Il s’agit de « Pages sur la chambre » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
roman
Bhattacharya, « Le Festin des mendiants »
Il s’agit du « Festin des mendiants » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « La Couleur de ma mort »
Il s’agit de « La Couleur de ma mort » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Le Spectateur enchanté : poèmes »
Il s’agit du « Spectateur enchanté » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Le Sacrifice du cheval : roman »
Il s’agit du « Sacrifice du cheval » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
Bhattacharya, « Dieu à quatre têtes »
Il s’agit du « Dieu à quatre têtes » de M. Lokenath Bhattacharya, auteur hindou d’expression bengali et française. Il naquit à Bhatpara 1, ville aux bords du Gange. Chaque soir, assis sur les marches baignées par les eaux diaphanes, il contemplait les sommets des temples qui s’alignaient sur la rive d’en face, et le temps s’écoulait pour lui aussi paisiblement que les ondes du fleuve. La famille de M. Bhattacharya au sens le plus large demeurait sous un même toit : ses grands-parents paternels, ses parents et ses deux frères cadets, chacun avec son épouse et ses enfants. Tous faisaient partie d’un même ensemble, comme les feuilles d’un même arbre. Tous exerçaient, d’ailleurs, le même métier : c’étaient des professeurs de sanscrit, pieux et traditionnels. Lui, il avait horreur de leur austérité qui ne laissait aucune place aux épanchements : « Dans ma famille respectée [mais] orthodoxe, réactionnaire, la musique était un tabou. Je devais aller chanter dans les toilettes ! J’ai dû étudier le sanscrit avant le bengali » 2. Suite à une querelle familiale, ses parents quittèrent Bhatpara et s’installèrent à Calcutta : « une ville insupportable… une ogresse », dit-il 3. Il vécut l’éloignement du fleuve bien-aimé comme une blessure, une absence qui ne sera jamais comblée. À partir de 1950, il apprit le français à l’Alliance française de Calcutta et il put même partir en France, boursier de l’Université de Paris, grâce à un des élèves de son père. Puis, il découvrit la littérature française : « Rimbaud, un choc incroyable » 4. Il se lança bientôt dans une traduction bengali d’« Une Saison en enfer ». Ce fut même le premier livre auquel il apposa son nom, avant de s’attaquer, par une sorte de bizarre grand écart, à des traductions de Descartes (« Discours de la méthode »), de Romain Rolland (« Gandhi » et « Inde : journal »), de Molière (« Tartuffe »), de Sartre (« Les Mots ») et enfin d’Henri Michaux. Michaux, de son côté, fut le véritable introducteur en France des textes personnels de M. Bhattacharya, qu’il défendit auprès de divers éditeurs. Ces textes, écrits originellement en bengali, furent des occasions pour l’auteur de se relire, de sorte qu’il existe deux œuvres de M. Bhattacharya : une française et une bengali, la première réinventée à partir de la seconde.
