­ser­vant, à ce que per­sonne n’a pensé à cette oc­ca­sion : il pen­sait au jeu du grand En­fant uni­ver­sel, c’est-à-dire  : «Hé­ra­clite», dit Nietzsche 6, «n’a pas eu be­soin des hommes, même pas pour ac­croître ses connais­sances. Tout ce qu’on pou­vait éven­tuel­le­ment ap­prendre en ques­tion­nant les hommes et tout ce que les autres s’étaient ef­for­cés d’obtenir… lui im­por­tait peu. Il par­lait sans en faire grand cas de ces hommes qui in­ter­rogent, qui col­lec­tionnent, bref, de ces “”. “Je me suis cher­ché” 7, di­sait-il de lui-même en em­ployant le mot qui dé­fi­nit l’ d’un oracle; comme s’il était le seul, lui et per­sonne d’autre, à vé­ri­ta­ble­ment réa­li­ser et ac­com­plir le pré­cepte del­phique “Connais-toi toi-même”.»

  1. En grec Ἡράκλειτος ὁ Ἐφέσιος. Icône Haut
  2. En grec «ἓν πάντα εἶναι». p. 23. Icône Haut
  3. En grec «πάντα ῥεῖ». p. 467. Icône Haut
  4. En grec «Μὴ ταχὺς Ἡρακλείτου ἐπ’ ὀμφαλὸν εἴλεε βίϐλον τοὐφεσίου· μάλα τοι δύσϐατος ἀτραπιτός. Ὄρφνη καὶ σκότος ἐστὶν ἀλάμπετον· ἢν δέ σε μύστης εἰσαγάγῃ, φανεροῦ λαμπρότερ’ ἠελίου». dans «An­tho­lo­gie grecque, d’après le ma­nus­crit pa­la­tin». Icône Haut
  1. Dio­gène Laërce, «Vies et Doc­trines des phi­lo­sophes illustres». Icône Haut
  2. «La à l’époque tra­gique des Grecs», p. 364. Icône Haut
  3. En grec «ἐδιζησάμην ἐμεωυτόν». p. 229. Icône Haut