Mot-cleflittérature islamique

su­jet

Nezâmî, «Layla et Majnûn»

éd. Fayard, Paris

éd. Fayard, Pa­ris

Il s’agit d’une ver­sion per­sane du «Ma­j­nûn et Laylâ» 1, lé­gende de l’amour im­pos­sible et par­fait, ou par­fait parce qu’impossible, et qui ne s’accomplit que dans la mort. Ré­pan­due en Orient par les poètes, cette lé­gende y conserve une cé­lé­brité égale à celle dont jouissent chez nous les amours de Ro­méo et Ju­liette, avec les­quelles elle pré­sente plus d’un trait de res­sem­blance. «Il n’est pas si in­dif­fé­rent, pour­tant, de pen­ser que l’amour, bien avant de trou­ver le che­min de notre Oc­ci­dent, avait chanté si loin de nous, là-bas, sous le ciel de l’Arabie, en son dé­sert, avec ses mots», ex­plique M. An­dré Mi­quel. Ma­j­nûn et Laylâ vi­vaient un peu après Ma­ho­met. La vie no­made des Arabes de ce temps-là, si propre à ali­men­ter l’amour, ainsi que la proxi­mité des camps, ag­glu­ti­nés dans les lieux de halte et au­tour des puits, de­vaient don­ner na­tu­rel­le­ment aux jeunes hommes et aux jeunes filles de tri­bus dif­fé­rentes l’occasion de se voir et faire naître les pas­sions les plus vives. Mais, en même temps, la né­ces­sité de chan­ger fré­quem­ment de place, pour al­ler cher­cher au loin d’abondants pâ­tu­rages, de­vait contra­rier non moins sou­vent les amours nais­santes : «Déjà deux jeunes cœurs lan­guis­saient l’un pour l’autre; déjà leurs sou­pirs, aussi brû­lants que l’air en­flammé du dé­sert, al­laient se confondre, lorsqu’un chef donne l’ordre de le­ver les tentes; la jeune fille, ti­mide, s’éloigne len­te­ment en dé­vo­rant ses larmes, et son amant, resté seul en proie à sa dou­leur, vient gé­mir sur les traces de l’habitation de sa bien-ai­mée; ou c’est l’orgueil des chefs qui s’oppose à leur al­liance, en les li­vrant au plus sombre déses­poir» 2. Tel fut le sort qu’éprouvèrent en Ara­bie Ma­j­nûn et Laylâ, mais aussi Ja­mîl et Bu­thayna, Ku­thayyir et ‘Azza, etc.

  1. Par­fois tra­duit «Mec­nun et Leylâ», «Me­gnoun et Leï­leh», «Ma­gnoun et Leïla», «Med­j­noun et Leïlé», «Med­jnūn et Leylā», «Mad­j­noûn et Leylî», «Mad­j­noune et Leily», «Mad­sch­nun et Leila», «Med­sch­nun et Leila», «Med­sch­noun et Leila», «Ma­j­noon et Leili», «Med­gnoun et Lei­leh», «Me­j­noûn et Laïla», «Mad­j­non et Lalé», «Ma­j­noune et Leyla», «Maǧnūn et Laylā», «Ma­j­noun et Laili», «Mu­j­noon et Laili» ou «May­nun et Layla». Haut
  1. An­toine-Léo­nard de Chézy, «Pré­face au “Med­j­noun et Leïlâ” de Djâmî». Haut

Galland, «Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome III»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), contes arabes. Ra­re­ment, la ri­chesse de la nar­ra­tion et les tré­sors de l’imagination ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en France par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le monde de sa re­nom­mée, et de­puis, son suc­cès n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la mode ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces contes! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les aven­tures en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’Orient même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’or, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des pa­lais su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un bon­heur fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le so­leil qui les éclaire.»