La Cépède, « Histoire du chevalier Paris et de la belle Vienne »
Il s’agit de l’« Histoire du chevalier Paris et de la belle Vienne », roman en prose composé en 1432 apr. J.-C. par Pierre de La Cépède 1. Commençons par dire que ce vieux roman a reçu un accueil remarquable au XVe et XVIe siècle. Il n’en existe pas moins de huit manuscrits, suivis d’une douzaine d’éditions et de multiples traductions — pour la plupart anonymes — en italien, en allemand, en espagnol, en catalan, en flamand, etc. Sa fortune en Italie a dépassé même celle dans sa France natale, comme en témoignent les nombreuses versions en vers et en prose, tant à Milan et Vérone, qu’à Venise et Trévise. Ces versions italiennes constituent la source de traductions en yiddish, en arménien, etc., mais surtout elles sont à l’origine du chef-d’œuvre des lettres crétoises, l’« Érotocritos », traduit à son tour en roumain. L’œuvre originale a été écrite par le Marseillais Pierre de La Cépède, qui prétend remanier un « livre écrit en langue provençale » lui-même venu d’un « autre livre écrit en langue catalane ». La Cépède invoque souvent cette source, mais d’une façon toujours vague, sans qu’on puisse savoir si c’est là une rouerie d’auteur ou la réalité. À plusieurs reprises, on trouve comme une sorte de transition : « En cette partie dit le conte » 2 ; « Ici endroit dit le conte, et la vraie histoire nous témoigne » 3 ; « La vraie histoire nous raconte » 4, etc. Ce n’est pas sans une certaine ironie que le prologue cite, en guise d’épigraphe, cette pensée d’Alain de Lille : « Hoc crede quod tibi verum esse videtur », c’est-à-dire « Tu croiras les choses qui te sembleront être vraies ». En tout cas, adaptation du provençal ou œuvre originale, l’« Histoire du chevalier Paris et de la belle Vienne » est liée pour toujours au nom de La Cépède. Elle se distingue des autres productions de la même époque par un style simple et naïf, une facilité assez heureuse, une certaine chaleur dans l’expression de la passion : « Les personnages du Dauphin et de sa fille ont un assez puissant relief, Vienne surtout dans sa résistance obstinée à la volonté de son père. Paris est plus banal, plus conventionnel dans sa fidélité », dit Alfred Coville
Eun-ja Kang, « Les Promis : roman »
Il s’agit des « Promis » de Mme Eun-ja Kang, écrivaine coréenne d’expression française. Le français arriva jusqu’à sa ville natale de Haenam, en Corée du Sud, par l’entremise d’une enseignante sympathique, rêveuse et grassouillette que les élèves surnommèrent très vite « la Citrouille ». La Citrouille avait la particularité de n’enseigner le français que pendant une demi-heure et de passer tout le reste du temps à parler de la France. Les élèves préféraient cette façon de procéder, car la grammaire française, qu’ils comprenaient de moins en moins à mesure qu’ils en prenaient connaissance, les assommait ; tandis que Paris, la Seine, la tour Eiffel et la littérature les faisaient rêver. Dès l’abord, Mme Eun-ja Kang tomba éperdument amoureuse de la langue française. Une heure de cours par semaine ne suffisait pas à étancher sa soif, impatiente qu’elle était de conquérir cette langue qui s’imposa à elle d’emblée et de toute sa puissance. Heureusement pour elle, il lui suffisait d’aller voir la Citrouille dans la salle des professeurs pour obtenir réponse aux questions qui lui trottaient dans la tête. La Citrouille adorait la recevoir dans cette salle, non seulement parce qu’elle éprouvait du plaisir à aider une élève qui s’intéressait à la langue qu’elle enseignait, mais encore parce qu’elle marquait ainsi des points aux yeux de ses supérieurs. Un jour, elle tendit à Mme Eun-ja Kang un livre : « Le Petit Prince ». « L’as-tu lu ? », demanda la Citrouille 1. « Oui, Mme la Professeur. Je l’ai eu en cadeau d’anniversaire en première année du collège. — Sans doute pas le même. — Ah bon ? Parce qu’il y a plusieurs “Petit Prince” ? — Ouvre-le », dit-elle en souriant. Mme Eun-ja Kang souleva la couverture : une version bilingue ! Elle feuilleta le livre en regardant avec fascination les caractères français, quand la Citrouille lui dit : « Je te l’offre, Eun-ja ». Il