Il s’agit de Khagani Chirvani1 (XIIe siècle apr. J.-C.), excellent poète persan, chantre attitré du sultan de la principauté de Chirvan2 (Azerbaïdjan). Il s’est décrit lui-même en ces mots : « Je suis grand, je suis du nombre des esprits ; je suis du monde occulte et je suis saint par ma naissance. Comment est-il donc possible que mon être puisse se laisser subjuguer par la matière ? La raison me servit de gouvernante ; ma nourriture était la loi du Prophète ; l’esprit était mon berceau »3. Il naquit à Chamakha4, chef-lieu du Chirvan, d’un père musulman et d’une mère chrétienne, mais il fut bientôt abandonné aux soins de son oncle, Mirza Kafi, médecin et droguiste. Cet oncle eut une grande influence sur la jeunesse de notre poète. C’est lui qui, chaque soir, après avoir fermé sa boutique, lui enseignait la langue arabe, la médecine, l’astronomie et la métaphysique. Malgré tout son attachement pour son neveu, le pédagogue oriental, fidèle au système d’éducation généralement admis, avait souvent recours au bâton pour stimuler le zèle de son élève. Le poète parle de ces corrections corporelles d’une manière originale ; il dit notamment : « En ai-je mangé du gourdin dans sa boutique ! Il m’amollissait par le bâton comme on amollit une grenade. On compte parmi les miracles de Moïse qu’en jetant sa baguette, il la convertissait en serpent ; mais mon oncle découvrait le vrai dans mon cœur au moyen de sa baguette, et il traçait sur mon corps les figures des serpents de Moïse »5. Khagani épousa une villageoise, à cause de laquelle il devint la cible des moqueries des courtisans. Et pourtant, il refusa d’épouser une autre femme et resta auprès de la sienne, qui était faible et d’une constitution maladive. Voici ce qu’il dit dans une lettre : « Pendant les temps des maladies, c’était moi qui prenais soin de cette défunte, son serviteur, et qui lui présentais la cuvette et lui donnais de l’eau pour se laver les mains ; et quand elle a quitté ce monde, comme il était entendu entre nous, je suis parti de Chirvan. Je jure sur la personne de Dieu, qu’il n’y a aucune autre cause qui puisse me tenir éloigné de mon pays, bien que l’ami et l’ennemi pensent autrement ; mais ce que j’ai dit c’est la vérité même »6. La perte de sa femme inspira au poète trois pièces de vers, dont la première se remarque par l’expression vraie du sentiment qui l’a dictée. De toutes les poésies de Khagani, c’est la seule où il apparaît un homme sincère, la douleur lui faisant oublier, l’espace d’un moment, son langage apprêté et son érudition convenue :
« Sans toi, il ne reste plus pour moi sur toute la face du ciel un seul rayon de soleil. Je ne trouverai jamais au fond de mon cœur ni joie ni bonheur. En pensant à toi, je ne vois dans le miroir de mon cœur que des nuages de l’âme, et jusqu’au moment de notre rencontre dans l’autre monde, mon cœur ne conçoit plus de félicité dans celui-ci »7.
métaphores alambiquées et énigmatiques, qui n’ont d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue
Ayant finalement pris la Cour en dégoût, Khagani décida de se retirer du monde, mais le sultan, qui l’aimait beaucoup, ne consentit jamais à cette retraite et lui refusa toujours le congé qu’il demandait avec instance. Cela obligea Khagani de prendre la fuite pour embrasser la vie libre, à laquelle il aspirait tant. Cependant, son dessein ne lui réussit pas. Car des officiers, l’ayant arrêté, l’amenèrent dans la casemate de Chabran, où il fut enfermé pendant sept mois par ordre du sultan. C’est dans cette prison qu’il écrivit des élégies pleines de lamentation qui devinrent célèbres sous le titre de « Habsyjjé »8 (« En prison »). Elles se distinguent par leur style maniériste, leurs métaphores alambiquées et énigmatiques, qui n’ont d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue :
« Le matin, mon soupir s’envole, semblable à un voile léger comme la fumée, et le sang répand une teinte d’aurore sur mes yeux fatigués de mesurer la profondeur de la nuit… Jette les yeux sur les dragons roulés en anneaux et engourdis sous les pans de ma robe [c’est-à-dire sur mes chaînes] ; je n’ose pas bouger de peur de les réveiller… Pour que les deux enfants indiens [c’est-à-dire mes yeux noirs] ne soient pas effrayés dans leur berceau [c’est-à-dire dans leur orbite], je cache sous les pans de ma robe les dragons qui me rongent l’âme »9.
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- Ahmed Ateş, « Recueil de lettres de Xāqānī-i Şirwānī (Munşa’āt-i Xāqānī) » dans « Труды двадцать пятого международного конгресса востоковедов. Tome II » (éd. Издательство восточной литературы, Moscou), p. 356-362
- Barthélemy d’Herbelot, « Bibliothèque orientale, ou Dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de l’Orient. Tome II » (XVIIe siècle) [Source : Google Livres]
- Zia-oddin Sadjadi, « Mithra et le Christ dans la poésie de Khaghani : VIe siècle de l’hégire, XIIe siècle [apr. J.-C.] » dans « Iran ancien : actes du XXIXe Congrès international des orientalistes » (éd. L’Asiathèque, Paris).
- En persan خاقانی شروانی. Autrefois transcrit Hrâqâni, Xāqānī, Ḵāqāni, Khāqāni, Khaqany, Khaghany, Khaghani, Hakani, Khâkâni ou Khâcâni.
- En azéri Şirvan. Autrefois transcrit Sharvan, Chirwan, Schirwan, Çirwan, Shirvan, Širvān ou Šervān.
- p. 46-47.
- En azéri Şamaxı. Parfois transcrit Chemakha, Shamakha, Šamāḵa, Schamachie, Schamakiè, Shamakhi ou Chamakhi.
- p. 12.