  1. En arabe «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le Co­ran, se­ront les épouses des fi­dèles. Haut

Ibn Thofaïl, «Hayy ben Yaqdhân : roman philosophique»

éd. Imprimerie catholique, coll. Institut d’études orientales de la Faculté des lettres d’Alger, Beyrouth

éd. Im­pri­me­rie ca­tho­lique, coll. Ins­ti­tut d’études orien­tales de la Fa­culté des lettres d’Alger, Bey­routh

Il s’agit du «Hayy ben Ya­qd­hân» 1Le Vi­vant fils du Vi­gi­lant»), connu en la­tin sous le titre du «Phi­lo­so­phus au­to­di­dac­tus» («Le Phi­lo­sophe au­to­di­dacte»), traité du phi­lo­sophe an­da­lou Aboû Bekr Ibn Tho­faïl 2 (XIIe siècle apr. J.-C.). «De tous les mo­nu­ments de la phi­lo­so­phie arabe», dit Er­nest Re­nan en par­lant du «Hayy ben Ya­qd­hân» 3, «c’est peut-être le seul qui puisse nous of­frir plus qu’un in­té­rêt his­to­rique». Cet ou­vrage, cu­rieux à plus d’un égard, offre six cents ans avant Da­niel De­foe un pro­to­type scien­ti­fique, phi­lo­so­phique et mys­tique du «Ro­bin­son Cru­soé». Il s’ouvre par la sup­po­si­tion d’un en­fant qui naît sans père ni mère, dans une île dé­serte. Cet en­fant, c’est Hayy ben Ya­qd­hân. Il est adopté par une ga­zelle, qui l’allaite. Il gran­dit, ob­serve, ré­flé­chit. Doué d’une in­tel­li­gence su­pé­rieure, non seule­ment il sait in­gé­nieu­se­ment pour­voir à tous ses be­soins, mais il ar­rive bien­tôt à dé­cou­vrir de lui-même, par les seules forces de son rai­son­ne­ment, les no­tions les plus éle­vées que la science hu­maine pos­sède sur l’univers. Avec le temps, il re­con­naît que les êtres qui l’entourent ren­ferment la mul­ti­pli­cité et l’unité, at­tendu que, s’ils sont mul­tiples du côté de leurs formes, ils sont une même chose quant à l’essence. En­fin, le sys­tème au­quel il abou­tit, le conduit à cher­cher dans l’extase mys­tique l’union in­time avec Dieu, qui consti­tue à la fois la plé­ni­tude de la science hu­maine et la fé­li­cité sou­ve­raine et ab­so­lue. «Seul parmi les au­teurs arabes d’allégories phi­lo­so­phiques, Ibn Tho­faïl a su gar­der la juste me­sure, te­nir la ba­lance égale entre les [dif­fé­rents] genres [lit­té­raires]», dit Léon Gau­thier 4. «[Sa] phrase est courte, alerte, d’une cor­rec­tion ab­so­lue, d’une élé­gance par­faite, d’une lu­mi­neuse clarté… Si donc il fal­lait in­di­quer à des étu­diants orien­ta­listes un mo­dèle à imi­ter de style phi­lo­so­phique arabe, nous dé­si­gne­rions sans hé­si­ter le style d’Ibn Tho­faïl, c’est-à-dire du “Hayy ben Ya­qd­hân”. S’il fal­lait leur choi­sir, en outre, le meilleur ou­vrage arabe à lire pour prendre, au prix d’un mi­ni­mum de temps et de peine, une idée d’ensemble de la phi­lo­so­phie mu­sul­mane, et de la science arabe dont elle fait la syn­thèse, nous leur nom­me­rions en­core, sans ba­lan­cer, le “Hayy ben Ya­qd­hân”… Di­sons, en un mot, qu’Ibn Tho­faïl est à tous égards, dans la pléiade des “fa­lâ­cifa” 5… le mo­dèle des vul­ga­ri­sa­teurs.»

  1. En arabe «حي بن يقظان». Par­fois trans­crit «Hay ben Yo­qth­sân», «Hai ebn Yokd­han», «Hay ibn-Iokd­han», «Hây ben Ya­qzân», «Ḥaij ibn Iaqẓân», «Hayy ibn Yag­zan», «Hayi ibn Iak­zan» ou «Ḥayy b. Yaḳẓān». À ne pas confondre avec le traité épo­nyme d’Avicenne, dont Ibn Tho­faïl n’a em­prunté que les noms de ses per­son­nages. Haut
  2. En arabe أبو بكر بن طفيل. Par­fois trans­crit Ebn To­phail, Aben­to­fail, Ibn al-Tou­faïl, Ibn-To­faïl, Ibn To­feïl, Ibn Ṭufail ou Ibn Ṭufayl. Haut
  3. «Aver­roès et l’Averroïsme», p. 99. Haut
  1. «Ibn Tho­faïl : sa vie, ses œuvres», p. 93 & 95-96. Haut
  2. Le mot «fa­lâ­cifa», plu­riel de «faï­la­çoûf» (فيلسوف), est une simple trans­crip­tion du mot grec «phi­lo­so­phos» (φιλόσοφος). Haut