faut savoir que les versions bilingues étaient très rares et donc très chères. Des larmes montèrent aux yeux de Mme Eun-ja Kang. Plus tard, quand elle décrocha une bourse d’études à l’Université de Séoul, on lui apporta un paquet de la part de la Citrouille. Elle trouva à l’intérieur un dictionnaire français-coréen flambant neuf, avec une carte lui souhaitant la réalisation de ses rêves. Quels beaux et précieux cadeaux ! Aujourd’hui, Mme Eun-ja Kang parle en français, pense en français, écrit des romans en français. « Je fais même l’amour en français », confie-t-elle 2. « J’ai consacré quinze ans de ma vie à apprendre le français et à l’apprivoiser… Imaginez que vous aimez depuis quinze ans une personne, et que cette personne vous prend [enfin] dans ses bras. C’est ce que je vis en ce moment. »
Eun-ja Kang, « Le Bonze et la Femme transie : roman »
Il s’agit du « Bonze et la Femme transie » de Mme Eun-ja Kang, écrivaine coréenne d’expression française. Le français arriva jusqu’à sa ville natale de Haenam, en Corée du Sud, par l’entremise d’une enseignante sympathique, rêveuse et grassouillette que les élèves surnommèrent très vite « la Citrouille ». La Citrouille avait la particularité de n’enseigner le français que pendant une demi-heure et de passer tout le reste du temps à parler de la France. Les élèves préféraient cette façon de procéder, car la grammaire française, qu’ils comprenaient de moins en moins à mesure qu’ils en prenaient connaissance, les assommait ; tandis que Paris, la Seine, la tour Eiffel et la littérature les faisaient rêver. Dès l’abord, Mme Eun-ja Kang tomba éperdument amoureuse de la langue française. Une heure de cours par semaine ne suffisait pas à étancher sa soif, impatiente qu’elle était de conquérir cette langue qui s’imposa à elle d’emblée et de toute sa puissance. Heureusement pour elle, il lui suffisait d’aller voir la Citrouille dans la salle des professeurs pour obtenir réponse aux questions qui lui trottaient dans la tête. La Citrouille adorait la recevoir dans cette salle, non seulement parce qu’elle éprouvait du plaisir à aider une élève qui s’intéressait à la langue qu’elle enseignait, mais encore parce qu’elle marquait ainsi des points aux yeux de ses supérieurs. Un jour, elle tendit à Mme Eun-ja Kang un livre : « Le Petit Prince ». « L’as-tu lu ? », demanda la Citrouille 1. « Oui, Mme la Professeur. Je l’ai eu en cadeau d’anniversaire en première année du collège. — Sans doute pas le même. — Ah bon ? Parce qu’il y a plusieurs “Petit Prince” ? — Ouvre-le », dit-elle en souriant. Mme Eun-ja Kang souleva la couverture : une version bilingue ! Elle feuilleta le livre en regardant avec fascination les caractères français, quand la Citrouille lui dit : « Je te l’offre, Eun-ja ». Il faut savoir que les versions bilingues étaient très rares et donc très chères. Des larmes montèrent aux yeux de Mme Eun-ja Kang. Plus tard, quand elle décrocha une bourse d’études à l’Université de Séoul, on lui apporta un paquet de la part de la Citrouille. Elle trouva à l’intérieur un dictionnaire français-coréen flambant neuf, avec une carte lui souhaitant la réalisation de ses rêves. Quels beaux et précieux cadeaux ! Aujourd’hui, Mme Eun-ja Kang parle en français, pense en français, écrit des romans en français. « Je fais même l’amour en français », confie-t-elle 2. « J’ai consacré quinze ans de ma vie à apprendre le français et à l’apprivoiser… Imaginez que vous aimez depuis quinze ans une personne, et que cette personne vous prend [enfin] dans ses bras. C’est ce que je vis en ce moment. »
Eun-ja Kang, « L’Étrangère »
