Ji Junxiang, « L’Orphelin de la maison de Tchao : tragédie chinoise »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de « L’Orphelin de la mai­son de Zhao »1 (« Zhao­shi gu’er »2), tra­gé­die chi­noise de Ji Jun­xiang3 (XIVe siècle apr. J.-C.). C’est le père Jo­seph-Henri de Pré­mare, de l’Ordre des Jé­suites, qui, après trente ans de sé­jour, tra­dui­sit à Pé­kin cette tra­gé­die. Faite en 1731, sa tra­duc­tion fut le pre­mier échan­tillon sur le­quel on pût ju­ger en Eu­rope du théâtre chi­nois, dont elle ré­véla du même coup l’existence. L’abbé ita­lien Mé­ta­stase en fit une imi­ta­tion dans sa langue, sous le titre du « Hé­ros chi­nois » (« L’Eroe ci­nese ») ; Vol­taire, sous le titre de « L’Orphelin de la Chine » ; Gœthe, sous le titre d’« El­pé­nor » ; etc. Ainsi, cette pièce fut un mo­nu­ment pré­cieux qui ser­vit à faire connaître l’esprit de la Chine plus que toutes les re­la­tions qu’on avait pu­bliées jusque-là de ce vaste Em­pire. « Il est vrai que cette pièce est toute bar­bare en com­pa­rai­son des bons ou­vrages de nos jours », dit Vol­taire4, « mais aussi c’est un chef-d’œuvre, si on la com­pare à nos pièces du XIVe siècle. Cer­tai­ne­ment, nos trou­ba­dours, notre Ba­soche5, la so­ciété des En­fants sans souci et de la Mère sotte n’approchaient pas de l’auteur chi­nois… C’est un en­tas­se­ment d’événements in­croyables… Le per­sé­cu­teur fait mou­rir trois cents per­sonnes de la mai­son de Tchao. La prin­cesse, veuve, ac­couche de l’orphelin. On dé­robe cet en­fant à la fu­reur de ce­lui qui a ex­ter­miné toute la mai­son et qui veut en­core faire pé­rir au ber­ceau le seul qui reste. Cet ex­ter­mi­na­teur or­donne qu’on égorge dans les vil­lages d’alentour tous les en­fants, afin que l’orphelin soit en­ve­loppé dans la des­truc­tion gé­né­rale. On croit lire les “Mille et une Nuits” en ac­tion et en scènes ; mais… mal­gré la foule des évé­ne­ments, tout est de la clarté la plus lu­mi­neuse… ; et ce mé­rite manque à beau­coup de nos pièces mo­dernes. » Quant à notre au­teur, Ji Jun­xiang, sa bio­gra­phie est presque in­con­nue. Ori­gi­naire de Pé­kin, il com­posa six pièces de théâtre, dont seule celle-ci nous est par­ve­nue.

Il n’existe pas moins de trois tra­duc­tions fran­çaises de « L’Orphelin de la mai­son de Zhao », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle du père de Pré­mare.

「某想剪草除根,萌芽不發,乃詐傳靈公的命,差一使臣將著三般朝典,是弓弦,藥酒,短刀,著趙朔服那一般朝典身亡.某已分付他疾去早來,回我的話.」

— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Je ju­geai ce­pen­dant que, pour em­pê­cher une plante de pous­ser de nou­velles tiges, il fal­lait en ar­ra­cher jusqu’à la plus pe­tite ra­cine. Je contre­fis donc un ordre du roi et l’envoyai de sa part à Tchao-so, avec une corde, du vin em­poi­sonné et un poi­gnard, lui lais­sant la li­berté de choi­sir. J’ai or­donné qu’on al­lât promp­te­ment et qu’on re­vînt avec en­core plus d’empressement. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion du père de Pré­mare

« Ce­pen­dant, je pense que pour em­pê­cher un germe de re­pous­ser, il faut ex­tir­per la plante jusqu’à la ra­cine. J’ai fal­si­fié un ordre du duc et en­voyé un mes­sa­ger pour lui re­mettre les “trois pré­sents de la Cour”, à sa­voir une corde d’arc, du vin em­poi­sonné et un poi­gnard. J’accorde ainsi à Zhao Shuo le choix de choi­sir l’un des trois pour se don­ner la mort. J’ai déjà re­com­mandé au mes­sa­ger de s’y rendre promp­te­ment et de re­ve­nir aus­si­tôt me rendre compte des évé­ne­ments. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Mme Isa­bella Fa­la­schi (« L’Orphelin des Zhao » dans « Trois Pièces du théâtre des Yuan », éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris)

« En ré­flé­chis­sant en moi-même, je songe que le meilleur moyen d’empêcher une plante de pous­ser des re­je­tons, c’est d’en ex­tir­per les ra­cines. J’ai contre­fait un dé­cret de Ling-kong et j’ai en­voyé un mes­sa­ger pour por­ter de sa part trois pré­sents à Tchao-so : une corde d’arc, du vin em­poi­sonné et un poi­gnard, avec ordre de choi­sir et de se don­ner la mort. Je lui ai re­com­mandé de cou­rir promp­te­ment et de re­ve­nir aus­si­tôt me rendre ré­ponse. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Sta­nis­las Ju­lien (« L’Orphelin de la Chine : drame en prose et en vers », XIXe siècle)

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Ro­ger Dar­ro­bers, « Le Théâtre chi­nois » (éd. Presses uni­ver­si­taires de France, coll. Que sais-je ?, Pa­ris)
  • Zhong Yuan, « L’Éventail aux fleurs de pê­cher : re­cueil des tra­gé­dies de la Chine an­tique » (éd. en Langues étran­gères, Pé­kin).
  1. Par­fois tra­duit « L’Orphelin de la Chine » ou « L’Orphelin de la fa­mille Zhao ». Haut
  2. En chi­nois « 趙氏孤兒 ». Au­tre­fois trans­crit « Tschao-schi-ku-öhrl », « Chao-shi-cû-ell », « Tchao-chi-cou-euh », « Tchao-chi-kou-eul », « Tchao-chi-cou-eulh » ou « Chau shi ku eul ». Éga­le­ment connu sous le titre de « Zhao­shi gu’er da bao­chou » (« 趙氏孤兒大報仇 »), c’est-à-dire « La Grande Ven­geance de l’orphelin de la mai­son de Zhao ». Haut
  3. En chi­nois 紀君祥. Au­tre­fois trans­crit Gi Gün-siang, Chi Chün-hsiang ou Ki Kiun-siang. Haut
  1. « Pré­face à “L’Orphelin de la Chine” ». Haut
  2. En l’an 1303, le roi Phi­lippe le Bel ac­corda aux étu­diants en droit de Pa­ris et d’autres grandes villes le droit de se consti­tuer en confré­ries, dont l’une, la Ba­soche (du mot « ba­si­lique », salle gran­diose où se te­naient les tri­bu­naux ro­mains), fit mon­ter des pièces de théâtre, ap­pe­lées farces, so­ties ou mo­ra­li­tés. Haut