Djâmî, «Medjnoun et Leïlâ : poème»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit d’une ver­sion per­sane du «Ma­j­nûn et Laylâ» 1, lé­gende de l’amour im­pos­sible et par­fait, ou par­fait parce qu’impossible, et qui ne s’accomplit que dans la mort. Ré­pan­due en Orient par les poètes, cette lé­gende y conserve une cé­lé­brité égale à celle dont jouissent chez nous les amours de Ro­méo et Ju­liette, avec les­quelles elle pré­sente plus d’un trait de res­sem­blance. «Il n’est pas si in­dif­fé­rent, pour­tant, de pen­ser que l’amour, bien avant de trou­ver le che­min de notre Oc­ci­dent, avait chanté si loin de nous, là-bas, sous le ciel de l’Arabie, en son dé­sert, avec ses mots», ex­plique M. An­dré Mi­quel. Ma­j­nûn et Laylâ vi­vaient un peu après Ma­ho­met. La vie no­made des Arabes de ce temps-là, si propre à ali­men­ter l’amour, ainsi que la proxi­mité des camps, ag­glu­ti­nés dans les lieux de halte et au­tour des puits, de­vaient don­ner na­tu­rel­le­ment aux jeunes hommes et aux jeunes filles de tri­bus dif­fé­rentes l’occasion de se voir et faire naître les pas­sions les plus vives. Mais, en même temps, la né­ces­sité de chan­ger fré­quem­ment de place, pour al­ler cher­cher au loin d’abondants pâ­tu­rages, de­vait contra­rier non moins sou­vent les amours nais­santes : «Déjà deux jeunes cœurs lan­guis­saient l’un pour l’autre; déjà leurs sou­pirs, aussi brû­lants que l’air en­flammé du dé­sert, al­laient se confondre, lorsqu’un chef donne l’ordre de le­ver les tentes; la jeune fille, ti­mide, s’éloigne len­te­ment en dé­vo­rant ses larmes, et son amant, resté seul en proie à sa dou­leur, vient gé­mir sur les traces de l’habitation de sa bien-ai­mée; ou c’est l’orgueil des chefs qui s’oppose à leur al­liance, en les li­vrant au plus sombre déses­poir» 2. Tel fut le sort qu’éprouvèrent en Ara­bie Ma­j­nûn et Laylâ, mais aussi Ja­mîl et Bu­thayna, Ku­thayyir et ‘Azza, etc.

  1. Par­fois tra­duit «Mec­nun et Leylâ», «Me­gnoun et Leï­leh», «Ma­gnoun et Leïla», «Med­j­noun et Leïlé», «Med­jnūn et Leylā», «Mad­j­noûn et Leylî», «Mad­j­noune et Leily», «Mad­sch­nun et Leila», «Med­sch­nun et Leila», «Med­sch­noun et Leila», «Ma­j­noon et Leili», «Med­gnoun et Lei­leh», «Me­j­noûn et Laïla», «Mad­j­non et Lalé», «Ma­j­noune et Leyla», «Maǧnūn et Laylā», «Ma­j­noun et Laili», «Mu­j­noon et Laili» ou «May­nun et Layla». Haut
  1. An­toine-Léo­nard de Chézy, «Pré­face au “Med­j­noun et Leïlâ” de Djâmî». Haut

«Le Fou de Laylâ : le “dîwân” de Majnûn»