Il s’agit de « L’Étrangère » de Mme Eun-ja Kang, écrivaine coréenne d’expression française. Le français arriva jusqu’à sa ville natale de Haenam, en Corée du Sud, par l’entremise d’une enseignante sympathique, rêveuse et grassouillette que les élèves surnommèrent très vite « la Citrouille ». La Citrouille avait la particularité de n’enseigner le français que pendant une demi-heure et de passer tout le reste du temps à parler de la France. Les élèves préféraient cette façon de procéder, car la grammaire française, qu’ils comprenaient de moins en moins à mesure qu’ils en prenaient connaissance, les assommait ; tandis que Paris, la Seine, la tour Eiffel et la littérature les faisaient rêver. Dès l’abord, Mme Eun-ja Kang tomba éperdument amoureuse de la langue française. Une heure de cours par semaine ne suffisait pas à étancher sa soif, impatiente qu’elle était de conquérir cette langue qui s’imposa à elle d’emblée et de toute sa puissance. Heureusement pour elle, il lui suffisait d’aller voir la Citrouille dans la salle des professeurs pour obtenir réponse aux questions qui lui trottaient dans la tête. La Citrouille adorait la recevoir dans cette salle, non seulement parce qu’elle éprouvait du plaisir à aider une élève qui s’intéressait à la langue qu’elle enseignait, mais encore parce qu’elle marquait ainsi des points aux yeux de ses supérieurs. Un jour, elle tendit à Mme Eun-ja Kang un livre : « Le Petit Prince ». « L’as-tu lu ? », demanda la Citrouille 1. « Oui, Mme la Professeur. Je l’ai eu en cadeau d’anniversaire en première année du collège. — Sans doute pas le même. — Ah bon ? Parce qu’il y a plusieurs “Petit Prince” ? — Ouvre-le », dit-elle en souriant. Mme Eun-ja Kang souleva la couverture : une version bilingue ! Elle feuilleta le livre en regardant avec fascination les caractères français, quand la Citrouille lui dit : « Je te l’offre, Eun-ja ». Il faut savoir que les versions bilingues étaient très rares et donc très chères. Des larmes montèrent aux yeux de Mme Eun-ja Kang. Plus tard, quand elle décrocha une bourse d’études à l’Université de Séoul, on lui apporta un paquet de la part de la Citrouille. Elle trouva à l’intérieur un dictionnaire français-coréen flambant neuf, avec une carte lui souhaitant la réalisation de ses rêves. Quels beaux et précieux cadeaux ! Aujourd’hui, Mme Eun-ja Kang parle en français, pense en français, écrit des romans en français. « Je fais même l’amour en français », confie-t-elle 2. « J’ai consacré quinze ans de ma vie à apprendre le français et à l’apprivoiser… Imaginez que vous aimez depuis quinze ans une personne, et que cette personne vous prend [enfin] dans ses bras. C’est ce que je vis en ce moment. »
Pamuk, « Cevdet Bey et ses Fils : roman »
éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris
Il s’agit du roman « Cevdet Bey et ses Fils » (« Cevdet Bey ve Oğulları ») de M. Orhan Pamuk, écrivain turc pour lequel le centre du monde est Istanbul, non seulement parce qu’il y a passé toute sa vie, mais aussi parce que toute sa vie il en a raconté les recoins les plus intimes. En 1850, Gustave Flaubert, en arrivant à Istanbul, frappé par la gigantesque bigarrure de cette ville, par le côtoiement de « tant d’individualités séparées, dont l’addition formidable aplatit la vôtre », avait écrit que Constantinople deviendrait « plus tard la capitale de la Terre » 1. Cette naïve prédiction n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de disparaître, et la capitale de perdre son nom de Constantinople, vidée de ses Grecs, ses Arméniens, ses Juifs. À la naissance de M. Pamuk, tout juste un siècle après le séjour de Flaubert, Istanbul, en tant que ville mondiale, n’était plus qu’une ombre crépusculaire et vivait les jours les plus faibles, les moins glorieux de ses deux mille ans d’histoire. La douce tristesse de ses rues fanées et flétries, de son passé tombé en disgrâce perçait de toute part ; elle avait une présence visible dans le paysage et chez les gens ; elle recouvrait tel un brouillard « les vieilles fontaines brisées ici et là, taries depuis des années, les boutiques de bric et de broc apparues… aux abords immédiats des vieilles mosquées…, les trottoirs sales, tout tordus et défoncés…, les vieux cimetières égrenés sur les hauteurs…, les lampadaires falots », dit M. Pamuk 2. Parce que cette tristesse était causée par le fait d’être des rejetons d’un ancien Empire, les Stambouliotes préféraient faire table rase du passé. Ils arrachaient des pierres aux murailles et aux vénérables édifices afin de s’en servir pour leurs propres constructions. Détruire, brûler, ériger à la place un immeuble occidental et moderne était leur manière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour