Akutagawa, « Une Vague Inquiétude »

éd. du Rocher, coll. Nouvelle, Monaco

éd. du Ro­cher, coll. , Mo­naco

Il s’agit d’«Un » («Gi­waku» 1) et autres nou­velles d’ 2. L’œuvre de cet écri­vain, dis­crè­te­ment in­tel­lec­tuelle, tein­tée d’une in­sou­ciante, cache as­sez , sous une ap­pa­rence lé­gère et élé­gante, quelque chose de ner­veux, d’obsédant, un sourd ma­laise, une «vague in­quié­tude» («bo­nyari-shita fuan» 3), se­lon les mots mêmes par les­quels Aku­ta­gawa tien­dra à dé­fi­nir le mo­tif de son . Pour­tant, de tous les , nul n’était mieux dis­posé qu’Akutagawa à trou­ver re­fuge dans l’art. Il se dé­cri­vait comme avide de lec­ture, ju­ché sur l’échelle d’une li­brai­rie, toi­sant de là-haut les pas­sants qui lui pa­rais­saient étran­ge­ment pe­tits et aussi tel­le­ment mi­sé­rables : «La hu­maine ne vaut pas même une ligne de Bau­de­laire!», di­sait-il 4. Très tôt, il avait com­pris que rien de sé­dui­sant ne se fait sans qu’y col­la­bore une . L’œuvre d’art, plu­tôt qu’à la pré­cieuse, se com­pare à la flamme qui a be­soin d’un ali­ment vi­vant. Et Aku­ta­gawa mit son à s’en faire la vic­time vo­lon­taire. Comme il écrira dans la «Lettre adres­sée à un vieil ami» («Aru kyûyû e okuru shuki» 5) im­mé­dia­te­ment avant sa  : «Dans cet état ex­trême où je suis, la me semble plus émou­vante que ja­mais. Peut-être ri­ras-tu de la contra­dic­tion dans la­quelle je me trouve, qui, tout en ai­mant la beauté de la na­ture, dé­cide de me sup­pri­mer. Mais la na­ture est belle parce qu’elle se re­flète dans mon ul­time » Et Ya­su­nari Ka­wa­bata de com­men­ter : «Le plus sou­vent ma­la­dif et af­fai­bli, [l’artiste] s’enflamme au der­nier mo­ment avant de s’éteindre tout à fait. C’est quelque chose de tra­gique en » 6. Le moins qu’on puisse en dire, c’est que c’est jus­te­ment ce «quelque chose de tra­gique» qui exerce sa puis­sante fas­ci­na­tion sur l’ et sur l’imaginaire des lec­teurs d’Akutagawa. «Ces der­niers sentent que leurs pré­oc­cu­pa­tions pro­fondes — ou plu­tôt… “exis­ten­tielles” — se trouvent sai­sies et par­ta­gées par l’auteur qui, en les pré­ci­sant et en les am­pli­fiant jusqu’à une sorte de han­tise, les pro­jette sur un fond im­pré­gné d’un “spleen” qui lui est par­ti­cu­lier», dit M. Ari­masa Mori 7.

quelque chose de ner­veux, d’obsédant, un sourd ma­laise, une «vague in­quié­tude»

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du d’«Un Doute» : «Voici plus de dix ans, au prin­temps d’une cer­taine an­née, j’eus l’occasion de sé­jour­ner en­vi­ron une se­maine à Ôgaki-ma­chi, dans la pré­fec­ture de Gifu, où l’on m’avait in­vité à don­ner des confé­rences de pra­tique. Fuyant par tem­pé­ra­ment cette em­bar­ras­sante des bonnes vo­lon­tés de pro­vince, j’avais adressé au groupe de qui m’invitait une lettre d’excuses préa­lables dans la­quelle j’exprimais le sou­hait qu’on m’épargne les ré­cep­tions de bien­ve­nue et d’adieu, les et les vi­sites tou­ris­tiques, c’est-à-dire tous ces passe- in­utiles qui sont le lot de ce genre de sé­jour» 8.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • , « de la contem­po­raine (1868-1938); avec une pré­face de Ki­ku­chi Kan» (éd. Payot, Pa­ris)
  • Mau­rice Pin­guet, «La Mort vo­lon­taire au » (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque des his­toires, Pa­ris)
  • , «Aku­ta­gawa Ryū­no­suke (1892-1927)» dans «En­cy­clopæ­dia uni­ver­sa­lis» (éd. élec­tro­nique).
  1. En ja­po­nais «疑惑». Icône Haut
  2. En ja­po­nais 芥川龍之介. Au­tre­fois trans­crit Riu­noské Aku­ta­gawa, Akou­ta­gawa Ryu­no­souké, Akou­ta­gaoua Ryou­no­souké ou Akou­ta­gava Ryou­no­souke. Icône Haut
  3. En ja­po­nais «ぼんやりした不安». Icône Haut
  4. En ja­po­nais «人生は一行のボオドレエルにも若かない». Icône Haut
  1. En ja­po­nais «或旧友へ送る手記». Icône Haut
  2. «Ro­mans et Nou­velles», p. 26. Icône Haut
  3. «Pré­face à “Ra­shô­mon et Autres », p. 9. Icône Haut
  4. p. 35-36. Icône Haut