éd. Actes Sud-Sindbad, coll. Bibliothèque arabe-Les Classiques, Arles

éd. Actes Sud-Sind­bad, coll. Bi­blio­thèque arabe-Les Clas­siques, Arles

Il s’agit de ver­sions arabes du «Ma­j­nûn et Laylâ» 1, lé­gende de l’amour im­pos­sible et par­fait, ou par­fait parce qu’impossible, et qui ne s’accomplit que dans la mort. Ré­pan­due en Orient par les poètes, cette lé­gende y conserve une cé­lé­brité égale à celle dont jouissent chez nous les amours de Ro­méo et Ju­liette, avec les­quelles elle pré­sente plus d’un trait de res­sem­blance. «Il n’est pas si in­dif­fé­rent, pour­tant, de pen­ser que l’amour, bien avant de trou­ver le che­min de notre Oc­ci­dent, avait chanté si loin de nous, là-bas, sous le ciel de l’Arabie, en son dé­sert, avec ses mots», ex­plique M. An­dré Mi­quel. Ma­j­nûn et Laylâ vi­vaient un peu après Ma­ho­met. La vie no­made des Arabes de ce temps-là, si propre à ali­men­ter l’amour, ainsi que la proxi­mité des camps, ag­glu­ti­nés dans les lieux de halte et au­tour des puits, de­vaient don­ner na­tu­rel­le­ment aux jeunes hommes et aux jeunes filles de tri­bus dif­fé­rentes l’occasion de se voir et faire naître les pas­sions les plus vives. Mais, en même temps, la né­ces­sité de chan­ger fré­quem­ment de place, pour al­ler cher­cher au loin d’abondants pâ­tu­rages, de­vait contra­rier non moins sou­vent les amours nais­santes : «Déjà deux jeunes cœurs lan­guis­saient l’un pour l’autre; déjà leurs sou­pirs, aussi brû­lants que l’air en­flammé du dé­sert, al­laient se confondre, lorsqu’un chef donne l’ordre de le­ver les tentes; la jeune fille, ti­mide, s’éloigne len­te­ment en dé­vo­rant ses larmes, et son amant, resté seul en proie à sa dou­leur, vient gé­mir sur les traces de l’habitation de sa bien-ai­mée; ou c’est l’orgueil des chefs qui s’oppose à leur al­liance, en les li­vrant au plus sombre déses­poir» 2. Tel fut le sort qu’éprouvèrent en Ara­bie Ma­j­nûn et Laylâ, mais aussi Ja­mîl et Bu­thayna, Ku­thayyir et ‘Azza, etc.

  1. Par­fois tra­duit «Mec­nun et Leylâ», «Me­gnoun et Leï­leh», «Ma­gnoun et Leïla», «Med­j­noun et Leïlé», «Med­jnūn et Leylā», «Mad­j­noûn et Leylî», «Mad­j­noune et Leily», «Mad­sch­nun et Leila», «Med­sch­nun et Leila», «Med­sch­noun et Leila», «Ma­j­noon et Leili», «Med­gnoun et Lei­leh», «Me­j­noûn et Laïla», «Mad­j­non et Lalé», «Ma­j­noune et Leyla», «Maǧnūn et Laylā», «Ma­j­noun et Laili», «Mu­j­noon et Laili» ou «May­nun et Layla». Haut
  1. An­toine-Léo­nard de Chézy, «Pré­face au “Med­j­noun et Leïlâ” de Djâmî». Haut

Galland, «Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome II»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), contes arabes. Ra­re­ment, la ri­chesse de la nar­ra­tion et les tré­sors de l’imagination ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en France par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le monde de sa re­nom­mée, et de­puis, son suc­cès n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la mode ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces contes! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les aven­tures en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’Orient même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’or, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des pa­lais su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un bon­heur fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le so­leil qui les éclaire.»

  1. En arabe «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le Co­ran, se­ront les épouses des fi­dèles. Haut

Hamadhânî, «Le Livre des vagabonds : séances d’un beau parleur impénitent»