effacer le souvenir douloureux d’une ancienne maîtresse, se débarrasse en hâte des vêtements, des bijoux, des photographies et des meubles. Au bout du compte, ce traitement de choc et ces destructions par le feu ne faisaient qu’accroître le sentiment de tristesse, en lui ajoutant le ton du désespoir et de la misère. « L’effort d’occidentalisation », dit M. Pamuk 3, « ouvrit la voie… à la transformation des intérieurs domestiques en musées d’une culture jamais vécue. Des années après, j’ai éprouvé toute cette incongruité… Ce sentiment de tristesse, enfoui définitivement dans les tréfonds de la ville, me fit prendre conscience de la nécessité de construire mon propre imaginaire, si je ne voulais pas être prisonnier… » Un soir, après avoir poussé la porte de la maison familiale, franchi le seuil et longuement marché dans ces rues qui lui apportaient consolation et réconfort, M. Pamuk rentra au milieu de la nuit et s’assit à sa table pour restituer quelque chose de leur atmosphère et de leur alchimie. Le lendemain, il annonça à sa famille qu’il serait écrivain.
Pamuk, « Neige : roman »
éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris
Il s’agit du roman « Neige » (« Kar ») de M. Orhan Pamuk, écrivain turc pour lequel le centre du monde est Istanbul, non seulement parce qu’il y a passé toute sa vie, mais aussi parce que toute sa vie il en a raconté les recoins les plus intimes. En 1850, Gustave Flaubert, en arrivant à Istanbul, frappé par la gigantesque bigarrure de cette ville, par le côtoiement de « tant d’individualités séparées, dont l’addition formidable aplatit la vôtre », avait écrit que Constantinople deviendrait « plus tard la capitale de la Terre » 1. Cette naïve prédiction n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de disparaître, et la capitale de perdre son nom de Constantinople, vidée de ses Grecs, ses Arméniens, ses Juifs. À la naissance de M. Pamuk, tout juste un siècle après le séjour de Flaubert, Istanbul, en tant que ville mondiale, n’était plus qu’une ombre crépusculaire et vivait les jours les plus faibles, les moins glorieux de ses deux mille ans d’histoire. La douce tristesse de ses rues fanées et flétries, de son passé tombé en disgrâce perçait de toute part ; elle avait une présence visible dans le paysage et chez les gens ; elle recouvrait tel un brouillard « les vieilles fontaines brisées ici et là, taries depuis des années, les boutiques de bric et de broc apparues… aux abords immédiats des vieilles mosquées…, les trottoirs sales, tout tordus et défoncés…, les vieux cimetières égrenés sur les hauteurs…, les lampadaires falots », dit M. Pamuk 2. Parce que cette tristesse était causée par le fait d’être des rejetons d’un ancien Empire, les Stambouliotes préféraient faire table rase du passé. Ils arrachaient des pierres aux murailles et aux vénérables édifices afin de s’en servir pour leurs propres constructions. Détruire, brûler, ériger à la place un immeuble occidental et moderne était leur manière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour effacer le souvenir douloureux d’une ancienne maîtresse, se débarrasse en hâte des vêtements, des bijoux, des photographies et des meubles. Au bout du compte, ce traitement de choc et ces destructions par le feu ne faisaient qu’accroître le sentiment de tristesse, en lui ajoutant le ton du désespoir et de la misère. « L’effort d’occidentalisation », dit M. Pamuk 3, « ouvrit la voie… à la transformation des intérieurs domestiques en musées d’une culture jamais vécue. Des années après, j’ai éprouvé toute cette incongruité… Ce sentiment de tristesse, enfoui définitivement dans les tréfonds de la ville, me fit prendre conscience de la nécessité de construire mon propre imaginaire, si je ne voulais pas être prisonnier… » Un soir, après avoir poussé la porte de la maison familiale, franchi le seuil et longuement marché dans ces rues qui lui apportaient consolation et réconfort, M. Pamuk rentra au milieu de la nuit et s’assit à sa table pour restituer quelque chose de leur atmosphère et de leur alchimie. Le lendemain, il annonça à sa famille qu’il serait écrivain.