éd. Phébus, coll. Domaine arabe, Paris

éd. Phé­bus, coll. Do­maine arabe, Pa­ris

Il s’agit des «Ma­qâ­mât» 1Séances») de Ha­madhânî 2 (Xe siècle apr. J.-C.), lit­té­ra­teur per­san d’expression arabe, éga­le­ment connu sous le sur­nom de Badî‘ al-Za­mân 3le mi­racle de son siècle»). Les «Ma­qâ­mât» sont des al­lo­cu­tions d’apparat ou joutes d’éloquence, des acro­ba­ties poé­tiques ou pres­ti­di­gi­ta­tions lexi­co­gra­phiques, que pra­ti­quaient en­semble les gens de lettres. Cette ma­nière de briller, dans les cercles et les com­pa­gnies, par des pièces en vers et en prose était aussi fré­quente parmi les Orien­taux, qu’elle l’avait été au­tre­fois chez les Athé­niens, et qu’elle le sera plus tard dans les sa­lons mon­dains de Pa­ris. Les Orien­taux ont plu­sieurs de ces «Ma­qâ­mât», qui passent parmi eux pour des chefs-d’œuvre du bel es­prit et du beau style. Ha­madhânî a été le pre­mier à en pu­blier. Ha­rîrî l’a imité et, de l’avis gé­né­ral, sur­passé; en sorte que M. René Riz­qal­lah Kha­wam, tra­duc­teur arabe, dit que «le livre de Ha­rîrî est sans doute, aux cô­tés des “Mille et une Nuits”, la meilleure in­tro­duc­tion que nous sa­chions aux mys­tères de l’âme arabe, et aux se­crets de l’arme qu’elle a tou­jours pri­vi­lé­giée : la pa­role» 4. Il n’est pas pos­sible, en ef­fet, de pé­né­trer et d’approfondir les fi­nesses de la langue arabe sans l’étude préa­lable de ces «Ma­qâ­mât», sortes d’écrins mer­veilleux de la rhé­to­rique mu­sul­mane. Le ca­ne­vas sur le­quel Ha­madhânî et Ha­rîrî ont brodé ces com­po­si­tions est un des plus ori­gi­naux de la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. C’est la sé­rie des mé­ta­mor­phoses et des tra­ves­tis­se­ments d’un men­diant let­tré, sorte de co­quin éhonté, aussi exercé en sub­ti­li­tés gram­ma­ti­cales qu’en es­cro­que­ries, ne fai­sant ser­vir sa science lit­té­raire qu’à ex­tor­quer quelque au­mône, et payant ses dî­ners en bons mots et en ti­rades dé­nuées de points dia­cri­tiques. Tour à tour imam ou pè­le­rin, mar­chand am­bu­lant ou faux mé­de­cin, aveugle ou pied-bot, ri­gide cen­seur ou vo­leur avide, il sait re­tour­ner sa veste et contre­faire sa voix, gri­mer sa fi­gure et far­der son es­prit, chan­ger ses mé­tiers et va­rier ses prin­cipes se­lon la cir­cons­tance. «Aujourd’hui ver­tueux et dé­vot, il édi­fie par son hu­mi­lité ceux que la veille il scan­da­li­sait par son cy­nisme ef­fronté», dit Au­guste Cher­bon­neau 5. «Tan­tôt re­vêtu de haillons, il vante la vie fru­gale et prêche la cha­rité; tan­tôt paré des ha­bits de l’opulence, il chante la bonne chère et les joyeux plai­sirs. Vi­vant d’artifices… il raille les sots, dupe les âmes cré­dules, et par­vient tou­jours à mettre les rieurs de son côté.»

  1. En arabe «مقامات». Par­fois trans­crit «Me­qâ­mât», «Mé­ka­mat», «Mé­ca­mat», «Mo­ca­mat», «Ma­qua­mates», «Ma­quâmes», «Ma­ca­mat» ou «Maḳāmāt». Haut
  2. En per­san همدانی. Par­fois trans­crit Ha­ma­dâny ou Ha­madānī. Haut
  3. En per­san بدیع‌الزمان. Par­fois trans­crit Bédi-al­zé­man, Badi uz-Za­man, Bady-l-ze­mân, Badī‘ az-Zamān ou Badî al-Za­mâne. Haut
  1. «Pré­face au “Livre des ma­lins : séances d’un va­ga­bond de gé­nie” de Ha­rîrî», p. 10. Haut
  2. «Pré­face à “Ex­trait des Mé­ka­mat de Ha­riri. XXXe séance : la noce des men­diants”», p. IV. Haut

Harîrî, «Le Livre des malins : séances d’un vagabond de génie»

éd. Phébus, coll. Domaine arabe, Paris

éd. Phé­bus, coll. Do­maine arabe, Pa­ris

Il s’agit des «Ma­qâ­mât» 1Séances») d’al-Qâsim al-Ha­rîrî 2, lit­té­ra­teur ira­kien (XIe siècle apr. J.-C.). Les «Ma­qâ­mât» sont des al­lo­cu­tions d’apparat ou joutes d’éloquence, des acro­ba­ties poé­tiques ou pres­ti­di­gi­ta­tions lexi­co­gra­phiques, que pra­ti­quaient en­semble les gens de lettres. Cette ma­nière de briller, dans les cercles et les com­pa­gnies, par des pièces en vers et en prose était aussi fré­quente parmi les Orien­taux, qu’elle l’avait été au­tre­fois chez les Athé­niens, et qu’elle le sera plus tard dans les sa­lons mon­dains de Pa­ris. Les Orien­taux ont plu­sieurs de ces «Ma­qâ­mât», qui passent parmi eux pour des chefs-d’œuvre du bel es­prit et du beau style. Ha­madhânî a été le pre­mier à en pu­blier. Ha­rîrî l’a imité et, de l’avis gé­né­ral, sur­passé; en sorte que M. René Riz­qal­lah Kha­wam, tra­duc­teur arabe, dit que «le livre de Ha­rîrî est sans doute, aux cô­tés des “Mille et une Nuits”, la meilleure in­tro­duc­tion que nous sa­chions aux mys­tères de l’âme arabe, et aux se­crets de l’arme qu’elle a tou­jours pri­vi­lé­giée : la pa­role» 3. Il n’est pas pos­sible, en ef­fet, de pé­né­trer et d’approfondir les fi­nesses de la langue arabe sans l’étude préa­lable de ces «Ma­qâ­mât», sortes d’écrins mer­veilleux de la rhé­to­rique mu­sul­mane. Le ca­ne­vas sur le­quel Ha­madhânî et Ha­rîrî ont brodé ces com­po­si­tions est un des plus ori­gi­naux de la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. C’est la sé­rie des mé­ta­mor­phoses et des tra­ves­tis­se­ments d’un men­diant let­tré, sorte de co­quin éhonté, aussi exercé en sub­ti­li­tés gram­ma­ti­cales qu’en es­cro­que­ries, ne fai­sant ser­vir sa science lit­té­raire qu’à ex­tor­quer quelque au­mône, et payant ses dî­ners en bons mots et en ti­rades dé­nuées de points dia­cri­tiques. Tour à tour imam ou pè­le­rin, mar­chand am­bu­lant ou faux mé­de­cin, aveugle ou pied-bot, ri­gide cen­seur ou vo­leur avide, il sait re­tour­ner sa veste et contre­faire sa voix, gri­mer sa fi­gure et far­der son es­prit, chan­ger ses mé­tiers et va­rier ses prin­cipes se­lon la cir­cons­tance. «Aujourd’hui ver­tueux et dé­vot, il édi­fie par son hu­mi­lité ceux que la veille il scan­da­li­sait par son cy­nisme ef­fronté», dit Au­guste Cher­bon­neau 4. «Tan­tôt re­vêtu de haillons, il vante la vie fru­gale et prêche la cha­rité; tan­tôt paré des ha­bits de l’opulence, il chante la bonne chère et les joyeux plai­sirs. Vi­vant d’artifices… il raille les sots, dupe les âmes cré­dules, et par­vient tou­jours à mettre les rieurs de son côté.»

  1. En arabe «مقامات». Par­fois trans­crit «Me­qâ­mât», «Mé­ka­mat», «Mé­ca­mat», «Mo­ca­mat», «Ma­qua­mates», «Ma­quâmes», «Ma­ca­mat» ou «Maḳāmāt». Haut
  2. En arabe القاسم الحريري. Par­fois trans­crit al-Cas­sem al-Ha­riri, êl Qâ­cem êl Hha­ryry, el Kas­sam el Ha­reery ou al-Ḳāsim al-Ḥarīrī. Haut
  1. p. 10. Haut
  2. «Pré­face à “Ex­trait des Mé­ka­mat de Ha­riri. XXXe séance : la noce des men­diants”», p. IV. Haut

Galland, «Les “Mille et une Nuits” : contes arabes. Tome I»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Mille et une Nuits» («Alf layla wa-layla» 1), contes arabes. Ra­re­ment, la ri­chesse de la nar­ra­tion et les tré­sors de l’imagination ont été dé­pen­sés dans une œuvre avec plus de pro­di­ga­lité; et ra­re­ment, une œuvre a eu une réus­site plus écla­tante que celle des «Mille et une Nuits» de­puis qu’elle a été trans­por­tée en France par l’orientaliste An­toine Gal­land au com­men­ce­ment du XVIIIe siècle. De là, elle a im­mé­dia­te­ment rem­pli le monde de sa re­nom­mée, et de­puis, son suc­cès n’a fait que croître de jour en jour, sans souf­frir ni des ca­prices de la mode ni du chan­ge­ment des goûts. Quelle ex­tra­or­di­naire fé­con­dité dans ces contes! Quelle va­riété! Avec quel in­épui­sable in­té­rêt on suit les aven­tures en­chan­te­resses de Sind­bad le Ma­rin ou les mer­veilles opé­rées par la lampe d’Aladdin : «C’est dans l’Orient même que l’enfance du genre hu­main se montre avec toute sa grâce et toute sa naï­veté», dit Édouard Gaut­tier d’Arc 2. «On y cher­che­rait en vain ou ces teintes mé­lan­co­liques du Nord, ou ces al­lu­sions sé­rieuses et pro­fondes [des] Grecs. [Ici], on voit que l’imagination ne s’est mise en œuvre que pour se créer à elle-même des plai­sirs… Ces gé­nies qu’elle a pro­duits, vont ré­pan­dant par­tout les perles, l’or, les dia­mants; ils élèvent en un ins­tant des pa­lais su­perbes; ils livrent à ce­lui qu’ils fa­vo­risent, des hou­ris 3 en­chan­te­resses; ils l’accablent, en un mot, de toutes les jouis­sances, sans qu’il se donne au­cune peine pour les ac­qué­rir. Il faut aux Orien­taux un bon­heur fa­cile et com­plet; ils le veulent sans nuages, comme le so­leil qui les éclaire.»