Pamuk, « Mon nom est Rouge : roman »
éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris
Il s’agit du roman « Mon nom est Rouge » (« Benim Adım Kırmızı ») de M. Orhan Pamuk, écrivain turc pour lequel le centre du monde est Istanbul, non seulement parce qu’il y a passé toute sa vie, mais aussi parce que toute sa vie il en a raconté les recoins les plus intimes. En 1850, Gustave Flaubert, en arrivant à Istanbul, frappé par la gigantesque bigarrure de cette ville, par le côtoiement de « tant d’individualités séparées, dont l’addition formidable aplatit la vôtre », avait écrit que Constantinople deviendrait « plus tard la capitale de la Terre » 1. Cette naïve prédiction n’empêcha pas l’Empire turc de s’écrouler et de disparaître, et la capitale de perdre son nom de Constantinople, vidée de ses Grecs, ses Arméniens, ses Juifs. À la naissance de M. Pamuk, tout juste un siècle après le séjour de Flaubert, Istanbul, en tant que ville mondiale, n’était plus qu’une ombre crépusculaire et vivait les jours les plus faibles, les moins glorieux de ses deux mille ans d’histoire. La douce tristesse de ses rues fanées et flétries, de son passé tombé en disgrâce perçait de toute part ; elle avait une présence visible dans le paysage et chez les gens ; elle recouvrait tel un brouillard « les vieilles fontaines brisées ici et là, taries depuis des années, les boutiques de bric et de broc apparues… aux abords immédiats des vieilles mosquées…, les trottoirs sales, tout tordus et défoncés…, les vieux cimetières égrenés sur les hauteurs…, les lampadaires falots », dit M. Pamuk 2. Parce que cette tristesse était causée par le fait d’être des rejetons d’un ancien Empire, les Stambouliotes préféraient faire table rase du passé. Ils arrachaient des pierres aux murailles et aux vénérables édifices afin de s’en servir pour leurs propres constructions. Détruire, brûler, ériger à la place un immeuble occidental et moderne était leur manière d’oublier — un peu comme un amant qui, pour effacer le souvenir douloureux d’une ancienne maîtresse, se débarrasse en hâte des vêtements, des bijoux, des photographies et des meubles. Au bout du compte, ce traitement de choc et ces destructions par le feu ne faisaient qu’accroître le sentiment de tristesse, en lui ajoutant le ton du désespoir et de la misère. « L’effort d’occidentalisation », dit M. Pamuk 3, « ouvrit la voie… à la transformation des intérieurs domestiques en musées d’une culture jamais vécue. Des années après, j’ai éprouvé toute cette incongruité… Ce sentiment de tristesse, enfoui définitivement dans les tréfonds de la ville, me fit prendre conscience de la nécessité de construire mon propre imaginaire, si je ne voulais pas être prisonnier… » Un soir, après avoir poussé la porte de la maison familiale, franchi le seuil et longuement marché dans ces rues qui lui apportaient consolation et réconfort, M. Pamuk rentra au milieu de la nuit et s’assit à sa table pour restituer quelque chose de leur atmosphère et de leur alchimie. Le lendemain, il annonça à sa famille qu’il serait écrivain.