  1. En arabe «ألف ليلة وليلة». Au­tre­fois trans­crit «Alef léï­lét oué-léï­lét», «Alef lei­let we lei­let», «Alef leila wa leila» ou «Alf laila wa-laila». Haut
  2. Pré­face à l’édition de 1822-1823. Haut
  1. Beau­tés cé­lestes qui, se­lon le Co­ran, se­ront les épouses des fi­dèles. Haut

Ibn al Fâridh, «Extraits du “Diwan”»

dans « Anthologie arabe, ou Choix de poésies arabes inédites », XIXᵉ siècle

dans «An­tho­lo­gie arabe, ou Choix de poé­sies arabes in­édites», XIXe siècle

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) de ‘Omar ibn al Fâ­ridh 1, poète et mys­tique arabe. Le sou­fisme, au­quel on ap­plique par abus le nom de «mys­ti­cisme arabe», a eu peu de ra­cines dans la pé­nin­sule ara­bique et en Afrique. Son ap­pa­ri­tion a été même dé­crite comme une ré­ac­tion du gé­nie asia­tique contre le gé­nie arabe. Il ar­rive que ce mys­ti­cisme s’exprime en arabe : voilà tout. Il est per­san de ten­dance et d’esprit. Parmi les rares ex­cep­tions à cette règle, il faut comp­ter le poète Ibn al Fâ­ridh, né au Caire l’an 1181 et mort dans la même ville l’an 1235 apr. J.-C. Dans une pré­face pla­cée à la tête de ses poé­sies, ‘Ali, pe­tit-fils de ce poète, rap­porte sur lui des choses éton­nantes, aux­quelles on est peu dis­posé à croire. Il dit qu’Ibn al Fâ­ridh tom­bait quel­que­fois en de si vio­lentes convul­sions, que la sueur sor­tait abon­dam­ment de tout son corps en cou­lant jusqu’à ses pieds, et qu’ensuite, frappé de stu­peur, le re­gard fixe, il n’entendait ni ne voyait ceux qui lui par­laient : l’usage de ses sens était com­plè­te­ment sus­pendu. Il gi­sait ren­versé sur le dos, en­ve­loppé comme un mort dans son drap. Il res­tait plu­sieurs jours dans cette po­si­tion, et pen­dant ce temps, il ne pre­nait au­cune nour­ri­ture, ne pro­fé­rait au­cune pa­role et ne fai­sait au­cun mou­ve­ment. Lorsque, sorti de cet étrange état, il pou­vait de nou­veau conver­ser avec ses amis, il leur ex­pli­quait que, tan­dis qu’ils le voyaient hors de lui-même et comme privé de la rai­son, il s’entretenait avec Dieu et en re­ce­vait les plus grandes ins­pi­ra­tions poé­tiques.

  1. En arabe عمر بن الفارض. Par­fois trans­crit Omar ben al Fa­redh, ‘Umar ibnu’l-Fáriḍ, Omar iben Phe­red, Omar-ebn-el-Fa­rid ou Omer ibn-el-Fá­ridh. Haut

Hallâj, «Recueil du “Dîwân” • Hymnes et Prières • Sentences prophétiques et philosophiques»

éd. du Cerf, coll. Patrimoines-Islam, Paris

éd. du Cerf, coll. Pa­tri­moines-Is­lam, Pa­ris

Il s’agit du Di­van (Re­cueil de poé­sies) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, mys­tique et poète per­san d’expression arabe, plus connu sous le sur­nom de Hal­lâj 1car­deur de co­ton»). «Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la vé­rité d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en sou­ve­nir du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre», ex­plique Louis Mas­si­gnon 2. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec Dieu, et pour avoir dit de­vant tout le monde, sous l’empire de l’extase : «Je suis la sou­ve­raine Vé­rité» («Anâ al-Haqq» 3), c’est-à-dire «Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est moi» 4, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : «illu­sion, illu­sion», jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la nuit fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : «vé­rité, vé­rité» 5. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : «As-tu avec toi ton ta­pis de prière? — Oui. — Étends-le-moi» 6. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du Co­ran : «Toute âme goû­tera la mort… car qu’est-ce que la vie ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés?» 7 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

«Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
»

  1. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Haut
  2. «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 142. Haut
  3. En arabe «اناالحق». Par­fois trans­crit «Ana al­hakk», «Ana’l Hagg» ou «En el-Hak». Haut
  4. «Re­cueil du “Dîwân”», p. 129. Haut
  1. Dans Louis Mas­si­gnon, «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 620. Haut
  2. Dans id. p. 649. Haut
  3. III, 185. Haut

Hallâj, «Le Livre “Tâwasîn” • Le Jardin de la connaissance»

éd. Albouraq, Beyrouth

éd. Al­bou­raq, Bey­routh

Il s’agit du «Livre du Tâ et du Sîn» («Ki­tâb al-Tâ-wa-Sîn» 1) et autres œuvres de Hu­sayn ibn Man­sûr, mys­tique et poète per­san d’expression arabe, plus connu sous le sur­nom de Hal­lâj 2car­deur de co­ton»). «Ce so­bri­quet de “car­deur”, donné à Hal­lâj parce qu’il li­sait dans les cœurs, y dis­cri­mi­nant, comme le peigne à car­der, la vé­rité d’avec la faus­seté, peut fort bien lui avoir été donné tant en sou­ve­nir du réel mé­tier de son père, que par al­lu­sion au sien propre», ex­plique Louis Mas­si­gnon 3. Pour avoir ré­vélé son union in­time avec Dieu, et pour avoir dit de­vant tout le monde, sous l’empire de l’extase : «Je suis la sou­ve­raine Vé­rité» («Anâ al-Haqq» 4), c’est-à-dire «Je suis Dieu que j’aime, et Dieu que j’aime est moi» 5, Hal­lâj fut sup­pli­cié en 922 apr. J.-C. On ra­conte qu’à la veille de son sup­plice, dans sa cel­lule, il ne cessa de ré­pé­ter : «illu­sion, illu­sion», jusqu’à ce que la plus grande par­tie de la nuit fût pas­sée. Alors, il se tut un long mo­ment. Puis, il s’écria : «vé­rité, vé­rité» 6. Lorsqu’ils l’amenèrent pour le cru­ci­fier, et qu’il aper­çut le gi­bet et les clous, il rit au point que ses yeux en pleu­rèrent. Puis, il se tourna vers la foule et y re­con­nut son ami Shi­blî : «As-tu avec toi ton ta­pis de prière? — Oui. — Étends-le-moi» 7. Shi­blî éten­dit son ta­pis. Alors, Hal­lâj ré­cita, entre autres, ce ver­set du Co­ran : «Toute âme goû­tera la mort… car qu’est-ce que la vie ici-bas si­non la jouis­sance pré­caire de va­ni­tés?» 8 Et après avoir achevé cette prière, il dit un poème de son cru :

«Tuez-moi, ô mes fi­dèles, car c’est dans mon meurtre qu’est ma vie.
Ma mise à mort ré­side dans ma vie, et ma vie dans ma mise à mort
»

  1. En arabe «كتاب الطاوسين». Par suite d’une faute, «كتاب الطواسين», trans­crit «Ki­tâb al Tawâ­sîn» ou «Ki­taab at-Ta­waa­seen». Haut
  2. En arabe حلاج. Par­fois trans­crit Hal­ladsch, Ḥal­lâdj, Ha­ladž, Hal­lage, Hal­lac ou Ḥallāǧ. Haut
  3. «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 142. Haut
  4. En arabe «اناالحق». Par­fois trans­crit «Ana al­hakk», «Ana’l Hagg» ou «En el-Hak». Haut
  1. «Re­cueil du “Dîwân”», p. 129. Haut
  2. Dans Louis Mas­si­gnon, «La Pas­sion de Hu­sayn ibn Man­sûr Hal­lâj. Tome I», p. 620. Haut
  3. Dans id. p. 649. Haut
  4. III, 185. Haut